Chapitre 13 : Le départ
Le réveil le lendemain fut difficile. Une nuit n'avait pas suffi à me libérer de la fatigue de la veille. Et pourtant, j'avais parfaitement bien dormi. Comme nous nous étions promis, nous ne nous étions pas dérangés durant la nuit, chacun restant sagement de son côté du lit. Le lit étant suffisamment grand pour qu'il y ait peu de chance de collision accidentelle. Quand Aliéna arriva pour me lever, mon compagnon avait déjà quitté la couche. Il avait même déserté la chambre, ce qui me permit de pouvoir me préparer pour cette deuxième journée de cérémonie en étant à l'aise.
Encore une fois, une armée des servants prirent soin de moi. La tenue d'aujourd'hui avait perdu de l'innocence, mais m'était bien plus en avant l'empire grâce à ses couleurs et ses parures. Cela me value même une remarque agacée de mon mari. Ce que je pouvais comprendre, le message que ma tenue envoyée, c'était que je faisais entièrement partie de l'empire. Certains y verraient sûrement une forme de mépris envers le peuple de mon époux. Je ne répliquais cependant pas, il ne semblait pas vraiment d'humeur à ce que je lui explique que je n'avais pas le choix dans ma tenue.
Cependant, il ne me fit pas d'autre remarque, il paraissait juste indifférent à ma présence, cela m'allait puisque ce qu'on s'était convenu. Et si j'avais eu peur qu'il me jette sa frustration une nouvelle fois sur moi, je m'étais trompé. Finalement, il resta poli tout le reste de la journée. Pourtant, je dois vous avouer que même pour moi, cette journée fut une torture. Nous étions exposés dans une très belle voiture ouverte, tiré par six chevaux de race et presque aussi bien apprêté que nous deux. La voiture avancée avec un rythme très lent à travers les grandes rues de la capitale. Le rythme était si lent que je doutais de l'utilité d'autant de chevaux pour nous tirer.
Bien sûr, il fallait faire l'effort de sourire et de montrer que nous nous apprécions déjà. Visiblement, Myrktar avait un plus grand don que moi pour jouer la comédie. Cependant, par chance, à la fin de cette journée, l'on nous laissa de l'intimité. Visiblement, ils voulaient que l'on mange ensemble pour prouver que l'on cherchait à consolider nos liens. Mais dans un accord commun, nous choisissons de manger séparément. Non qu'il m'était désagréable, en dehors de sa remarque quelque peu véridique du matin, il avait tout fait pour me montrer du respect sans que cela sembla lui demander trop d'effort. Il était même bien plus naturel qu'avec l'empereur et l'impératrice à qui il avait du mal à cacher sa défiance. Non, en réalité, je pense que l'on se supportait sans mal, même si nous étions loin d'avoir la moindre relation. Mais l'on venait de partager la même voiture durant une journée complète. Je pense que cette épreuve aurait pu être dur même à un vrai couple.
Ce soir-là, je mangeai donc avec le roi Zalvathar. C'était notre premier face-à-face, son arrivait au palais. Malgré une légère appréhension, je lui avais tout de même menti, j'avais hâte d'enfin le retrouver.
Il m'accueillit avec une joie réciproque en me serrant dans ces bras avec tendresse. Je profitais de ce moment en lui rendant mon affection. De nouveau, notre rencontre se fit sans personne d'autre, ni serviteur ni garde. Juste moi et le démon. L'on s'installa à table, lui me regardant avec une grande affection :
– Je dois bien t'avouer que j'ai eu grand peur pour toi hier, me confia-t-il. J'ai bien essayé de convaincre mon fils de faire autrement, mais il avait raison sur un point. Si le mariage avait été fait avec la mauvaise personne, le traité de paix aurait été grandement fragilisé. Et je dois bien t'avouer, que pour moi également l'empereur et son épouse semblait suspect. Pourtant, cela ne justifie pas qu'il est essayé de t'humilier en publique.
Je lui souris avec reconnaissance :
– Je ne lui en veux pas, il cherchait à protéger votre peuple et de toute façon, je vais très bien. Je m'excuse, j'aurai sûrement dû vous en parler avant. Cela aurait peut-être évité toute cette histoire.
Le vieux démon me sourit, paraissant être soulagé que je ne prenne pas mal le comportement agressif de son fils.
– Cela ne dérangera-t-il pas les démons si l'on sait que je suis une enfant illégitime ? Demandai-je inquiète.
– Si cela t'inquiète, sache que seul mon fils et moi sommes réellement au courant de tes origines. Et cela restera ainsi tant que tu le souhaites. La seule chose qu'ont vu les témoins, c'est que tu es bien la fille de l'empereur et que donc on ne nous a pas trompés. Cependant, sache que chez les démons, nous ne comprenons pas le principe d'enfant légitime ou non. Un enfant a besoin d'amour, peu importe ces parents.
Bien que je pensais que cela m'importait peu, un grand soulagement m'envahit. J'allais pouvoir vivre sans peur de jugement ce qui ne m'était jamais arrivé. Je ne pus cependant m'empêcher de le questionner :
– Bien que ce ne soit pas la faute de l'enfant, dans l'empire, un bâtard est mal vu, car c'est la preuve de l'infidélité, la preuve d'un crime. Ce n'est pas pareil chez vous.
Dans le regard de Zalvathar, on pouvait lire une grande compassion. J'essayais de l'ignorer, jamais, je ne m'étais apitoyée sur mon sort. Les injustices sont courantes dans notre monde, j'étais persuadée de ne pas vivre la pire. Je me disais que d'autre devait souffrir de pires injustices. Ce n'est que bien plus tard que j'ai compris, que peu importe si d'autre souffre plus, une souffrance reste une souffrance.
– Vous autres humains, répliqua-t-il de la voix d'un sage, vous avez tant de facilité à avoir une descendance que vous ne voyez pas à quel point un enfant est un trésor. Je trouve cela triste. Pour nous, démons ou même ange, avoir un enfant est une chose rare. Certes, nous vivons plus longtemps, ce qui nous laisse plus de chance d'essayer. Pourtant, peu de couple arrive à avoir un seul enfant. Donc tout enfant est considéré comme un trésor. Et si malheureusement, un enfant est maltraité, je peux t'assurer que le fautif est durement puni. Pour procréer, nous devons avoir plus qu'une simple relation physique. Certaine croyance disent même qu'avec un amour pur et puissant, un couple pourrait procréer sans avoir eu le moindre contact.
Je le regardai avec méfiance. Bien qu'il ne m'ait jamais menti, cette fois-ci, je ne pouvais m'empêcher de douter. Et j'imagine que pour vous qui n'avait que très peu de connaissance sur les démons et les anges, vous êtes d'autant plus dubitatif. Néanmoins, encore de nos jours, il existe des croyances sur une femme vierge qui aurait été enfanté par un être divin.
– Un amour pur et puissant, répliquai-je sans cacher mon ironie. Cela ne peut exister, du moins pas longtemps. Je ne suis pas sûre de comprendre en quoi cela put permettre la naissance d'un enfant.
– La raison de ce phénomène nous échappe également, n'oublie juste pas que contrairement aux créatures terrestres, notre nature est bien plus magique. Pour ce qui est de l'amour, même pour notre peuple, c'est une chose bien fragile qui a besoin d'être entretenue par les efforts des concernés. La naissance d'un enfant représente l'amour de ses parents et l'union de ses derniers est sacrée peu importe la forme. Que les parents soit de deux sexes différents ou du même sexe, que les parents, soit deux ou plusieurs. Tout amour suffisamment puissant pour créer la vie est respecté même si à l'origine l'un des partenaires avait un autre partenaire. En réalité, la tromperie est rare chez notre peuple. L'on préfère de loin la vérité.
De toute cette explication, je n'avais bloqué que sur un seul détail.
– Tu veux dire qu'il n'y a pas que les femmes qui peuvent procréer chez les démons ?
Ma surprise fit sourire le démon :
– C'est sûrement plus compliqué. Mais tout d'abord, notre peuple possède trois sexes différents. Il y a des mâles et de femelles comme chez vous, mais également des hermaphrodites. Cependant, je te passe les détailles, mais deux femelles ou deux mâles peuvent également avoir leur propre enfant, même si pour des raisons naturelles cela reste plus compliqué. Il n'empêche que tout enfant est un précieux don et que nous les respectons tous ? Y compris les petits humains et même les enfants anges. Alors cesse de t'inquiéter, tu ne seras jamais jugé pour tes parents. Le plus gros problème que tu rencontreras, c'est le préjugé né de la guerre sur les humains.
Son discourt m'avait rassuré. Si je n'étais pas sûr de comprendre toutes les explications sur la procréation chez les démons, je croyais pouvoir lui faire confiance sur le fait que ma naissance illégitime ne sera pas discriminée. Et ce qui est de la discrimination dû à mon espèce, cela n'inquiétait pas. Malheureusement, je comprenais cette méfiance, et devant l'honnêteté intellectuelle des démons à qui j'avais parlé, j'étais persuadée que je pourrais montrer à tous que tous les humains ne soient pas d'horrible monstre égoïste tueur d'enfant.
Enfin rassuré, la conversation s'allégea. Mon nouveau père me parla un peu plus de son monde. Je dois vous dire qu'à ce moment-là, je n'arrivais pas à comprendre ses mots et ne pouvais m'empêcher d'imaginer un monde souterrain, sombre et peu accueillant. J'étais loin de comprendre la portée réelle des mots du roi. Nous parlâmes rapidement de ce que je comptais faire une fois dans son royaume. Mais j'avais encore beaucoup de mal à pouvoir me projeter.
Il m'assurait que je pourrais faire tout ce que je souhaitais tant que cela n'était pas contraire aux règles du monde démoniaque. Mais, moi qui avais toujours vécu une vie de servitude malgré moi, comment je pouvais imaginer, mais journée ? Pourtant, tout ce qui sortit de la bouche de Zalvathar me donna qu'une envie. Enfin traverser ce portail et découvrir ce nouveau monde de possibilité.
Les jours suivants, je dus me préparer à quitter mon monde et faire mes derniers adieux. Je passais beaucoup de temps avec mon petit frère, dont je n'arrivais malheureusement pas à rendre son sourire. De même, c'est dernier jour, je m'étais rapprochée d'Aliéna.
Pourtant, il y avait bien quelqu'un que je croisais peu. Cela devait relever du miracle puisque je partageais ma couche avec ce dernier. Si je ne percevais plus de haine les rares fois où mon regard croisé le sien, il n'en restait pas moins que notre relation n'avait guère évolué. Juste de l'indifférence. Sous les conseils de Zalvathar, pour trouver ce que je voulais devenir une fois que j'aurais changé de dimension, j'avais tenté d'approcher Myrktar. En effet, dans l'espoir de découvrir ce monde, j'avais eu l'idée d'aider mon compagnon dans ses missions. Son père n'avait assuré que la tâche d'héritier était fastidieuse et demandait beaucoup d'investissement. Bien que je ne m'étais pas lié à lui par choix, en l'aidant, j'espérais sincèrement que cela permettrais d'améliorer notre relation.
Mais mes efforts étaient vains, mon mari ne souhaitant pas m'adressait un mot de plus que les politesses.
Je n'avais guère plus de temps à moi, puisqu'en dehors de mes préparations personnelles, chaque jour un nouveau banquet en honneur de l'union de nos peuples avait lieu, réclamant ma présence. Et malgré tout cela, j'eus le malheur de croiser les jumeaux qui me bloquèrent loin de tout témoin, en compagnie et leur plus fidèle serviteur.
– Alors, cela fait quoi de devenir une démone ? ricana ma chère sœur suivit de ses adorateurs.
– Il me semble que vous devriez suivre davantage vos cours de science, ma chère sœur. Un simple mariage ne permet à aucun être de changer d'espèce.
Si je répliquais, je restais distraite. Loin d'être inquiète, mon regard ne pouvait se détourner de l'un des membres de leur cour. Je ne l'avais jamais vu et quelques chose en lui me déranger fortement. Pourtant, malgré mon instinct m'incitant à me méfier, je ne savais ce qui n'allé pas chez lui. Je ne pus me concentrer plutôt sur lui, on me bouscula avec force. Mon frère hargneux venait de me pousser contre le mur :
– Ne fais pas la maline, tu n'es plus la première princesse. Ton mari parait t'ignorer et père ne te regarde plus. Tu crois qu'il se passera quoi si je te donnais enfin la bonne correction que tu mérites ?
Son avant-bras appuyait si fort sur ma poitrine que j'en avais mal, mais je lui souris, prenant mon air le plus compatissant.
– Dire que tu n'as que deux ans de moins que moi, mais tu restes bien limité. Même notre petit frère Alistair aurait compris. Mon statut n'est plus le même, en effet. Néanmoins, je suis plus en sécurité que jamais malgré l'indifférence de ce qui m'entoure. Je suis devenu le gage de la paix entre de peuple. Me faire du mal revient à remettre la paix en jeu. Père comme mon mari ne laisseront jamais passer un tel outrage. Je peux vous assurer que malgré votre statut, votre punition sera plus lourde que ce que vous m'aurez fait subir.
Ma réplique le fit à peine vaciller, mais je pouvais lire dans son regard de brute que j'avais semé le doute. Habillement, je me sortis de son emprise et portai mon regard sur le nouveau.
– Comme tu es nouveau dans leur cour, je te conseille vivement si tu es quelque peu intelligent de vite t'éloigner d'eux. Ils sont peut-être les enfants de l'empereur, mais s'ils ne se rendent pas compte qu'en m'agressant devant vous, ils vous mettent également en danger, ils sont de bien mauvais stratège...
Je ne pus finir ma tirade. Je fus violemment projeté contre le mur. Au moins, il avait eu l'intelligence de me frapper dans le ventre. Je pourrais facilement la cacher, car malgré mon discours, il était hors de question que je crée une guerre diplomatique. Mon bras serrait sur ma douleur, pliée en deux, j'essayais de retrouver le souffle et une porte de sortie.
– C'est toi qui es conne. Ta maladie t'a fait perdre ton cerveau ! Guillau a toujours était avec nous.
S'il continua à parler, je n'entendis pas la suite. Mon attention tournée vers celui qui venait d'arriver, mais dont tous semblait croire qu'il avait toujours était là. Son regard calculateur était également posé sur moi. Il avait l'air perplexe, il ne devait pas comprendre comment je pouvais le voir comme il était. D'ailleurs plus, je l'observais, plus, je percevais son aura :
– Ange, chuchotais-je, surprise.
– T'es complètement folle, un coup te remettrait les...
Alors que mon cher frère avait levé sont bras, tout ce qui était autour de moi se figea, les êtres vivants comme la poussière. Je me redressais légèrement, la douleur au ventre oublié. Le temps s'était figé, me laissant seul face à un ange tout-puissant. Soudain Mora me parut bien inoffensif. Une frayeur me prit aux tripes et tous mes sens me crié de m'enfuie, mon instinct en premier. Malheureusement, je n'étais pas persuadé de pouvoir fuir un être apte à arrêter le temps.
Toujours contre mon mur, je me redressai, me décalai pour m'éloigner de mon frère tout en gardant mon regard sur l'ange. Lui semblait presque amusé de ma réaction. Plus mon regard ce porté sur lui, plus, je le voyais telle qu'il était réellement. Une magnifique créature loin d'être un adolescent. Dans son dos, une étrange lueur que je ne pourrais qualifier.
Il fit un pas vers moi et je dus me faire violence pour ne pas fuir. Mon regard sur le couloir du cependant me trahir. Il sourit froidement.
– Comment as-tu compris ? Me demanda-t-il d'une voix hypnotique.
Au fond de moi naquit un besoin de lui répondre. Je dus me concentrer de toutes mes forces pour ne pas le faire. Je remarquais cependant que contrairement à l'ami d'Alistair, cet ange n'avais pas détecté mon instinct magique. J'espérais de tout mon cœur que cette information resterait secrète.
– Je suis peut-être plus intelligente que mes congénères, bredouillai-je avec bien peu d'assurance.
Il ne dit rien, mais son visage se fit plus sévère. Mon pou s'affola à son tour, je n'allais pas tarder à d'affaiblir surtout que mon interlocuteur ne semblait pas apprécier que je lui résiste.
– Qui es-tu réellement ?
La peur et la pression devenant trop forte, je me sentis obligée de répondre, choisissant cependant bien mes mots :
– Je suis Elayne, la fille ainée de l'empereur.
– Tu me dis la vérité, mais pas les mots que je veux entendre. Crois-tu pouvoir être plus maligne que moi ? Crois-tu pouvoir te moquer d'un ange ?
La pression fut si forte que ma respiration se coupa et que ma vision se brouilla. Mon instinct amplifiant le tout, me signalant un danger mortel. Je perdis espoir et mes jambes commencèrent à plier. Mais le sol ne vint jamais à ma rencontre. Un bras solide interrompit ma chute me plaquant sans ménagement sur un torse presque inconnu.
– Que tentes-tu de faire à Elayne ?
La voix de Myrktar repoussa toutes les tensions. Je me sentis libérée et en sécurité. J'essayais alors de me dégager. Et la force de ce démon était bien supérieur à la mienne, et je ne pus me dégager.
– Serais-tu déjà attaché à ton humaine, monstre ?
– Il ne me semble pas que cela concerne un volatil. Ou bien votre espèce va enfin arrêter de se servir des autres et nous attaquer directement ? Oserez-vous enfin rompre le grand traité ?
Le silence suivit les questions de mon compagnon, mais je pouvais sentir tous les ressentiments de mon agresseur. De mon côté, je ne pouvais m'empêcher d'être curieuse sur ce grand traité. Si l'on croyait certains des écrits que j'ai lus qui correspondent également au récit de Zalvathar, ce sont les anges qui ont poussé les humains à attaquer les démons. Il y avait cependant une incohérence, les anges sont bien plus puissants que les humains, donc pourquoi n'attaquaient-ils pas eux même ? Le grand traité devait être une partie de la réponse.
La pression retomba soudainement, me laissant croire que l'ange n'avait plus rien à retourner à mon démon.
– Vous n'avez pas gagné, répliqua Guillau. Le monde terrestre n'a pas besoin d'être aussi peu harmonieux que vous.
Puis sa présence s'effaça. Le bras qui m'enserrait me relâcha alors. Je m'éloignais pour observer le visage sévère du démon. Je crus voir une pointe d'inquiétude quand il porta son regard sur moi.
– Je suis désolé, j'aurais dû savoir qu'ils t'enterraient de nouveau quelque chose. Ces volatiles n'abandonnent pas facilement. Nous allons devoir presser le départ. Il faudra également que tu acceptes d'être accompagné par un garde démon. Pour ta sécurité.
J'aurais voulu protester, n'appréciant guère être suivi, mais je savais sa proposition sage. Je hochai donc la tête, cachant de mon mieux mes ressentiments. Il dut tout de même les remarquer, car il s'excusa de nouveau, mais pour autre raison :
– Je m'excuse aussi pour mon intervention brutale. Tu sembles vouloir mener tes propres combats et je le respecte. Malheureusement, tu ne pouvais gagner celui-ci. Peut-être aurais-je dû tout de même agir un peu plus en fonction de tes sentiments.
Ses dernières excuses provoquèrent en moi un fou rire. Ce démon me comprenait tellement bien. Habituellement, sûrement par instinct, je n'appréciais pas que l'on soit capable de deviner les sentiments que je dissimule au fond de moi. Pourtant, venant de lui, cela me donne de l'espoir. Jusqu'alors, je pensais que Myrktar me méprisait et ne prêterait guère plus attention à moi, rendant sans nul doute notre relation toxique. Mais pour qu'il m'ait comprise mieux que personne, cela prouvait que notre relation pouvait être cordiale.
J'essuyais les larmes qui commencer à couler et me calmer pour répondre au démon qui ne fixait cachant de son mieux sa perplexité.
– Je te remercie pour ta considération. Et malheureusement, je suis de ton avis, je n'aurais pas pu résister encore bien longtemps à ses attaques. Je te suis donc affiniment reconnaissante pour ton intervention.
Je lui fit la plus belle de mes révérances et quand je me relevais je ne pus m'empêcher de dire avec malice :
– Même si mon égos est blessé.
Et comme l'avait promis Myrktar, le départ fut avancé et nous partîmes dès le lendemain de l'altercation. Je ne sais comment Myrktar avait réussi à convaincre le conseil de l'empire de la nécessité de partir plutôt, mais je n'entendis aucune rumeur au sujet de mon altercation avec ma fratrie ou un ange. D'ailleurs personne ne semblait se souvenir de certain Guillau. De mon côté, étant déjà prête, ce départ anticipé ne me dérangé pas.
Nous partîmes dès le début d'après-midi. Je fis une longue embrassade à Aliéna lui souhaitant bonne continuation puis je me dirigeais vers Alistair. Ce dernier me sauta littéralement dans les bras. Je le gardais longtemps dans mes bras, laissant libre expression à mon affection. Quand enfin, il me libéra, mon regard se posa sur Mora pour m'assurer qu'il tiendrait sa promesse. J'avais réussi à avoir une nouvelle conversation en tête-à-tête pour m'assurer qu'il s'occuperait bien de mon frère. Je lui avais également promis d'écrire régulièrement à mon petit frère pour compenser mon absence. Il me sourit en hochant la tête, je pouvais lui faire confiance.
Enfin, je grimpais dans le carrosse qui allait me mener en dehors de mon monde avec le roi démon pour me tenir compagnie. Alors que le château s'éloignait et que la foule nous suivant se faisait moins dense, Zalvathar attira mon attention :
– Il faut que nous discutions du voyage jusqu'à notre dimension.
Cette simple phrase suffit à éveiller ma curiosité. Bien que j'eusse essayé à de nombreuse reprise de lui faire parler de son monde plus en détail, il était resté sur des explications très neutres et à aucun moment, il n'avait parlé de comment nous nous y rendrons.
– Il ne sera pas compliqué de s'y rendre. Je dois cependant te parler d'un léger problème te concernant. Notre dimension est bien évidemment habitable pour les humains, du moins d'un point de vue de l'atmosphère d'ordre physique.
– Tu veux dire que je pourrais respirer, le coupai-je dans ses explications compliquées.
– En effet, cependant, vous ne pourrez pas tout de suite supporter l'atmosphère magique. Les humains ont du mal à supporter là trop forte concentration magique. Tu risques donc fortement de t'évanouir.
– Je risque ?
– Je n'ai pas connu d'humain capable de rester éveillé au passage du portail.
– Mais ce n'est pas dangereux ?
– Non, une fois, le portail passé, en fonction dont tu es affecté par la magie de notre dimension, nous te lancerons un sort qui te permettra de t'adapter en douceur à cette présence magique.
– Vous ne pouvez pas le faire avant que je ne m'effondre ?
– Nous pourrions, mais cela rendrait ton adaptation à l'atmosphère sûrement plus longue puisque le sort ne te sera pas adapté. Mais si tu préfères...
– Non, ne t'inquiète pas, je te fais confiance. Tout cela devient très intéressant.
Si Zalvathar semblait craindre que je prenne mal cette nouvelle, il n'en fut rien. Comme je l'avais dit, je lui faisais confiance et ne doutez pas qu'il prendrait soin de moi. Au contraire, cette drôle de particularité ne fit qu'augmenté ma curiosité. Dès lors que nous avions qui le palais et la capitale, j'avais oublié que je partais par obligation, ne voyant que l'honneur d'être l'une des rares humaines à pouvoir me rendre dans le monde souterrain.
Le reste du voyage fut plutôt agréable, la compagnie du roi démon était toujours plaisante. J'observais les paysages qui défilaient, était tous très beaux pour moi qui n'avais jamais eu l'occasion de visiter autre chose que la campagne environnant la capitale et son palais. Je découvris que même le monde terrestre avait une forme de beauté que je ne connaissais pas. Aucun des bourgs que nous traversâmes n'étaient identiques, tous semblaient avoir une histoire. Je pris conscience lors de ce voyage que même ce monde avait encore beaucoup à m'apprendre et que je ne pourrais sûrement plus profiter de ses beautés.
J'oubliais cependant vite ce petit pincement de cœur quand, en début de soirée, nous aperçûmes enfin le portail. Cette arche de pierre noire intemporelle avait survécu aux nombreuses tentatives de l'empire pour la détruire, et pourtant elle paraissait aussi belle que le premier jour. Elle n'avait été marquée ni par ses attaques incessantes ni par le passage du temps. Si ce monument raisonné au plus profond de moi, extérieurement rien ne montrait qu'elle était autre chose qu'une simple arche de pierre. En regardant au travers, on voyait juste la continuité du paysage.
Dès que ma voiture s'arrêta, je sortis précipitamment pour l'observer de plus près sous le regard amusé de certain démon. J'en fis le tour, prenant soin de ne pas la traverser, mais rien ne changeant. Bien que tout en moi me criait que ce monument possédait une grande puissance, je ne parvenais pas à la voir avec mes yeux. Je reviens vers le roi Zalvathar, des étoiles plein les yeux :
– Comment traverse-t-on ?
Ma question en fit sourire plus d'un, mais mon interlocuteur ne répondit sans me juger :
– Il suffit juste de marcher entre les piliers.
Je fronçais les sourcils, déçue que ce soit si simple.
– N'est-ce pas dangereux ? Si des personnes la traversaient sans savoir.
– Cela est impossible. Pour traverser les mondes, il faut le vouloir du fond de son cœur. Ou alors, il faut être accompagné par un être qui vous aide. Il reste donc fortement improbable qu'un humain passe dans le monde souterrain sans en être conscient. Toi, par exemple, tu es consciente de passer le portail, tu sembles le vouloir et par sécurité, tu le passeras à mes côtés. Il n'y a pas de doute que tu arriveras de l'autre côté.
Je le regardai soudainement dubitative. Et si, au fond de moi, j'espérais rester sur le plan terrestre, et si je me leurrais en pensant être volontaire. Pourtant, quand Zalvathar me tendit son coude, je le pris sans hésiter. Enfin, j'allais découvrir ce mystérieux plan démoniaque.
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