Chapitre 1 : Łækrassing

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Aliénor progressait dans les rues de Christiana sous un soleil de plomb, marchant péniblement en ce début de journée du mois de juin. Elle se dirigeait lentement vers l'académie de magie où, malgré la souffrance, elle choisissait encore de se rendre, parce qu'elle était fascinée par la magie, depuis son plus jeune âge.

Ce jour ne serait rien qu'une journée infernale de plus pour elle, comme d'habitude, et ça, juste parce qu'elle ne s'était pas manifestée. Elle aurait dû, pourtant, pouvoir utiliser ses pouvoirs le jour de son quinzième anniversaire, comme tous les Cristallins.

Mais non, elle avait fait partie de la soixantaine de son âge dont les talents ne s'étaient pas déclenchés, et les deux fragments de losange qui constituaient son emblème demeuraient désespérément vierges.

C'était ainsi qu'elle avait pris l'habitude de les masquer, n'arrivant pas à assumer son incapacité magique. Mais ce n'était pas cela qui la faisait souffrir. Passer la journée à assister à des démonstrations plus spectaculaires les unes que les autres était plutôt agréable, et l'absence de magie n'était pas si problématique.

Le problème, c'était cette fille, Luna d'Oppland. Une duchesse qui avait manifesté ses pouvoirs à treize ans, alors que l'âge normal était de quinze, qui maîtrisait les flammes, l'eau et les ombres et ne manquait pas d'afficher son emblème constitué de deux cercles dans lesquels se trouvaient des représentations graphiques de ses pouvoirs, une flamme, une vague et une lune sombre situés sur la paume de sa main droite.

Aliénor, elle, masquait toujours sa clavicule, pour ne pas laisser à vue sa propre marque de naissance.

Luna ne ratait jamais la moindre occasion de la critiquer ou de l'humilier et cela durerait jusqu'à ses vingt ans, après lesquels elle n'aurait plus les moyens de payer l'académie si elle voulait avoir assez de nourriture pour tenir jusqu'à ses trente ans, où normalement elle aurait trouvé une source de revenus. Elle s'arrêta un instant pour reprendre son souffle, car elle commençait à être épuisée par les cinq heures de marche que représentait le trajet, elle n'avait pas les moyens de se loger à proximité de l'académie. Les manifestés utilisaient leurs pouvoirs pour se déplacer, mais Aliénor n'avait pas cette chance. Donc, elle marchait.

Elle arriva sur le perron du majestueux édifice après une quinzaine de minutes et entra dans la salle d'étude en retenant son souffle. Elle parcourut la pièce du regard, mais Luna n'était pas en vue et s'assit donc seule devant une petite table tout en jetant un coup à la grande pendule de la salle. Il lui restait vingt minutes avant le cours sur les magies divinatoires, et c'était suffisant pour ce qu'elle comptait faire. Elle sortit sa fiole d'encre magique, une plume de goéland des neiges et son carnet de cuir dans lequel elle gardait toutes ses oeuvres. Car oui, Aliénor dessinait, et elle aimait à croire qu'elle était douée. Elle choisit de représenter, pour cette fois, un animal qu'elle n'avait jamais vu en vrai. Les phoenix étaient très rares, mais elle en avait vu différentes sculptures et représentations plus ou moins réalistes. Ces images, combinées à son imagination débordante, devaient être suffisantes pour représenter cet animal mystique. Elle commença par esquisser le contour de l'animal avant de tracer légèrement les premiers détails, débutant par les plumes qu'elle dessina une à une pour un rendu plus spectaculaire. Elle allait commencer la tête de l'oiseau quand une voix plus que familière l'interrompit dans son travail.

- Alors, Vide, encore à dessiner ? lança Luna. Ce n'est pas ce qui te permettra de manger, tu sais ?

Aliénor baissa la tête pour masquer sa fureur, car c'était son objectif. Trouver un travail grâce à son talent. L'insulte la blessait. Vide. Les non-manifestés. Tous les jours, elle restait là sans réagir, en espérant que Luna partirait. Mais cette fois, elle vit du coin de l'oeil le geste parfaitement volontaire de Luna qui avait précipité au sol sa fiole d'encre. Aliénor se leva d'un bond pour protéger ses autres affaires, mais c'était trop tard. Luna venait de briser la plume entre ses doigts et avait réduit en cendre ce carnet qui était le bien le plus précieux d'Aliénor. Des larmes commencèrent à couler sur les joues de la jeune fille quand Luna reprit la parole.

- Tu ferais bien de nettoyer, susurra la jeune Lady, où tu seras accusée de rendre sales les lieux financés par la reine.

Aliénor releva lentement la tête, outrée, et planta ses yeux pâles dans ceux ambrés de Luna. Utilisant un courage qu'elle ignorait posséder, elle répondit :

- Ce n'est pas moi qui ai brisé cette fiole, en revanche, toi, tu devrait laver les dégâts que tu a causés.

La bouche de Luna s'agrandit sous le choc et ses yeux brillèrent d'une flamme brûlante de rage. Elle empoigna les cheveux châtain clair de son ennemie, et lui releva violemment la tête en parlant avec fureur.

- Comment oses-tu me parler ainsi ? gronda-t-elle. Je suis une future duchesse, et tu vas regretter ton acte, Aliénor Celsia.

La voix de Luna avait résonné dans la pièce, et toutes les têtes s'étaient tournées dans leur direction, voyant avec stupeur le sourire cruel de la noble et les flammes qui commençaient à monter autour d'elles. Aliénor en ressentit rapidement les effets, et la chaleur montante lui lacérait les jambes. Elle tenta de se débattre et se libéra de l'emprise de Luna, mais ses membres tremblaient, incontrôlables, et elle tomba au sol, voyant Luna, entourée par les flammes, ses cheveux auburn flottant autour d'elle, se pencher lentement vers elle pour murmurer :

- Alors, Aliénor Celsia ? Tu as compris la leçon ? 


La fumée noire qui s'élevait des flammes flottait dans l'air. Aliénor ne pouvait pas répondre, elle en avait inhalé et sa gorge était trop rauque pour parler.

- Tu ne veux pas répondre à ma question ? Très bien, j'ai donc une bonne raison de recommencer demain. Et tous les autres jours...


Aliénor lui jeta un regard ulcéré, et se redressa en utilisant ses dernières forces. Luna éclata de rire en la voyant vaciller, manquer de tomber puis se rétablir. Ce fut trop pour elle.

- Laisses-moi tranquille ! hurla-t-elle avant de partir en courant, bousculant Luna au passage.

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