Chapitre 2 : Tæłkrasing
Elle franchit les portes de l'académie sans un regard en arrière, décidant aussitôt de ne plus y retourner. Elle passa donc a un boutique de fournitures magiques, une Ðærłvíkēt, pour s'acheter une nouvelle plume, plusieurs fioles d'encre et un nouveau carnet. En racheter était très important pour elle car, malgré les sept Couronnes de Givre que coûtaient chaque artéfact, elle en avait besoin pour dessiner et il lui faudrait du matériel de qualité pour pouvoir vendre. Elle passa rapidement au comptoir pour payer les objets et plongea les mains dans la poche cousue à la va-vite sur sa tunique pour en sortir une bourse dont elle sortit les vingt et un pièces d'argent qu'elle devait à la vendeuse. Elle ressortit rapidement de la Ðærłvíkēt pour se diriger vers la ŁeÐiækęt située en périphérie de Christiana pour soigner ses brûlures. Elle attendit une demi-heure avant d'être adressée à un Łèkærz d’eau qui soigna toutes ses brûlures et apaisa ses poumons endoloris. Ces soins lui coûtèrent six Couronnes de Glace, l’équivalent de trois années à l’académie de magie. Elle ressortit du ŁeÐiækęt en calculant que pour compenser les dépenses qu’elle avait faites au Ðærłvikēt, elle devrait se passer de déjeuner pendant trois mois. Elle se choisit de rentrer chez elle pour se reposer et marcha en direction de son Logement de Lune perdue dans ses pensées, repensant à son acte. Il ne s’agissait de rien de grave mais légalement, elle avait porté la main sur une duchesse. Non, se reprit-elle mentalement. Une future duchesse. Mais à ce niveau-là, ce genre de détail n’était pas important, car les d’Oppland étaient si haut-placés que seule la reine se trouvait au-dessus d’eux en terme de hiérarchie. Et elle avait déjà entendu dire qu'à la mort de la reine, Luna serait choisie pour lui succéder, car la dirigeante du royaume n'avait pas d'héritière. Elle tenta de se rappeler quelle était la punition qu’elle encourait quand un bruit lui fit lever la tête. Elle fut surprise en comprenant que c’était le bruit des vagues se brisant contre les falaises des Crêtes d’Argent. Cela faisait trois heures qu’elle marchait, et il lui restait deux heures de trajet. Elle pressa le pas, voulant arriver chez elle avant la troisième heure de Glace. Ses foulées s’allongèrent et elle se retrouva à courir malgré la forte chaleur qui était, il fallait le dire, totalement inhabituelle. Elle arriva après une heure et demi dans le quartier de Lune où elle habitait, satisfaite d’avoir mis une demi-heure de moins que le temps normal. Sa joie s’estompa aussi rapidement qu’elle était venue quand elle vit, devant la porte vermoulue de son logement délabré, toute une escouade de Lames d’Hiver, sabres sortis. Elle approcha lentement, les mains à découvert et s’arrêta à quatre stalactites de la garnison. La capitaine, symbolisée par sa cape argentée et non blanche comme celles des Lames simples, s’avança et la regarda fixement.
- Aliénor Celsia ? demanda-t-elle.
Aliénor hocha timidement la tête et la capitaine lui saisit fortement le bras. Elle disparut et Aliénor ressentit pour la première fois la sensation majestueuse de se déplacer par magie. La capitaine se rematérialisa dans les cachots du palais. Tenant toujours Aliénor, elle l’emmena jusqu’à une cellule vide dans laquelle la jeune fille de dix-sept ans fut jetée sans ménagement. Elle n’avait aucune idée de ce qui allait se passer et l’angoisse commença à lui étreindre le cœur. Elle avait eu une amie, Lisaya, qui avait été jetée dans les geôles de la reine pour avoir volé de quoi se nourrir. Cela faisait trois ans que des Lames d’Hiver l’avaient emmenée. Trois ans qu’Aliénor cherchait désespérément à savoir ce qui lui était arrivé, sans succès. Elle avait disparu des mémoires, et Aliénor n’avait plus jamais entendu parler d’elle.
Quelques instants plus tard, elle n’aurait su dire s’il s’agissait d’heures ou de minutes, un jeune Lame d’Hiver se présenta et déverrouilla la grille gelée avant de traîner Aliénor jusqu’à une salle où se trouvaient deux chaises, et l’une d’elles était occupée par un homme. On la somma de s’asseoir en face de lui, et elle frémit quand elle vit le collier sur lequel se trouvait gravé un emblème constitué en forme de racines avec, à l’intérieur, un œil avec, à la place de l’iris, des cercles concentriques qui se dissipent. Elle connaissait cet emblème. Tous les Cristallins connaissaient cet emblème. Celui d’un PrøvaÐzyc, une personne capable de voir les souvenirs, d’en retrouver ou d’en effacer. Il le dégrafa lentement et l’approcha du front d’Aliénor qui ressentit alors une vive douleur. Elle avait l’impression que ses souvenirs s’échappaient de sa conscience, que même penser était devenu difficile, que…
La douleur devint soudain beaucoup plus forte et semblait littéralement lui arracher son esprit hors de son crâne. Aliénor hurla mais la douleur, loin de décroitre, ne vit qu’augmenter. Elle commença à se débattre pour échapper à cette torture et hurla de plus belle. La souffrance monta en flèche, atteignant un point de non retour. Son corps devenu inerte tomba au sol dans un bruit sourd. Elle s’était évanouie.
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