L'interrogation

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Je rentre dans l'appartement, je m'écroule immédiatement sur le canapé telle une larve. Je suis épuisé par cette journée. Avoir dû subir, en un seul jour, le départ de mon amour, une grosse journée de travail et cette demande aussi inattendue qu'étrange de la part de mes meilleures amies, m'a complètement sonné.

Pourtant, je sais que je vais avoir d'extrêmes difficultés à trouver le sommeil car mon esprit reste en ébullition.

Je trouve un peu de courage pour me lever, il est vingt heures et je devrais être en train de me préparer un repas mais je décide de plutôt me concocter un gros mug de café très serré. Je ne dois pas tarder à appeler Lou mais j'ai encore besoin de réfléchir à toute cette drôle de situation avant.

Je sors machinalement une feuille de papier et un stylo, je fais bêtement deux colonnes dans lesquelles j'écris du côté gauche tous les arguments qui me pousseraient à accepter la demande de Mathilde et Gabi, et du côté droit, ce qui pourrait m'inciter à refuser.

Après quelques minutes de réflexion, je me mets à rire seul en constatant le résultat. Alors que j'avais imaginé que les deux colonnes seraient pleines à craquer, je n'ai trouvé que deux arguments de chaque côté.

Pour le côté " Pour " :

  • Rendre heureuses mes meilleures amies.
  • Cet enfant ne pourrait que renforcer encore les liens qui unissent nos deux couples.

Pour le côté contre :

  • La difficulté à trouver ma place dans cette drôle de situation.
  • Lou et le chagrin qu'elle pourrait ressentir malgré son accord.

Finalement, en me relisant, j'ai l'impression d'être aussi perdu qu'au départ mais j'ai aussi cette sensation radsurante d'avoir tous les éléments pour pouvoir appeler Louane et de parler avec elle de tout cela.

Je sors mon téléphone de ma poche et je lance l'appel, elle décroche rapidement et me dit :

  • " Salut mon ange ! "
  • " Salut mon amour, ça va bien ? "
  • " Oui, enfin, un peu crevée mais ça va. Et toi ? "

Je soupire, elle ne peut que l'entendre. Je lui réponds :

  • " Bof, je suis allé chez Gabi, elle et Mathilde m'ont demandé ce que tu sais. "

Elle me répond :

  • " Oula, je m'en doutais un peu. Après notre conversation de ce matin, je lui ai envoyé un message pour lui dire que j'avais sûrement fait une gaffe, que je t'avais dit qu'elle allait vouloir te parler et qu'il ne fallait pas qu'elle tarde. Tu te sens comment ? "
  • " Perdu, complètement perdu. "

Elle rit, sûrement nerveusement, puis me répond :

  • " C'est pas étonnant, et tu leur as donné une réponse ? "
  • " Non, j'étais incapable de répondre comme ça, sans y réfléchir. Et toi ? T'as donné ton accord ? "

Un long silence précède sa réponse pourtant si courte :

  • " Oui. "

Je ne peux que lui demander :

  • " Et t'as fait comment pour prendre cette décision ? J'ai besoin d'aide là mon ange. "

Elle rit à nouveau puis se lance dans un long monologue :

  • " Je sais pas si elles t'en ont parlé, mais au départ je pensais que c'était une plaisanterie. Et puis, elles m'ont tout expliqué, j'ai longtemps cogité et j'ai finalement compris. Je me suis seulement mise à leur place. Elles avaient le père idéal sous leurs yeux depuis toutes ces années et je ne peux qu'être d'accord avec elles et puis, tu sais à quel point je les aime énormément toutes les deux.

L'émotion me submerge à nouveau, j'inspire profondément et je lui réponds :

  • " Ça m'a beaucoup touché qu'elles puissent avoir cette impression que je sois le père parfait pour leur enfant, mais je suis pas encore père et peut-être que je vais être nul dans ce rôle.

Lou se met légèrement en colère :

  • " T'as pas le droit de dire des sottises pareilles, je suis sûrement la mieux placée pour te dire que tu seras le meilleur des papas. Et je suppose qu'elles t'ont bien expliqué qu'elles n'allaient en aucun cas te juger sur le rôle que tu décideras de prendre. "

Elle ne le voit pas mais de petites larmes s'écoulent sur mes joues. J'essaie de reprendre mes esprits et je lui demande sincèrement :

  • " Et pour nous ? Ça va sûrement nous compliquer la vie, et puis j'avais tellement envie de faire de toi la seule mère de mes enfants, et je pense que toi aussi. "

Elle me répond avec autant de sincérité :

  • " Évidemment que ça me fait quelque chose, j'aurais aimé être la première et la seule à t'offrir un enfant. Ça va sûrement nous chambouler mais je sais qu'on est assez fort pour affronter tout ça. "

Elle a sûrement raison, je lui demande cependant :

  • " Oui, t'as un autre argument qui pourrait faire pencher la balance de ce côté ? "

Elle me répond immédiatement :

  • " Je veux pas t'influencer, peu importe la décision que tu prendras, elles sont assez intelligentes et sensées pour ne jamais te juger si tu refuses. Mais, si tu veux vraiment savoir, il y a bien une chose qui m'a aidé à donner mon accord. "
  • " Laquelle ? "

Elle me répond :

  • " Un jour tu me donneras à moi aussi le bonheur d'être maman, et ça, je le dois à Gabi. Je te rappelle que c'est grâce à elle qu'on s'est retrouvés toi et moi, c'est elle qui t'a quasiment traîné jusqu'à ce cinéma alors que t'avais aucune envie d'y aller. Alors si grâce à elle je peux avoir des enfants de toi, j'ai aucune envie de l'empêcher de vivre la même chose. "

En matière d'arguments, mon ange venait de frapper un très gros coup. Même si nos retrouvailles mémorables à Lou et moi étaient le fruit du hasard, Gabi avait réussi à forcer le destin ce soir-là et me permettre de redevenir le plus heureux des hommes. Elle avait aussi été mon plus grand soutien lors de mes horribles périodes de doutes et de tristesse durant ces deux longues années sans Louane. J'ai toujours eu l'impression de tant lui devoir pour tout ça. J'avais là l'occasion de lui faire un cadeau à la hauteur de ce qu'elle avait fait pour moi.

Je reprends un peu mes esprits puis je réponds à Lou :

  • " T'es vraiment un ange et tu m'aides beaucoup. Tu trouves des arguments sur tous les sujets toujours aussi facilement ? "

En riant, elle me répond :

  • " Je me débrouille, c'est peut-être grâce à mes études de commerce. "

Je décide de la mettre à l'épreuve :

  • " Bon, on va faire un petit jeu pour voir si t'es capable de me trouver un excellent argument sur un autre point. "

Lou adore les jeux et les défis, elle ne se fait pas prier :

  • " Ok, je t'écoute. "
  • " On a prévu, toi et moi, d'essayer de faire un enfant dans deux ou trois ans. Je voudrais un solide argument pour savoir pourquoi on est obligé d'attendre aussi longtemps alors qu'on pourrait se lancer dès que t'auras fini ton stage de fin d'études. "

Un long silence prend place, au bout d'une dizaine de seconde, je décide même de m'assurer qu'elle est toujours au bout du fil :

  • " Lou ? "

Elle me répond avec une voix émue :

  • " Oui, désolé, je suis là, tu veux vraiment que je trouve un argument pour ça ? "
  • " Pour être sincère, j'aimerais bien que t'en sois incapable. "

J'entends son léger petit rire, elle répond :

  • " Et il se passe quoi si j'en trouve pas ?"
  • " Dans ce cas je me sentirai obligé de mettre la boîte de pilules à la poubelle dès que tu rentreras. "

Elle rit à nouveau puis me demande :

  • " Tu es où là ? "

Un peu surpris par sa question, je lui réponds :

  • " Ben, à l'appartement, pourquoi ? "
  • " Va dans la chambre, regarde dans le tiroir de ma table de chevet. "

Je m'exécute, curieux. Je me dirige vers la chambre et j'ouvre le fameux tiroir, je découvre au-dessus d'un bazar monstre sa boîte de pilules. Je lui demande aussitôt d'une voix taquine :

  • " T'aurais pas oublié quelque chose dans tes bagages mon ange ? "
  • " Si, je m'en suis rendue compte il y a à peine une heure. J'ai envoyé un message à Sandra pour savoir si elle prenait la même pilule que moi afin qu'elle puisse me dépanner mais finalement, avec ce qu'on vient de se dire, je pense que c'est peut-être pas nécessaire. "

Je lui confirme alors :

  • " On pourra utiliser un autre moyen de contraception quand je viendrai te rendre visite. "

De nouveau, elle rit et me répond sur un ton moqueur :

  • " La seule fois où t'as essayé de mettre une capote Martin, t'étais vraiment pas doué. "

Cet instant qu'elle évoque, c'était notre toute première fois, j'avais déchiré le préservatif en l'enfilant et finalement nous n'en avions pas utilisé.

  • " Tu ne serais pas en train de te moquer de moi ? "
  • " Un peu mon amour, un peu… Tu sais, on pourra peut-être faire sans, je vais peut-être pas tomber enceinte tout de suite, et même si ça venait à arriver, j'aurai le temps de terminer mon stage quand même. "

Le fait qu'elle se projette si facilement et qu'elle soit aussi impatiente que moi me rend heureux. Cependant, je n'ai pas envie qu'elle subisse les potentiels désagréments d'un début de grossesse alors qu'elle est encore officiellement étudiante. J'imagine compliqué pour elle de faire ses présentations de fin d'année avec des nausées. Je ne veux pourtant pas éteindre ces petites étoiles qui viennent de s'allumer et je lui réponds :

  • " On verra ça, on aura le temps d'en reparler d'ici là mon amour. "

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