Chapitre VII
Emma et Eve se promenaient tranquillement dans le jardin de La Tour, elles étaient revenues de Nantes depuis peu.
Emma se tourna vers Eve et lui dit avec sérieux :
- Ma sœur, puis-je te faire une confidence ? C'est de la plus haute importance.
- Oui bien sûr, qu'y a-t-il ? s'enquit Eve.
- Je suis amoureuse... rougit-elle. Voilà plusieurs mois que je le gardais secret, j'aime un homme de notre entourage. Il semblerait qu'il m'apprécie aussi mais je ne peux pas dire s'il est amoureux...
- Il s'agit de Monsieur Charles Langlais, intervint Eve avec douceur. J'ai bien vu ma chère sœur, que tu l'admires. Et je pense concrètement que tes sentiments sont partagés.
- Oh ! s'exclama Emma impressionnée. Je ne le cachais pas si bien alors... Enfin, tu me connais assez pour l'avoir décelée... Le crois-tu ? Penses-tu qu'il peut être épris de moi ?
- Cela s'entend ! renchérie sa sœur. Et je doute qu'il ne tarde à te demander en mariage dès son retour de la capital !
Emma sourit et remercia son aînée de ses bons vœux. Elles retournèrent vers le domaine et virent qu'il y avait une visite.
Elles aperçurent de la fenêtre, Monsieur Langlais sortir de la bibliothèque.
- Il semblerait que j'ai des dons de voyance ma chère Emma, à moins que je me fourvoie et qu'il n'y ait pas assez de livres aux château d'Encastel ! taquina Eve.
Emma rougit et lorsqu'elles entrèrent dans le salon, elle ne put s'exprimer tellement l'angoisse l'avait envahie.
- Bonjour Mesdemoiselles Moncomble et Montaigu ! s'exclama Langlais. Pourrais-je m'entretenir avec votre sœur Mademoiselle Montaigu ? Si vous n'y voyez pas d'objection ? dit-il d'une voix chaleureuse.
- Je n'en vois pas la moindre Monsieur Langlais, répondit Eve en posant un regard protecteur sur sa sœur. Je me retire donc.
Eve frappa à la bibliothèque puis entra sans avoir de réponse. Son père et sa belle-mère plongés dans leurs pensées, n'avaient même pas remarqué sa présence.
- Oh !Tu étais là Eve ! s'exclama son père en relevant la tête.
Ils échangèrent tous trois leurs avis sur l'avenir d'Emma Moncomble et furent ravis de cette excellente nouvelle.
Les jours suivants, Monsieur Langlais rendit visite à Emma, ils firent de nombreuses balades.
Il invita toute la famille à un bal, organisé au château, la semaine suivante, en l'honneur de leur fiançailles, et afin d'annoncer la date du mariage à tous les convives.
Le soir venu, la famille se rendit au château d'Encastel. Monsieur Langlais fit part de la nouvelle à tous les invités. Tous félicitèrent les fiancés et purent apprendre que le mariage se déroulerait le vendredi cinq Mai à Paris.
Monsieur Defontenay qui était présent, ne quitta pas le coin de la cheminée de la soirée, prit grand soin, comme à son habitude, de parler le moins possible et d'éviter de croiser le regard de Eve Montaigu. Bien qu'il eut une admiration de plus en plus profonde à son égard, la peur était trop forte pour parvenir à lui adresser la parole.
Madame Montaigu et Eve avaient entreprit, avec l'accord des fiancés, de s'occuper des décorations florales. Madame Prévost, invitée à l'événement, les aida avec joie. C'était très somptueux. La famille Montaigu était réunie au grand complet, l'oncle et la tante de Eve étaient aussi conviés. De son côté, Monsieur Langlais n'avait que Henriette mais était entouré de nombreux amis, dont Monsieur Defontenay, qui fut le témoin de son ami. Le mariage fut immortalisé avec des photographies. C'était la première fois que Eve vit une telle chose.
Emma Langlais était au comble du bonheur. Elle annonça à ses parents que son désir le plus cher était d'aider son mari dans ses recherches de botanique.
Quelque sjours plus tard, Eve reçu à La Tour, une lettre de Emma lui disant qu'elle avait entreprit, en plus d'aider son mari, d'écrire des livres et pris l'initiative, étant bonne en anglais, de devenir traductrice de littérature anglaise. Ne pouvant revendiquer le statut d'écrivain à part entière. Elle effectuerait ce travail sous un pseudonyme masculin. Ainsi Mademoiselle Montaigu aurait le bonheur de lire, de temps à autre, de très bons romans anglais.
Eve rendit visite à sa sœur un mois après qu'ils soient rentrés des noces faites à Paris, lui laissant ainsi le temps de s'habituer à sa nouvelle vie.
Elle se rendait très souvent chez Emma, Madame Langlais en était très contente car elle avait toujours autant de mal à parler avec Henriette et ne trouvait le courage qu'en présence de sa soeur aînée.
Un matin, où elle y avait passé la nuit, Eve descendit et s'aperçut qu'il n'y avait personne. Il faisait un temps radieux. Elle prit son petit-déjeuner en prévoyant d'aller faire une promenade dans le bois. Alors qu'elle s'apprêtait à partir, la domestique fit entrer Monsieur Defontenay dans le salon. Il parut fort étonné de n'y trouver qu'elle et la pria de lui pardonner son intrusion, en lui expliquant qu'il avait cru comprendre que la famille était présente.
- Ma sœur s'est rendu à la ville, Monsieur Langlais et Henriette l'ont accompagnés. J'allais me promener dans le bois, souhaitez-vous les attendre ici ?
- Me permettez-vous de venir avec vous ? dit-il d'un ton timide.
- Oui, si cela vous fait plaisir, je n'ai pas d'objection, répondit Eve en baissant les yeux.
Gabriel Defontenay fût intimidé par cette réponse et se demanda s'il faisait bien de parcourir le bois avec Mademoiselle Montaigu. Il avait décelé dans la voix de Eve un manque d'entrain et conclue qu'elle le lui avait accordé par politesse.
De son côté, Eve étant surprise qu'il dédaigne l'accompagner, était trop chamboulée pour parler. Ainsi ils se promenèrent dans un calme pesant, comme au début de leur rencontre. Au bout d'un moment, Eve brisa le silence en demandant à Monsieur Defontenay s'il était fiancé avec Henriette Langlais. Surpris de cette question soudaine, il rougit et ne sut répondre.
- Je ne voulais pas vous mettre dans l'embarras, je vous prie de m'excuser pour cette question intrusive, vous pouvez ne pas y répondre, je ne souhaitais pas vous gêner, vraiment ! s'exclama Eve avec précipitation.
- La question m'a simplement surprise... répondit-il embarrassé. Non, je ne suis pas fiancé à Henriette, c'est une bonne amie avec laquelle je m'entends depuis l'enfance, tout comme son frère. Je n'ai point l'intention de me marier avec elle ni elle avec moi, expliqua-t-il avec un air sérieux.
- Oh ! Je vois, alors ce n'était certainement que des rumeurs, dit Eve gênée.
- Vous prêtez l'oreille aux rumeurs ? demanda Monsieur Defontenay surprit.
- En temps normal non, répondit Eve en rougissant, mais je me disais que cela pouvait être vrai étant donné que c'est la seule femme avec laquelle vous êtes à vos aises et la seule avec laquelle vous dansez.
- Si ce n'était pas mon amie d'enfance, je ne me comporterai certainement pas de cette façon, dit Gabriel Defontenay.
Ce qui conclu la conversation. Eve était soulagée qu'il ne fût pas fiancé à Henriette mais se remémorant les moments passés avec Defontenay, il lui parut plus qu'évident qu'il n'avait pas la moindre inclination pour elle. Elle décida de déceler la personnalité de Monsieur Defontenay, afin de découvrir ce qu'il avait dans le cœur. Ils revinrent vers la maison, la famille Langlais était de retour. Ils furent étonnés et intrigués de voir Eve et Defontenay revenir du bois ensemble.
Un après-midi, alors que Eve et Emma étaient en promenade, Charles demanda à son ami s'il avait des projets de mariage.
- Tu sais fort bien que je n'ai nullement l'intention de me marier et qui plus est, je ne suis pas capable de trouver une femme qui sera en mesure de m'aider à vaincre ma timidité. dit Gabriel avec un sourire narquois.
- Je suis persuadé que tu te méprends Defontenay, ou alors tu refuses de voir ce qui est l'évidence même ! renchérit Langlais.
- Et puis-je savoir ce qui est évident ? Que refuserais-je de voir ? demanda Gabriel dont le ton commençait à monter.
- Je ne te dis point cela pour te mettre en colère mon ami, dit Monsieur Langlais avec douceur, ce qui est évident c'est l'admiration que Eve Montaigu a pour toi d'après mes observations et celle de Madame Langlais, qui sont fondées je peux te l'assurer. Et je ne me tromperai pas en disant que je pense sincèrement que tu éprouves la même chose à son égard. A moins que sa taille et l'esprit d'indépendance de la demoiselle te rebute comme à beaucoup d'hommes... se moqua-t-il.
- Cela suffit ! s'exclama Gabriel, cesse de me taquiner, j'ai été maladroit, je te prie de ne plus m'importuner avec cette histoire ! Je pense que vous vous méprenez tous les deux et je suis certain que Mademoiselle Montaigu me méprise certainement plus qu'elle ne m'admire.
La conversation se termina au moment où Madame Langlais et Eve rentrèrent dans le vestibule. Mademoiselle Langlais descendit en entendant qu'elles venaient d'arriver. La domestique les fit pénétrer toutes les trois dans le salon. Monsieur Defontenay rougit en saluant Eve Montaigu et pâlît à l'idée qu'elle avait pu entendre ses derniers propos.
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