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Le jour se levait à peine lorsque le taxi passa prendre Dewi et Sinta le lendemain matin. Les scientifiques rangèrent leurs bagages dans le coffre. Une grande glacière contenait les échantillons à conserver au froid, et une pause était prévue sur la route pour acheter des pains de glace, au cas où la température monterait trop haut.

Stella leur fit un dernier signe de la main et rentra dans la maison. Elle allait commencer sa journée par la mise en ordre des données morphométriques et leur organisation sous la forme d’un fichier informatique propre.

— Mais avant, se dit-elle, un café bien chaud sera nécessaire.

Tout en se servant le breuvage noir et odorant, elle songea qu’il fallait profiter de ce café local et de son arôme unique, car elle ne risquait pas de trouver quelque chose d’équivalent une fois de retour en Europe. Depuis leur aventure de la veille, elle avait déjà pensé plusieurs fois au moment où il lui faudrait rentrer.

Le plan qu’elle avait échafaudé avec Dewi prévoyait qu’une fois les données génétiques obtenues, les deux chercheurs prépareraient une publication scientifique et communiqueraient rapidement sur leur découverte. Elle avait eu une idée originale pour protéger Numéro 1 : toutes les données collectées par l’équipe seraient rendues publiques, de manière à ce que personne ne puisse réellement contester la réalité de leur découverte. Cependant, le lieu où Numéro 1 avait été découvert resterait sous embargo, le temps pour les autorités de trouver un moyen de protéger efficacement les Orang Pendeks.

— Une chose est certaine : la médiatisation de la découverte d’un peuple encore inconnu est indispensable pour que les instances internationales se bougent, se dit Stella en terminant sa tasse.

Elle avait pensé à impliquer les Nations Unies, dont la déclaration sur les droits des peuples autochtones pourrait servir de base juridique et morale pour la protection de Numéro 1. Dewi pensait que l’ONU pourrait présider à la création d’un statut spécial permettant de préserver le groupe d’Orang Pendeks en tant que « population non contactée ».

L’Office du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme pourrait également entrer en jeu, car la protection de Numéro 1 touchait directement aux droits humains fondamentaux : autonomie, non-ingérence, protection contre l’exploitation.

— Qui, mieux que Numéro 1 et sa famille, pourrait être considéré comme une population vulnérable et isolée nécessitant une protection ? se dit-elle en se levant.

Après avoir rincé sa tasse dans l’évier, Stella se rendit dans la chambre d’Andrew pour prendre des nouvelles de son patient. Elle ressortit cinq minutes plus tard, le visage soucieux. Andrew toussait de plus en plus et sa fièvre ne voulait pas descendre.


La jeune scientifique occupa le reste de sa matinée à trier et organiser les données recueillies par son équipe. Les mesures morphométriques et surtout l’analyse de la structure du squelette de Numéro 1 basé sur les radiographies réalisées sur le terrain se révélèrent extraordinairement intéressantes. Le rapport entre la longueur des bras de Numéro 1 et celle de son corps était très éloigné de celui de l’homme moderne, et évoquait certaines espèces de singes. Stella adorait explorer les données chiffrées et les analyser sous tous les angles. Elle pouvait passer une journée entière derrière son ordinateur à faire des analyses statistiques.

Elle ouvrit l’interface de la base de données morpho-homininae, qu’elle avait créée et alimentée avec des centaines de mesures collectées elle-même au fil des années ou puisées dans la littérature scientifique. La base contenait des informations complètes sur un grand nombre d’espèces.

Stella était maintenant complètement absorbée dans son travail. Le lecteur audio de son ordinateur jouait l’album « New Age of Earth » d’Ashra. Cette ambiance mystérieuse était parfaitement adaptée à la situation.

Elle était prête à projeter les données collectées sur Numéro 1 dans l’espace réduit des données décrivant les espèces répertoriées dans la base.

— Et dire que je ne comprenais rien aux statistiques multivariables lorsque j’étais en première année, se dit-elle en lançant son script d’analyse.

L’ordinateur se mit au travail. Stella bâilla et tourna son regard vers la fenêtre pour admirer les collines couvertes d’une mosaïque de parcelles de cacaoyers, de théiers et d’autres cultures. Elle ne fut distraite qu’un instant : le bip signalant la fin des calculs retentit presque aussitôt.

Stella fixa son écran.

— Merde alors ! J’aurais dû m’en douter, s’exclama-t-elle, en approchant son visage de l’ordinateur comme si elle avait du mal à croire ce qu’elle voyait.

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