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Dewi expliqua qu’il serait peut-être possible de collecter des échantillons de restes de représentants de l’espèce de Numéro 1 en fouillant autour de l’abri qu’il fréquentait avec son groupe. Les fossiles d’hommes préhistoriques se trouvaient souvent à proximité des zones d’habitation. Il se pourrait même que Numéro 1 et les siens enterrent leurs morts : dans ce cas, on pourrait espérer trouver des squelettes complets, sans nuire aux survivants.

Stella approuva cette stratégie, mais fit remarquer à son collègue que, pour le moment, l’abri était occupé, et qu’il serait hasardeux de déranger le groupe, qui risquerait alors de fuir on ne sait où. Elle en profita pour prendre des nouvelles du projet de battue organisé aux abords de Pagar Alam. Dewi, n’ayant pas d’informations, promit d’appeler ses contacts en fin d’après-midi.

La conversation s’acheva sur le cas d’Andrew. Les deux scientifiques décidèrent de faire venir un médecin le lendemain matin si l’état de l’Anglais ne s’améliorait pas. La discussion terminée, Stella entra dans la cuisine pour se préparer quelque chose à manger. Le réfrigérateur contenait tout ce dont elle avait besoin. Elle se constitua une assiette de riz, de légumes frits et d’un reste de poulet mariné.

— J’en ai un peu marre du riz, se dit-elle, mais il faut reconnaître que la cuisine locale est vraiment goûteuse.

Elle emporta son assiette et jeta un œil au moniteur. Numéro 1 était toujours au même endroit.

— Il doit se reposer, pensa-t-elle. Pourvu que les drogues qu’on lui a administrées ne causent pas d’effets secondaires graves.

Les enregistrements audio étaient fascinants. Numéro 1 semblait dialoguer avec d’autres membres de son groupe en utilisant des sifflements complexes, ponctués de rares paroles, prononcées d’une voix rauque. Stella les imaginait accompagnant leurs propos de gestes pour compléter la communication.

— Attention, Stella, tu te fais un film sans avoir aucune donnée scientifique à l’appui, soupira-t-elle.

Stella se sentit soudainement submergée par la fatigue et les émotions accumulées ces derniers jours. Son repas terminé, elle décida de faire une bonne sieste et s’endormit en pensant à Andrew, dont l’état l’inquiétait de plus en plus.

Le téléphone la réveilla en fin d’après-midi. Dewi appelait depuis son bureau de l’université de Bandar Lampung.

— Nous avons terminé de gérer les échantillons. Ils sont maintenant en route pour le séquençage, annonça-t-il d’une voix fatiguée.

— Génial, répondit Stella, encore ensommeillée. Tu sais quand nous recevrons les résultats ?

— D’ici une semaine environ, je pense. Mais il y a un nouveau problème, et je dois t’en parler.

Stella se redressa dans son lit, attentive. Dewi reprit :

— Sinta s’est sentie mal, tout à l’heure. Elle a insisté pour terminer l’envoi des échantillons, puis est partie chez son frère, qui habite près de l’université. Ses symptômes ressemblent beaucoup à ceux d’Andrew…

— Merde ! Il ne manquait plus que ça…

— Je pense qu’Andrew est arrivé avec un microbe, et que nous risquons tous deux de tomber malades, comme Sinta vient de le faire.

Un silence pesa un instant sur la ligne.

— La question, murmura Stella d’une voix pâteuse, c’est de savoir de quelle maladie il s’agit…

— Sinta n’est pas aussi têtue qu’Andrew, elle ira voir un médecin rapidement. On devrait être fixés très vite. Et j’appellerai aussi le Wakil Wali Kota de Pagar Alam plus tard pour avoir des nouvelles de la battue. Je te tiendrai au courant.

Une fois la communication coupée, Stella bâilla longuement et regagna le salon pour jeter un œil au moniteur. Le petit point lumineux signalant la position de Numéro 1 n’avait pas bougé. Elle se détourna de l’écran en bâillant à nouveau. Elle se sentait épuisée… et réalisa qu’elle avait mal au crâne.

Elle passa voir Andrew, qui lui demanda un peu d’eau. Après avoir pris un cachet d’aspirine, il se rendormit aussitôt.

— En voilà un qui ne se pose plus trop de questions, pensa-t-elle en quittant la chambre du malade.

L’idée d’aller fouiller l’abri de Numéro 1 était séduisante, mais en y réfléchissant bien, cela risquait de ne pas mener à grand-chose.

— Après tout, son groupe est sans doute arrivé récemment dans la région du mont Dempo. Sinon, ils auraient été découverts depuis longtemps, vu le nombre de touristes qui viennent randonner sur les pentes du volcan… sans compter les nombreux agriculteurs du coin, se dit Stella.

— Donc, ces hommes — de Florès sans doute — viennent probablement d’un endroit plus isolé, où ils ont réussi à se maintenir jusqu’à aujourd’hui, et qu’ils ont quitté récemment… peut-être à cause du changement climatique. Dans ce cas, il y a peu de chances qu’on trouve des ossements près de leur cachette actuelle, puisqu’ils n’y sont installés que depuis peu.

Stella ressassait ce raisonnement en mâchonnant le bout de son stylo. Soudain, elle frissonna. Et comprit aussitôt :

— Avoir froid quand il fait plus de 30 degrés… ça veut dire qu’on est malade.

Le lien avec Andrew et Sinta s’imposa d’évidence. Le prochain sur la liste serait peut-être Dewi.

Elle en était là de ses réflexions quand son portable vibra.

— Allô, c’est moi, Dewi. La battue n’a rien donné, mais le conseil a décidé d’en organiser une seconde si les plaintes persistent. C’est une très bonne nouvelle !

Stella fut soulagée. Elle répondit d’une voix joyeuse, malgré la fatigue :

— Formidable ! Le groupe de Numéro 1 est assez éloigné, et aucun de ses membres ne s’est aventuré près du village. Je me demande si le retour de Numéro 1, encore groggy à cause de l’anesthésie, n’y est pas pour quelque chose. Pourvu que le groupe ne devienne pas trop méfiant et ne décide pas de partir loin d’ici… ils risqueraient d’être repérés.

Dewi partageait cette analyse. Il enchaîna :

— Il y a autre chose, Stella. J’ai eu un appel de Sinta. Elle sait ce qu’elle a.

— Et… ? demanda Stella avec appréhension.

Dewi s’éclaircit la voix.

— Elle a fait un test chez son frère qui tient une pharmacie. C’est la COVID-19.

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