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Toute l’équipe était vaccinée ; la maladie ne devrait donc pas les atteindre de façon trop marquée. Stella fut néanmoins prise d’un doute concernant Andrew. Elle ne se souvenait plus s’il lui avait confirmé être vacciné contre la COVID-19 lorsqu’ils avaient évoqué les vaccins nécessaires pour entrer à Sumatra, au cours de la brève préparation de son voyage.

— Et toi, Dewi, tu as des symptômes ?

— Je me sentais juste fatigué ce matin, ce qui ne m’inquiétait pas vraiment vu les émotions des derniers jours. Mais après l’appel de Sinta, j’ai pris ma température : 38,5. Je crois que la fièvre monte doucement…

Stella répondit d’une voix lugubre :

— Je suis dans la même situation que toi. Andrew nous a sans doute contaminés à son arrivée, et nous avons tous les trois incubé le virus en même temps. Pffft… quelle galère !

— Nous devons nous confiner et rester isolés jusqu’à ce que la maladie régresse. Sinta restera chez son frère, je lui ai parlé. Moi, je vais m’installer quelques jours dans une chambre d’étudiant près de l’université. On se tient au courant et, une fois la crise passée, on se retrouve à Pagar Alam pour faire le point. Qu’en penses-tu ?

— C’est la meilleure solution. Espérons qu’aucun d’entre nous ne fasse de complications. Puisque nous sommes vaccinés, cela ne devrait pas arriver.

— Tu peux me donner des nouvelles de Numéro 1 ?

— La balise ne bouge plus beaucoup. Il reste dans la même zone. Il parle beaucoup avec son groupe et tu adorerais entendre leurs échanges ! Ils communiquent avec des sifflements entrecoupés de grognements... c’est fascinant. Par contre les données biomédicales transmises par la balise sont un peu erratiques et je ne sais pas comment les interpréter.

Dewi ressentit une profonde frustration à l’idée de devoir attendre plusieurs jours avant d’accéder à ces enregistrements. La qualité des connexions Internet ne permettait pas à Stella de les lui transmettre.

— Salut Dewi ! lança Andrew, qui venait d’entrer dans le salon et avait deviné que Stella discutait avec lui.

— Hey Andrew, comment vas-tu ?

— J’ai de la fièvre et mal à la tête, mais je vais survivre, répondit l’Anglais.

Stella lui expliqua qu’il s’agissait probablement de la COVID-19 et lui demanda s’il était vacciné.

— Oui, j’ai été vacciné. D’ailleurs, j’ai l’impression que je vais un peu mieux.

Stella lui confirma que tous les autres membres de l’expédition l’étaient également. En principe, le virus ne devrait pas les éloigner de Numéro 1 bien longtemps.

Quatre jours s’écoulèrent avant que Dewi et Sinta ne rejoignent Pagar Alam. Ils avaient été moins secoués par le virus qu’Andrew. Quant à Stella, elle n’avait souffert que d’une fièvre passagère et d’un syndrome grippal modéré.

Les scientifiques étaient attablés devant un grand plat de boulettes de riz et de bananes grillées. Encore un peu affaiblis, ils avaient renoncé à accompagner le repas de retrouvailles avec de la Bintang et ce sont deux grandes bouteilles d’eau filtrée qui trônaient sur la table. Dehors, la pluie tambourinait sur le toit de la maison de location. Le grain avait assombri la pièce, mais l’ambiance restait joyeuse et les convives mangeaient de bon appétit. Arrivés vers midi en taxi, Dewi et Sinta avaient passé l’après-midi à écouter les enregistrements audio de la balise et à discuter avec Stella des premières analyses. Celle-ci avait eu le temps de tout reprendre en compagnie d’Andrew, qui avait retrouvé son énergie depuis deux jours.

Autour de la table, les conversations allaient bon train. Le sujet du moment : la difficulté de trouver de bons fruits de mer à Pagar Alam. Soudain, Dewi prit la parole, l’air sérieux.

— Désolé d’interrompre la discussion, mais il y a quelque chose qui me turlupine depuis quelques jours.

Le silence se fit aussitôt. Dewi poursuivit :

— La balise que nous avons placée sur Numéro 1 n’a pas changé de position depuis plusieurs jours. Elle ne transmet plus que des sons ambiants, sans la moindre conversation, comme au tout début. Et, comme Stella nous l’a indiqué, le biocapteur médical est également muet depuis un moment. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais pour moi, Numéro 1 a arraché la balise. Cela expliquerait tout.

Les autres hochèrent la tête. Stella ajouta :

— Si l’on regarde l’ensemble des données transmises, on constate que le flux biomédical s’est interrompu exactement au même moment que l’audio. Juste avant cela, on entend des frottements intenses, des grognements et des quintes de toux. Il semble que Numéro 1 tirait fort sur le collier, au point de risquer de s’étouffer. Ce qui n’aurait pas dû arriver si le collier s’était ouvert comme prévu.

Stella intervint à son tour :

— Même si le collier a résisté, je doute que cela ait pu le blesser. Il ne faut pas trop s’inquiéter.

Dewi reprit :

— Je suis d’accord. La balise se trouve encore dans ou à proximité de l’abri des hommes de Florès, mais elle n’est plus au cou de Numéro 1. Sa position n’ayant pas bougé, il ne l’a sans doute pas jetée au loin après l’avoir retirée. Et comme l’audio ne contient plus que des chants d’oiseaux lointains et le bruit de la pluie, sans aucune interaction entre membres du groupe, j’en conclus qu’ils ont quitté les lieux.

Un silence méditatif suivit cette hypothèse. Les quatre scientifiques se regardèrent, puis acquiescèrent d’un hochement de tête. Dewi continua :

— Rien ne nous empêche désormais de nous rendre sur place pour étudier cet abri. On pourra y faire des observations passionnantes, et peut-être même trouver des ossements. De quoi appuyer la théorie de Stella. L’idéal serait que Numéro 1 revienne de temps à autre dans cet abri, ce qui correspondrait bien à un mode de vie de chasseur-cueilleur. Ainsi, nous ne perdrions pas complètement le contact. On pourrait déposer des bananes et du sucre à l’intérieur, au cas où ils repasseraient. Et surtout, placer des caméras un peu partout autour. Ce serait une bonne manière de reprendre le lien, non ?

La soirée se poursuivit dans la bonne humeur, et les scientifiques décidèrent de partir dès le lendemain matin sur les lieux. Il leur restait suffisamment de caméras inutilisées pour équiper l’abri et ses alentours. Ils prévoyaient également de relancer la surveillance de leur réseau de caméras dans la zone où Numéro 1 avait l’habitude de patrouiller la nuit.

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