Chapitre 3 : fantôme du passé

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Sur le lieu de la fête, Danaé était restée seule. Xander avait filé en quatrième vitesse depuis quelques minutes déjà, inquiet de ne plus voir Arinna aux abords de la piste de danse. Danaé avait laissé le garçon filer, non sans lever les yeux au ciel face à tant d’inquiétude qu’elle jugeait inapropriée. Depuis qu’elle les connaissait, ça avait toujours été comme ça. Alexander couvait Arinna et sa sœur comme deux poupées de porcelaine. Mais que pouvait-il arriver ici ? Elle avait certainement dû s'éloigner pour discuter avec quelqu’un. D’ailleurs Chloe et Roxanna avaient elles aussi disparu. Elles étaient certainement parties toutes les trois, pas de quoi en faire un drame. Mais non, pour Xander, il était impensable de quitter la jumelle du regard. Alors Danaé se retrouvait là, plantée seule sur la piste de danse, se sentant un peu bête. S’il se faisait un sang d’encre pour Arinna, il ne se préoccupait visiblement pas autant de son sort à elle. Danaé en était souvent un peu vexée mais elle ne disait rien, convaincue de l’existence inavouée de sentiments plus forts entre ses deux meilleurs amis.

Elle ne resta pas seule bien longtemps puisqu’un garçon qu’elle ne connaissait que trop bien ne tarda pas à la rejoindre. Un large sourire étira les lèvres de la jeune fille alors qu’elle entreprit une danse plus sensuelle avec le jeune homme qui la rejoignait. Quelques chansons plus tard, Xander lui tomba dessus, affolé, alors elle suivit son ami, abandonnant son charmant cavalier à contre cœur, pour aller elle aussi à la recherche d’Arinna.


Arinna reprit ses esprits, allongée sur le sol, ses deux meilleurs amis penchés au-dessus d’elle. La main d’Alexander pressant doucement la sienne. Ses paupières s’ouvrirent péniblement. Tout était silencieux, comme dans du coton. Puis les sons revinrent, étouffés d’abord, puis nets. Ils étaient à l’écart de la fête mais elle battait toujours son plein.

Arinna aperçut une larme glisser au coin de l’œil de Xander en la voyant revenir à elle. Il se pencha pour la serrer contre lui, et la proximité de sa peau lui provoqua une sensation étrange. Un halo diffus émanait de lui. Pas une lumière, plutôt une vibration dans l’air, comme la chaleur qui danse au-dessus de l’asphalte en été. Elle ne voyait pas vraiment… elle ressentait cette énergie. Elle s’échappait de lui par vagues, enveloppant ses mains, ses bras, sa poitrine. Elle se demanda si elle avait perdu la tête. Cette vague n’était pas juste de la chaleur. Elle pulsait à chaque battement du cœur de Xander. C’était comme si elle voyait… plus. Les contours de Xander vibraient d’un rouge orangé, palpitant. Comme si elle percevait son énergie, son cœur.

Puis son regard glissa vers Danaé. Et là aussi, elle vit. Mais différemment. L’aura de la jeune femme était plus fine, plus vive, parcourue de frissons dorés qui pulsaient avec une légèreté presque effervescente. Un éclat dans l’air autour d’elle, semblable aux braises encore rougeoyantes après un feu. Il y avait en elle une tension lumineuse, une électricité contenue. Comme une onde encore marquée par une émotion intense, par un contact qui l’avait bouleversée, laissée dans un état suspendu entre désir et exaltation. Et Arinna sut, sans savoir comment, que Danaé était parfaitement bien. Arinna fut prise d’un vertige. Était-ce l’alcool qui lui montait à la tête ?

— Je suis désolé Arinna, j’ai eu tellement peur, murmura Xander dans un soupir de soulagement.

— Ne l’écrase pas, elle a besoin de respirer.

Une main se posa sur l’épaule de Xander et le tira doucement en arrière, laissant découvrir la présence de Siméon. Xander desserra son étreinte et se détacha de son amie. Arinna fermit les yeux à nouveau, étourdie par les événements. Quand elle les rouvrit, tout avait changé. Le monde avait repris ses contours familiers. Plus de vibrations, plus de chaleur pulsante. Juste Xander, Siméon, Danaé. Normaux. Trop normaux. Elle put voir ses camarades avec leur netteté habituelle. Xander se releva pour laisser la place à son frère qui vint s'accroupir auprès d’elle. Bien que calme, Arinna distingua une inquiétude dans son regard.

Il posa sa main sur le front de sa jeune amie et observa avec attention ses iris. Puis il posa sa main sur le poignet de la demoiselle vérifiant par ces quelques gestes de secouriste l’état dans lequel elle se trouvait. Ce contact fut très apaisant pour la jeune fille. Sa main chaude dégageait une énergie douce et relaxante. La main de Siméon sur son poignet eut un effet étrange. Comme si son cœur ralentissait, rassuré. Était-ce la fatigue ? Ou bien autre chose ?

— Comment tu te sens ? demanda Danaé.

Arinna allait répondre que cela devait être évident pour quelqu’un de blessé de partout mais elle constata avec étonnement qu'elle ne ressentait aucune douleur. Avec l’aide de Siméon, elle se redressa en position assise et ramena vers elle sa jambe. Elle vit alors qu’il n’y avait pas une trace d’écorchure et sa cheville avait retrouvé toute sa mobilité.

— Mieux que ce que je pensais.

— Qu’est-ce qui t’est arrivé ? Tu étais passée où ? questionna Xander avec empressement.

— Doucement, Xander, laisse la reprendre ses marques, le calma Siméon.

Arinna se remit sur pied avec l’aide de Siméon et elle découvrit qu’une autre personne était présente avec eux. Elle le reconnut tout de suite.

Il dégageait une beauté magnétique, presque inhumaine. Ses yeux, deux aigues-marines glacées, transperçaient Arinna. Son visage captait la lumière sans effort. Son nez fin, aux courbes harmonieuses, ajoutait à son visage une élégance naturelle, presque arrogante. Il avait cette bouche qui donnait envie d'y lire des promesses. Des promesses qu'il ne tiendrait pas. Son sourire semblait figé, comme peint sur un visage trop parfait. Mais ce regard... il n'y avait rien derrière. Juste un vide, un silence, une âme en sommeil. Il avait des cheveux de la couleur du soleil à l'aube gelé, éclatant sans offrir de chaleur, en parfait écho à ses yeux. Ils tombaient avec une grâce si étudiée qu’on aurait juré qu’aucun vent, aucune main, n’avait jamais osé les déranger.

Pour ainsi dire, Eren était sans doute l'un des garçons les plus attirant du lycée, malgré cela, il horripilait la jeune Arinna...

Quand ils n’étaient que deux enfants, ils avaient partagé leurs jeux, leurs secrets, leurs espoirs et tout ce qu’ils étaient. A l’époque, il était joyeux, solaire et extrêmement bienveillant à son égard. Il était son seul ami, mais avec lui, elle n’avait besoin de personne d’autre.

Puis, en un été, tout s’était brisé. À la rentrée, Eren était devenu distant, lointain, la traitant comme une étrangère.

— Il faut grandir, nous ne sommes pas du même monde Arinna.

Ces derniers mots accompagnés d’un regard glacial avaient transpercé la jeune fille comme un poignard. Son sourire malicieux, ses clins d’œil complices, tout avait disparu derrière ce masque froid. Il s’était détourné d’elle sans jamais lui apporter plus d’explications.

Arinna avait passé des jours entiers à pleurer cette amitié perdue. Lui venait d’une famille bourgeoise alors qu’elle grandissait dans un quartier populaire élevée par leur mère seule. Jamais elle ne s’était imaginée qu’il pourrait accorder une telle importance au rang social. Mais elle avait été forcée d’admettre qu’elle s’était complètement trompée sur son compte.

La présence d’Iris et l’arrivée d’Alexander l’avait aidé à se relever de cette perte.

C’était la première fois en six ans qu'Arinna se retrouvait aussi proche de lui et que leurs regards se croisaient enfin.

Arinna resta un instant silencieuse, observant ce garçon qui était devenu un inconnu à ses yeux. Son visage semblait sculpté dans le marbre, parfait au point de devenir irréel. Mais ses yeux… froids, métalliques. Il souriait sans sourire. Et Arinna sentit une brèche en elle, comme si quelque chose d’ancien voulait ressurgir. Il paraissait attentif au moindre fait ou geste de la demoiselle. Elle n’avait jamais pris la peine de s’étendre sur son lien avec Eren auprès de ses amis. Seule Iris avait conscience de l’épreuve que cela avait été pour elle.

Xander suivit le regard d'Arinna et voulut alors lui apporter une explication.

— Tu te souviens d’Eren ? On était en cours de sciences avec sa classe l’an passé. C’est lui qui t’a trouvée.

Le cœur d'Arinna s’accéléra. Comment ce hasard avait-il pu se produire ? Et s’il avait vu quelque chose ?

— Alors, tu nous expliques ? insista Danaé.

Arinna reposa son regard sur ses amis et lut leur inquiétude. Elle tenta de mettre de l’ordre dans ses souvenirs… en vain. Se retrouver d’un instant à l’autre au milieu de la forêt, jamais ils ne la croiraient.

— Je ne me souviens pas bien, commença-t-elle, un garçon est venu me parler… et puis je ne vous ai plus vus… J’ai voulu te rejoindre Siméon, mais tu n’étais plus au poste de secours.

Avant qu’elle ne puisse ajouter un mot de plus, Siméon intervint.

— Je n’en n’ai pas bougé de la soirée, jusqu’à ce que Xander vienne me chercher.

— Quel garçon ? demanda Danaé, je ne t’ai vu avec personne…

Arinna poussa un soupir. Elle se sentit mal, comme comprimée dans son corps. Son histoire semblait invraisemblable. Inutile d’évoquer maintenant sa téléportation, ni l’ombre, ni le loup. Ils la prendraient pour une folle.

Elle reposa alors son regard sur Eren qui n’avait toujours rien dit.

— Où est-ce que tu m’as trouvée ?

Il resta un instant silencieux, plongé dans les yeux émeraude d'Arinna. Puis il prit une brève inspiration et répondit à la jeune fille d’un ton neutre et lointain, feignant que tout cela ne l’atteignait pas.

— Là-bas, fit-il en désignant vaguement la lisière de la forêt.

— J’étais consciente ?

— J’ai entendu un gémissement. Quand je me suis approché, je t’ai vue allongée alors je t’ai ramenée auprès de tes amis.

— Tu as laissé ton verre sans surveillance ? Tu as pris quelque chose ? Tu as fumé un truc ? interrogea Siméon

— Non, bien sûr que non… jamais je ne ferais ça.

Un silence se fit. Tous scrutaient le visage d’Arinna, la mettant de plus en plus mal à l’aise.

— Tu veux rentrer ? demanda Xander, la voix encore pleine d’inquiétude.

Arinna étudia la proposition. Plus elle pensait à sa mésaventure, plus cela semblait être un mauvais rêve. Et si son esprit lui avait joué un tour. Et puis elle savait qu’en rentrant, cela donnerait raison à sa mère et plus jamais elle ne pourrait mettre le nez dehors. Non, elle devait rester, se montrer prudente, mais rester. Elle se convainquit pour le moment que c’était un tour de son esprit et sourit à Xander pour lui répondre.

— Non, on peut rester, ça va aller.

Eren jaugea les adolescents et estimant qu’il n’avait plus rien à faire là, prit congé du groupe.

— Passez une bonne soirée, fit Eren avant de s’éloigner non sans jeter un dernier regard à Arinna.

En le regardant s’éloigner, Arinna sentit son cœur tambouriner dans sa poitrine avec une force qui la surprit. Des questions se bousculaient à ses lèvres mais ce n’était pas le moment. Non, elles devraient attendre. Elle s’était évanouie, la chaleur, l’alcool… il y avait tellement de justifications possibles. Ce n’était pas le moment de se questionner.

Arinna sourit alors à ses amis pour les rassurer.

— Tout va bien, je vous assure. La fête ne va pas s’arrêter maintenant !

Le portable de Siméon sonna. Son regard balaya rapidement l’écran avant de revenir à Xander et Arinna.

— C’est notre père, expliqua-t-il, il veut savoir comment se passe la soirée.

Xander ouvrit grand les yeux, pris d’une montée de stress mais Arinna posa sa main sur le bras de son ami pour tenter de le rassurer. Et alors que sa peau entrait de nouveau en contact avec celle de Xander, elle vit ces vagues s’échapper de tout son être. Elle répondit aux garçons d’une voix un peu lointaine, prise dans sa contemplation de cet étrange phénomène.

— S’il te plaît, ne lui raconte pas ce qui vient de se passer. Je vais bien. Ne vous gâchez pas la soirée pour moi…

Xander allait contester mais à sa plus grande surprise, Siméon approuva de la tête.

— Si tu es sûre que ça va, pas de problème. Fais attention à qui tu parles Arinna, et restez bien ensemble, ajouta-t-il en appuyant son regard sur son petit frère.

Arinna retira sa main du bras de Xander et constata à nouveau que sa vision revenait à la normale. Elle adressa un sourire entendu à Siméon. Mais sa curiosité dominait ses pensées. Et mille idées fusaient dans sa tête à propos de ces ondes qu’elle ne voyait pas tout le temps..

D’un commun accord, Xander, Danaé et Arinna retournèrent se mêler à leurs camarades tandis que Siméon regagnait le poste de secours, non sans leur lancer régulièrement des regards pour vérifier où ils se trouvaient. Arinna ne put s’empêcher de remarquer, malgré son récit décousu, la manière dont Siméon et Xander l’observaient : avec un sérieux inhabituel, sans la moindre trace de moquerie. Elle jeta un dernier regard vers Siméon. Il s’était légèrement éloigné du poste de secours et venait de porter son téléphone à son oreille. Il était trop loin pour qu’elle entende quoi que ce soit, mais la tension dans la ligne de ses épaules parlait pour lui.

Arinna soupçonna alors qu’il avait malgré tout décidé d’appeler leur père.

Un bref soupir lui échappa. Elle redoutait déjà la manière dont sa mère interpréterait toute cette histoire si jamais cela remontait jusqu’à elle. Puis elle suivit ses amis sur la piste de danse. Danaé retrouva aussitôt l’ambiance de la fête, mais Arinna, comme Xander, ne parvenait pas à se détendre complètement.

Alors qu’elle balayait la foule de danseurs du regard, son regard accrocha ces yeux bleus d’une rare intensité. Elle détourna aussitôt les siens. Elle avait du mal à croire que ce soit lui qui l’ait trouvée. Après tant d’années sans un mot.

Elle se hissa sur la pointe des pieds pour atteindre l’oreille de Xander.

— J’ai la tête qui tourne, je vais aller me mettre au calme…

— Attends je viens avec toi !

Il se pencha pour prévenir Danaé, qui acquiesça en lui lançant un petit sourire. L’inquiétude pour Arinna transparaissait dans son regard, même si le fait que Xander l’accompagne semblait la rassurer.

— Je vais aller retrouver d’autres amis, on se voit plus tard ! dit-elle en s’éclipsant.

Xander attrapa la main d’Arinna et l’entraîna hors de la piste. Au contact de leurs doigts, Arinna sentit à nouveau ces vagues étranges parcourir sa vision. Elle chercha Eren du regard. Il était un peu plus loin, avec ses propres connaissances, un verre en main, un semblant de sourire aux lèvres.

À ses yeux, il avait déjà l’air ailleurs, complètement détaché de ce qui venait de se passer.

Une onde violacée s’échappa de lui — ou Arinna crut la voir s’enrouler autour de lui. Ce n’était ni de la lumière ni un mirage : plutôt une sensation matérialisée, une vibration qu’elle percevait dans tout son être. Elle détourna vivement le regard, agacée malgré elle.

Qu’il aille au diable, pensa-t-elle.

Une brusque colère lui embrasa la poitrine. Elle s’arrêta net, surprise par la violence du sentiment. Xander se retourna aussitôt.

— C’est rien… j’ai juste la tête qui tourne, improvisa-t-elle.

Il ne parut pas convaincu mais ne posa pas de question. Ils allèrent s’asseoir dans l’herbe, à l’endroit même où Arinna avait essayé d’aller plus tôt. Xander sortit une bière de son sac et lui en tendit une. Elle hésita. Et si c’était ça qui avait déclenché ces… hallucinations ?

Non. Impossible. Elle en avait déjà bu. Et ses amis aussi.

Elle prit quelques gorgées, essayant d’apaiser ses angoisses.

— Tu me raconteras, souffla Xander.

— Mais je t’ai déjà dit…

— Non, la coupa-t-il, tu me raconteras vraiment ce qui t’es arrivé.

Son regard plongea dans celui d’Arinna, plus sérieux qu’à l’habitude. Elle baissa la tête. Les images revenaient par fragments, déformées, irréelles. Comment pouvait-elle expliquer ça ? Lorsqu’elle releva les yeux, la détermination de Xander la désarma.

— Oui. Demain…

Il hocha la tête, comme s’il acceptait une trêve, et porta la bière à ses lèvres. Arinna suivit son regard lorsqu’il se figea brièvement. Xander mit un léger coup de coude dans ses côtes pour attirer son attention, puis désigna quelque chose devant eux.

— Regarde donc qui est en train de passer du bon temps !

Arinna étouffa un petit rire amusé en voyant Danaé danser en charmante compagnie.

— C’est pas elle qui jurait que c’était fini avec Andreas ? fit remarquer Arinna.

— Si bien sûr. Mais elle l’a dans la peau ce gars.

Ils échangèrent un rire complice qui détendit l’atmosphère. Le poids sur leurs épaules sembla s’alléger.

Peu après, quelques camarades les rejoignirent, et Arinna parvint enfin à mettre de côté le malaise de sa mésaventure pour profiter de la fin de soirée.

Quand il fut une heure avancée de la nuit, Xander l’accompagna jusqu’à la tente qu’ils avaient installée plus tôt dans la soirée. Elle s’allongea sur son matelas et s’endormit en quelques secondes, épuisée par les émotions de la soirée. Pour elle, la nuit prenait fin.


Pour Xander, elle ne faisait que commencer.

Il resta debout devant la tente à regarder son amie, presque surpris de la rapidité avec laquelle elle s’était endormie. Son frère aîné le rejoignit l’instant d’après.

— Tout s’est bien passé ? lui demanda-t-il.

— Oui pas de problème, répondit Xander.

Il poussa un long soupir avant de continuer.

— C’était pas une bonne idée de venir ce soir. Il aurait pu lui arriver tellement de choses. Comment j’ai fait pour la perdre de vue ? Elle était là et la seconde d’après, disparue…

— N’y pense pas ce soir, Xander. Tout va bien.

— P’pa et Cybèle vont me défoncer.

— S’il n’y a que ça qui t’inquiète… répondit Siméon en levant les yeux au ciel.

— Non, bien sûr que non, marmonna Xander.

Les deux frères laissèrent un court silence s’installer. Chacun s’égarant dans ses réflexions. Puis Siméon donna une petite tape sur l’épaule de son frangin.

— Allez, va te coucher. On y verra plus clair demain. Et ne dors que sur une oreille. N’oublies pas ce que t’as promis aux parents.

Xander soupira, agacé contre lui-même. Comment avait-il pu la perdre de vue ? Il se reprochait sa négligence, frustré de ne pas comprendre ce qui avait pu se passer.

Il pénétra dans la tente et vint s’allonger aux côtés de son amie en prenant bien soin de ne pas se coucher sur sa longue chevelure rousse. Il resta là, les yeux grands ouverts, à s’imaginer toutes sortes de scénarios pour s’expliquer les évènements mais aucun ne tenait la route. Il ne pouvait s’empêcher de s’imaginer le pire. Quelle chance avait-il que son frère ait été présent lui aussi.

Lorsque Arinna poussa un petit gémissement, il se redressa, en alerte. Son rythme cardiaque ne se calma qu’une fois qu’il constata que son amie dormait à poings fermés. Dans la pénombre, il resta quelques instants redressé à observer les traits fins et délicats du visage de sa meilleure amie. Il finit par se rallonger quand il eut la certitude que la jeune fille ne s’était pas réveillée.

Il aperçut ensuite Danaé passer la tête dans la tente prendre son sac en s’excusant d’aller dormir ailleurs. Il l’accueillit avec un sourire amusé lourd de sens auquel elle répondit par un clin d'œil malicieux avant de filer dans le calme qui gagnait le parc.

Alexander lutta contre la fatigue, attentif aux moindres bruits de la nuit, rassuré seulement par la respiration régulière et apaisée d’Arinna à ses côtés. Peu à peu, il céda à quelques instants de repos malgré lui.


Lorsque le sommeil d’Arinna s’approfondit enfin, elle replongea dans ce rêve étrange. Sauf que cette nuit, elle n’était pas dans sa chambre. Elle se trouvait exactement là où elle s’était endormie, dans cette petite tente, Xander assoupi auprès d’elle. Elle se redressa d’un bond silencieux et s’extirpa hors de son duvet en faisant de son mieux pour ne pas réveiller son camarade.

Une fois sortie, elle découvrait à nouveau cette agilité extraordinaire. Chaque mouvement semblait délié, fluide, comme si son corps n’était plus soumis à la pesanteur. C’était comme si elle l’avait laissé derrière elle, dans la tente, auprès de son ami.

La jeune fille inspira profondément, savourant cette aisance qui devenait naturelle dès qu’elle se laissait glisser dans le sommeil.

Tout semblait identique, et pourtant… l’air vibrait d’une énergie étrange, comme si le monde autour d’elle respirait différemment. Elle perçut chaque essence qui l’entourait. L’odeur du bois brûlé lui chatouilla les narines alors que les effluves d’alcool la firent grimacer. Sa vision se fit plus perçante. Elle pouvait détailler chaque brin d’herbe, chaque rainure sur les feuilles des arbres, chaque morceau de braise incandescente qui se refroidissait lentement suite à l’extinction des feux, et ce même dans l’obscurité de cette nuit noire, loin des lumières de la ville.

Alors, elle banda ses muscles, prête à s’élancer, heureuse de constater qu’elle était sur un nouveau terrain de jeu quand une forte poigne la saisit par le bras et la maintint sur place.

— Oh là, jeune fille, pas si vite !

Elle n’eut pas le temps de faire face à celui qui venait de la stopper dans la course. Sa vision se troubla, tout devint flou autour d’elle. Les lumières devinrent aveuglantes alors que les ombres étaient plus obscures que jamais. Elle perdit connaissance en s’écroulant sur place.

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