chapitre 3
Mon petit chat, petit lapin ne remue pas tant.
Petit chaton, mon lapinou c'est pour bientôt.
Petit lapin, mignon chaton j'aime ton sang !
Mon chatounet, doux lapinou je casse tes os !
Gregor adorait ce petit poème. Il faisait naître en lui une excitation particulière. Il le psalmodiait quand il allait chercher un lapin au clapier derrière sa cabane. Il aimait plonger ses yeux dans les yeux de l'animal en le tenant par les oreilles.
Quand il cassait sa nuque, il souriait en découvrant ses dents pourries.
La cabane de Gregor, se composait d'une seule pièce au confort austère.
L'odeur qui s'en dégageait est un mélange rance et âcre qui montait à la tête et donnait la nausée.
Dans un coin, un lit défait, aux draps lustrés de crasse, une couverture déchirée, un coussin qui perd ses plumes.
Au milieu, une table en bois recouverte d'un bric-à-brac hétéroclite ainsi qu'une unique chaise : il ne recevait jamais personne.
Une cheminée antique, équipée d'une broche et une gamelle en fonte qui frémissait près des braises grises.
Les murs noircis par la fumée du feu sont ornés de tresses d'oignons et d'ails, ainsi que de casseroles de différentes tailles.
Des couteaux aux lames brillantes et un billot avec son tranchoir luisaient dans la pénombre à côté de traces de sang coagulé.
Une petite armoire, sans porte vomissant des vêtements froissés composait le reste de son mobilier.
Sur le côté droit, en dessous de la fenêtre aux rideaux effrangés donnant sur le potager, les contours d'une trappe menant au sous-sol, presque invisible pour des yeux avertis, se dessinaient, dans la poussière et les détritus.
Gregor s'était levé tôt ce matin. Il n'avait pas passé une bonne nuit. Des mauvais rêves étaient venus le hanter. Cela lui arrivait souvent ces temps-ci.
Des rêves où il s'enfonçait lentement dans de la boue collante, le réveillant en sursaut lorsqu'il sentait ses narines se remplir et étouffer.
Je ne devrais pas trop manger de tripes de lapin avant de me coucher, car c'est trop gras. Les tripes de chats sont plus digestes. Se dit-il.
Il en était là de ses élucubrations, quand des coups violents assénés sur sa porte le firent sursauter.
- Gregor, ouvre, c'est Gideon. Je sais que tu es là ! Ouvre ou j'enfonce ta porte !
Gregor ne se fit pas prier. S'il y avait bien un homme qui lui faisait peur, c'était bien Gideon. Il était si fort. Valait mieux obéir mon lapin.
Il ouvrit la porte et se retrouva face à une demi-douzaine de villageois, Gideon en tête.
Certains avaient des fourches, d'autres des faux. Tous étaient en colère.
Aussitôt la porte ouverte, Gideon saisit Gregor par le col
- Où sont Solal et Ariela ? Qu'en as-tu fait ?
– Quoi ? Coassa Gregor, qui ça mon chaton ?
– Ils ne sont pas rentrés depuis hier soir, les as-tu rencontrés ?
- Non non. Je n'y suis pour rien ! Hier soir, je cuisinais du lapin. Je n'ai vu personne !
La cabane était envahie par la petite troupe, et il était évident qu'il n'y avait aucune indication de la présence de deux enfants. En effet, des reliefs du repas de la veille étaient encore sur la table, et une peau de lapin séchait dans un coin.
Il disait la vérité.
Gideon lâcha Gregor, regarda une nouvelle fois la pièce en désordre. Il semblait désemparé. La disparition de sa fille le rendait fou et altérait son discernement. Considérant la mine déconfite et apeurée de Gregor, il se rendit compte qu'il pouvait se tromper. Il le lâcha.
– Tu ne t'en sortiras pas comme ça ! Puis, suivi de sa petite bande, il sortit de la cabane en claquant la porte si fort qu'elle fut disjointe.
Braaa! Mon chaton ! Ils ont bien du toupet ! Venir chez moi m'accuser ! Braaaa ! Je les hais mon lapin ! Je voudrais tous les voir mort !
Ses yeux plein de malice fixaient la trappe près de la fenêtre.
– Stupides, m'empêcher de boire la bonne eau fraîche du puits ! Bien fait pour eux, mon lapin !
Pattes de lapin, moustaches de chat
Petit minet, gentil lapinou tout mou !
Mignon pinpin, bientôt tu mourras !
Joli chatounet, te voilà dans l'ragoût !

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