chapitre 6

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Dans le brouillard, Eldric crut sa dernière heure arrivée. Un des effets pervers de cette brume maléfique, était de générer un très fort sentiment d'abattement, d'angoisse et de solitude. Quand il fut tout à fait séparé des autres, il ressentit au fond de lui une très vielle blessure jamais vraiment cicatrisée se déchirer lentement et se rouvrir.

Cette sensation d'être irrémédiablement seul, il l'avait éprouvé déjà il y a plusieurs années à son paroxysme, lorsque son épouse, sa femme, son amour était parti.

Sélène.

Elle avait toujours eu une santé fragile, du à son humeur dépressive, mais ils vivaient ensemble des jours doux et heureux. Faisant chacun de leur mieux pour affronter les montagnes et les vallées de la vie.

Lorsque Solal grandissait dans son ventre, il avait cru qu'elle irait mieux. Que sa tristesse était partie.

Le soleil illuminait son visage et son sourire était revenu. Ses yeux verts brillaient d'un feu joyeux et ses cheveux noirs faisaient aimer la nuit. Son rire cascadait comme une eau fraîche. Il faisait du bien.

Juste après la naissance du petit garçon l'ombre en elle avait étendue ses racines empoisonnées. Son désespoir avait transformé la jolie jeune femme en une émanation mélancolique. Elle ne parlait plus. Elle lisait toute la journée un vieil ouvrage relié de cuir qu'elle avait trouvé au fond d'une malle dans le grenier de leur maison. Elle délaissait son bébé et son époux, devenant peu à peu quelqu'un d'autre.

Un matin, elle n'était plus là.

Bien sûr, il l'avait cherché pendant des jours et des jours et des nuits. En vain.

Elle lui manquait.

Dans le brouillard, son absence lui coupa le souffle. Il eut l'impression que son cœur s'arrêtait, puis repartait. Il s'assit, épuisé à l'endroit où il était. Il baissa le menton sur sa poitrine. À quoi bon continuer ? À quoi bon vivre ?

Il glissait sur la rampe huileuse de son désespoir.

Maintenant Solal à disparu lui aussi. Constatait-il. Je n'ai plus aucune raison de continuer à vivre. Mon existence n'a plus de sens. Je suis inutile.

Il attendit la mort en silence. Dans cette ouate compacte, aucun bruit ne s'entendait. Le silence assourdissant sifflait au fond des oreilles comme un vent énervant.

Quelque chose lui toucha le crâne.

Quelque chose de glacé.

La voilà se dit il. Il ferma les yeux.

Ce n'était pas l'étreinte froide de la mort, mais la main gelée de Gideon, qui cherchait son chemin à tâtons dans la brume.

- Ah, c'est toi Eldric ! Je suis heureux de te retrouver ! Je pensais être définitivement perdu dans cette purée de pois !

Eldric le regardait, hébété.

- Bon repris Gideon, le mieux est d'attendre que le brouillard se dissipe. À deux, nous allons nous soutenir. Je reconnais que je commençais à perdre tout espoir, et j'avais comme une méchante tristesse qui commençait a me grignoter ce qui me restait de courage.

La lucidité revint chez Eldric, il sentit que sa tristesse pesante s'était allégée, qu'elle s'enfuyait.

Gidéon s'assit à côté de lui. Imperceptiblement, le brouillard reculait autour d'eux, dévoilant les contours des choses. Tout devenait de plus en plus net. Plus limpide. Peu à peu, ils distinguaient les corps assis ou allongés au sol de leurs compagnons d'infortune, qui semblaient se réveiller d'un terrifiant cauchemar.

Ils se redressaient un à un. Les yeux cernés et gonflés d'avoir pleuré. Lyra se précipita dans les bras de son mari.

Tous pouvaient ressentir la détresse dans laquelle cette brume les avait plongés. Chacun avait dans sa chair la brûlure intense de souvenirs douloureux, d'émotions pesantes.

Quand, seul, on se retrouve face à soi-même, on ne peut plus tricher. Notre réalité nous fait face, comme un miroir. Nos masques tombent. Ce brouillard leur avait montré qui ils étaient quand personne ne les regardait.
Désormais, le soleil était revenu chassant les derniers relents de cette nuit d'horreur. Ils reprirent espoir et courage.

Ils se dirigèrent vers le village. Ceux qui y étaient restés avaient besoin d'avoir de leurs nouvelles.

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