chapitre 10

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La cave de Gregor était un véritable labyrinthe composé de plusieurs pièces. Elles avaient toutes un usage particulier. La plupart servaient à entreposer ses provisions pour les mois d'hiver. Quelques-unes lui servaient pour un usage plus précis. Les êtres vivants qui y entraient, ne revoyaient jamais la lumière du jour. C'était dans une de ses pièces qu'il avait enfermées Solal avant qu'il ne s'échappe. Il y était de nouveau emprisonné.

Depuis que sa sœur Sélène habitait chez lui, il avait agrandi l'espace pour lui permettre d'être à son aise. Rien à voir avec le confort spartiate du dessus. Elle disposait d'une chambre, d'un salon, d'un cabinet de toilette et d'une cuisine.

Elle bénéficiait également d'un accès direct dans les galeries abandonnées en dessous. Ces galeries parcouraient le sol autour du village en une ramification innombrable de passages souterrains qui communiquaient entre eux.

C'était idéal pour se dissimuler du regard des villageois. Elle avait mis en place un système pour la prévenir en cas de visites importunes : une clochette reliée aux différentes entrées tintinnabulerait dés que quelqu'un touchera la porte.

Dans le silence et l'obscurité, elle fomentait depuis des années son crime ultime, encourageant son esprit tourmenté à s'enfoncer encore plus profondément dans la folie et l'horreur.

Elle voulait plonger les habitants du village dans la nuit éternelle. Les priver de la lumière du soleil. Une nuit interminable, à l'obscurité lourde et gluante. Alors viendrait son règne. Reine de la nuit, asservissant dans la peur tous les êtres vivants.

Le brouillard introspectif n'avait pas donner entière satisfaction. Mais à présent, elle allait composer la recette ultime, le mélange parfait !

La recette du livre était limpide : pour que la nuit au-dessus d'un lieu soit éternelle, il y avait besoin du regard d'un enfant et des larmes d'un autre. Si ce regard était bleu comme deux morceaux de ciel, c'était encore mieux. Ariela possédait ce genre de regard.

Sélène relisait la recette dans le vieux livre. Pour concocter ce maléfice elle avait besoin des yeux d'Ariela, et des larmes de Solal. Ensuite, il suffisait de les mélanger à d'autres ingrédients plus faciles à trouver, comme de la vase des marais, mucus de limaces, poussière de cave humide en égale proportion. Pour finir, un peu de mousse verte. Rien de plus simple.

Une fois ces ingrédients réunis, il était indiqué qu'il fallait les broyer dans un mortier en pierre, bien délayer jusqu'à une consistance ferme, puis les faire chauffer. La vapeur qui s'échapperait formerait un nuage ténébreux et sinistre qui plongerait le monde dans une nuit sans fin.

Tel était le plan diabolique de Sélene, priver les habitants de Valombreux de lumière.

Dans sa cuisine souterraine, elle possédait toute une panoplie d'ustensiles. Bien rangés, disponibles. Ceux qu'elle préférait étaient sa collection de couteaux. Excessivement tranchants. Ils brillaient sur le plan de travail. Prêts à servir.

À aucun moment, elle ne remettait son projet en doute. Arracher les yeux d'une petite fille lui semblait la chose la plus naturelle du monde. Sa folie annihilait en elle tout discernement.

Gregor lui était dévoué corps et âme. Il avait toujours obéi sans discuter aux ordres de sa sœur. Il détestait également les habitants du village et souhaitait de toute son âme leur malheur.

Pourtant, dans son cœur aigri, une petite flamme de compassion semblait naître.

Dans les cœurs les plus sombres, parfois, il peut jaillir une étincelle de bienveillance. La vision d'Ariela attachée sur une chaise fit croître en lui un sentiment diffus. Pour la première fois, il semblait hésiter. Cette petite fille lui rappelait son insouciance, son innocence. Des moments de sa vie passé qui lui revenait en bouffées agréables. Soudain, il lui parut insupportable de lui faire du mal.

- On devrait peut-être attendre un peu, mon lapin. Murmura-t-il. Il pensait se parler à lui-même, mais les mots s'échappèrent, bien audible de sa bouche.

Selene, qui était penchée sur son plan de travail, se retourna brusquement vers lui, ses yeux lancèrent des éclairs.

- Que dit tu ? Sa voix, tremblante de colère contenue.

- Je dis que ce n'est peut-être pas une bonne idée d'aller si vite, bredouilla-t-il

- Aurais-tu l'intention de t'interposer entre moi et mon projet ? Sa voix était terrible, son corps, dressé devant Gregor, semblait immense.

Dans un sursaut de courage ou d'inconscience, Gregor se jeta sur elle.

- Il ne faut pas lui faire du mal, mon chaton ! Hurla-t-il

Déséquilibrée, Sélene tomba en arrière, sa main eut le temps de saisir un long couteau à la lame effilée. Elle le plongea, sans hésiter dans le corps de Gregor. Il poussa un cri de douleur, s'affaissa au sol. Du sang remonta dans sa bouche. Il gargouilla quelques mots incompréhensibles, puis ses yeux devinrent fixes. Il était mort.

Contemplant sans aucune empathie le corps sans vie de son frère, elle essuya le couteau plein de sang dans un torchon blanc.

- Une bonne chose de faite ! Il ne m'est plus d'aucune utilité à présent. J'aurais même dû le supprimer plus tôt !

Elle se tourna vers Ariela, toujours attaché sur la chaise de bois. Elle n'avait rien raté de la scène terrible qui venait de se dérouler sous ses yeux.

- Tout va bien se passer ma jolie, c'est l'histoire de quelques minutes. Juste le temps d'ôter tes beaux yeux de leurs orbites. Elle approchait un couteau à la lame courte de la pupille gauche d'Ariela. La clochette se mit à tinter.

- Qui me dérange ? Hurla t'elle

Elle lâcha son couteau, en attrapa un plus long qu'elle cacha dans son dos, fonça vers la porte.

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