Chapitre 68 : Avis de tempête

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Pas de pyjama.

Bon, c'est de bonne guerre, sachant qu'hier soir, elle se trémoussait quasiment en tenue d'Eve contre son corps nu. Mais quand même, là il a fait fort...

Voyant Gwendoline devenir rouge coquelicot et perdre peu à peu ses moyens, Erwann se délecte de sa petite provocation et de l’effet qu’elle produit sur son invitée. A son tour de s’amuser un peu.

Gwendoline est si facile à perturber, remarque-t-il. Si lui parvient aisément à masquer ses émotions, notamment lorsque la jeune femme le bouscule, pour ce qui la concerne, il lit en elle comme dans un livre ouvert. Non seulement, il est très simple de la déstabiliser mais cela s’inscrit directement sur son visage. Et devant son trouble, Erwann, de plus en plus joueur, savoure sa nouvelle petite victoire de la journée. A ce moment précis, il a très envie de réitérer sa performance en la mettant encore plus sens dessus dessous. Mais patience, chaque chose en son temps...

Tout sourire, il lui tend la main, en ajoutant :

— Suis-moi, on monte à l’étage, je t’emmène visiter notre lieu de villégiature pour les deux nuits à venir.

En nouveau maître des lieux, le photographe s’improvise guide et lui fait faire le tour du propriétaire. Après avoir grimpé l’escalier en colimaçon, ils arrivent dans une pièce circulaire assez étroite, avec d’un côté une table et deux chaises et de l’autre, un lit recouvert de pétales de roses rouges.

— Oh mon Dieu ! s’exclame-t-elle ahurie. C’est toi qui as fait ça ?

Gwendoline s’approche de l’espace chambre et admire les détails de l’ambiance romantique qui a été créée pour l'occasion. Le cadre du lit est en fer forgé et le matelas, énorme, est similaire à ceux que l’on trouve dans les hôtels qu’elle a l’habitude de fréquenter. Une suspension, accrochée au plafond, permet à un voilage blanc d’entourer l’intégralité du lit, tel un cocon. De gros oreillers épais et moelleux sont disposés les uns contre les autres à la tête du lit et une couette blanche, immaculée et douillette, recouvre le tout. Tout le linge semble impeccable de propreté et dégage l’odeur délicate d’une lessive à la vanille.

La jeune femme en reste muette de surprise. Erwann est ravi, et touché. La fraîcheur de sa modèle est vraiment désarmante. Quoi qu'il lui propose, elle est si enthousiaste, si reconnaissante. Repensant à son ex-femme qui affichait toujours un air blasé, le breton apprécie d'autant plus ce trait de caractère chez sa nouvelle compagne. Alors que Gwendoline continue son inspection, il lui explique l'organisation de sa surprise :

— Je n'ai pas fait cela tout seul, pour être honnête. C’est ma cousine Sandra qui s'en est occupée. Elle est décoratrice d’intérieur et s’occupe de créer des showrooms éphémères pour des séances photos, des pièces de théâtre, ainsi que des décors de cinéma. Je l’ai embauchée la semaine dernière pour nous préparer, je cite : « un espace glamour et accueillant pour dormir et plus si affinité…»

Erwann prend une voix de femme et utilise des guillemets imaginaires pour retranscrire les propos de sa cousine, ce qui fait éclater de rire Gwendoline devant cette mauvaise imitation. Elle n’en demeure pas moins toute chose lorsqu’il évoque le « plus si affinité ». Parce que des affinités, ils en ont, et à cet instant précis, elle crève d’envie qu’il lui retire ses vêtements pour lui faire l’amour sur leur couche nuptiale improvisée.

— C’est tellement beau, reprend-elle en caressant du plat de la main les draps doux, complètement sous le charme de ce décor unique, dans cet endroit si étrange et original. Tu sais que j’en rêve depuis des années ? insiste-t-elle, épatée.

— J’ai cru comprendre oui.

— Tu le savais ?

— Tu l’as mentionné dans une publication Instagram un jour et j’ai pensé à Gaston. Même si nous ne sommes pas en pleine mer car c’est impossible de nos jours d’aller dans ce type de bâtiment, nous sommes bel et bien installés dans un phare au milieu de ce qui s’annonce être une belle et violente tempête.

C’est la première fois qu’elle met les pieds dans un phare. Un lieu mythique à l’abri du temps et des éléments, éloigné du reste du monde, imperturbable, protecteur, solide. Comme Erwann ? L’analogie lui paraît à la fois trop réductrice et pourtant tellement évidente. Le photographe est apparu dans sa vie, après une période de tumultes, dans laquelle elle a été mise à mal, et tel un phare, il s’est présenté à elle, lumineux et salutaire. Une rencontre providentielle, à laquelle elle rêvait sans trop y croire, à force d’échecs et de déceptions. Même si tout lui parait complètement fou, elle résiste à l'envie de se pincer, consciente qu'il est bien réel, en chair et en os, debout devant elle, avec son regard bienveillant et son allure robuste. Parfait en tous points.

La modèle tourne sur elle-même quelques instants pour profiter encore un peu de la vision idyllique qui l’entoure, avant de s’avancer vers l’une des fenêtres. Erwann la suit des yeux, silencieux, attendri de la voir si candide, sensible à sa joie presque enfantine, rassuré quant à la réussite de sa surprise.

La jeune femme se poste devant l’encadrement de la fenêtre et sa silhouette se dessine en contrejour. Elle observe la mer de plus en plus démontée, se jetant par lames successives contre les remparts de pierres indestructibles. Dehors, le vent est à l’œuvre et de belles bourrasques viennent soudainement faire claquer les volets de l’édifice, ce qui ne manque pas de la faire sursauter. Elle se retourne et regarde Erwann qui la dévore des yeux.

Il la dévisage ouvertement, ses pupilles emplies de désir, et alors qu’elle n’a envie que d’une chose, elle se surprend à la redouter. Il est tellement intimidant. Sa haute stature, son visage posé, son regard intense… Dans un éclair de lucidité, elle comprend d’où viennent ses craintes : Erwann est un homme. Un vrai. Et cela la frappe de plein fouet, aussi violemment que le vent fait claquer les persiennes en métal.

Erwann est un homme.

Mature, responsable, stable. Et face à cette prise de conscience, elle se sent comme une gamine écervelée qui aurait tout à apprendre de la vie, à qui il allait devoir tout enseigner. Réalisant un peu tard qu’elle l’a poussé à bout hier soir, elle regrette désormais de s’être montrée si légère et inconséquente. Et comprend qu’elle a eu de la chance qu’Erwann ait réussi à se maîtriser, bien qu’elle ait tout tenté pour le faire céder. C’est à la fois la preuve qu’il se domine, mais aussi qu'il la domine elle, petit chose frivole et volubile, au caractère instable.

— Heureuse ? demande-t-il, alors que l’évidence se fait jour sous ses yeux.

— Très. Je suis épatée par ta démarche. Et enchantée aussi. Et... et plein d'autres choses...

— J’en suis ravi. C’était le but, dit-il en s’avançant lentement vers elle, plissant les paupières, de plus en plus ébloui par la luminosité émanant de l’encadrement de la fenêtre devant laquelle son invitée se tient droite.

— C’est tellement incroyable tout cela, tellement… wow, murmure-t-elle, alors qu’il arrive face à elle, la surplombant de toute sa hauteur, son regard plongé dans le sien.

Gwendoline a presque envie de se dérober face à cette proximité, mais Erwann pose ses mains de chaque côté du chambranle bordant la fenêtre, l’emprisonnant de son corps massif. Pourquoi la dévisage-t-il avec tellement d’intensité ? Sa respiration s'accélère, et tandis que le photographe lui fait barrage, elle sent son propre sang bouillir dans ses veines, sans arriver à décrypter si c’est de peur ou d’excitation.

Elle déglutit. Il lui sourit et l’embrasse doucement.

Puis généreusement.

Puis à en perdre haleine.

Pour tout réponse, Gwendoline se met sur la pointe des pieds pour encercler son cou de ses bras, brûlante de désir et d’appréhension. Affamée, elle entoure sa nuque de ses deux mains et se presse contre lui, sa poitrine tendue contre son torse. Erwann réagit sans plus attendre et la soulève du sol, en attrapant ses cuisses, qu’il enroule autour de ses hanches et l’emmène dans l’espace chambre, où il l’allonge sur le lit tout en continuant à l’embrasser avec ferveur…

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