Chapitre 75 : Titanic

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Gwendoline sourit, flattée du désir qu’elle fait naître en lui. Elle apprécie de retrouver l’état d’esprit volcanique de son hôte, qu’elle devine être un sanguin sous ses abords calmes et posés. Elle le sait joueur derrière son allure sérieuse et réservée. Et, à vrai dire, elle n’a qu’un objectif : le débrider.

Après ce petit aparté, elle réinvestit son rôle de modèle, toujours aux prises avec l’envie de plus en plus impérieuse d’être possédée par Erwann. Redoublant d’efforts pour rester impassible, elle laisse tomber lentement le jean à ses pieds et s’arrête lorsque le breton lui souffle de ne plus bouger et de le laisser entortillé à ses chevilles. Il s’allonge au plus près du sol, comme s’il était une petite souris voyeuse tapie sous le parquet. Sa posture, bien qu’inconfortable, apporte de la hauteur à la silhouette de la jeune femme et allonge ses jambes fines et galbées. Erwann ne peut s’empêcher de la mettre en valeur, ce qui le fait sourire intérieurement : il se plie littéralement en quatre pour elle. Elle l’a eu. Il est fini.

Tout en devisant pour lui-même de l’emprise qu’elle a sur lui, il immortalise ses fesses rondes et menues qui captent la lumière comme deux délicieuses brioches sortant du four. Tout le met en appétit chez elle. Tout.

Gwendoline regarde vers le ciel et pose ses deux mains jointes sur sa poitrine, telle une prière silencieuse pour le retour de celui qui lui manque.

Séduit par son expression, le photographe prend plusieurs clichés de cette pose qu’il trouve presque religieuse, malgré son sexe apparent au premier plan. Des idées lui viennent en tête lorsque son regard se pose sur ses chairs gonflées de désir, d’où brille un suave nectar qu’il a envie de goûter. Désormais, son érection n’est plus dissimulable mais il continue son travail comme un pro car l’ambiance est magnifique et son modèle, toute à sa concentration artistique, paraît divine.

— Fais glisser le caraco maintenant s’il te plait, lui demande-il, la gorge sèche et la voix râpeuse.

La jeune femme s’exécute, dévoilant ses petits seins dont les mamelons pointent fièrement. Elle se retrouve nue, le tissu en satin glissant le long de son corps lisse et presque glabre. Elle ne le retient pas, prise de l’envie irrésistible de laisser sa peau tout entière à la merci du regard de son photographe.

— Tu es magnifique, la complimente-t-il, le souffle court.

Tout professionnel qu’il est, Erwann n’en reste pas moins un homme et l’exercice commence à devenir périlleux. Armé de ses dernières traces de volonté, il ne se déconcentre pas lorsqu’il lui suggère de s’asseoir nue sur le fauteuil, en travers du large siège.

— Imagine une position d’offrande à la lune, dans un total abandon aux étoiles, précise-t-il.

Amusée par la poésie qu’il utilise pour se faire comprendre, Gwendoline s’allonge sur le plaid épais et chaud. Elle incline son buste et sa tête en arrière, les bras soutenant sa nuque, les jambes croisées de l’autre côté. Docile, la jeune femme fait ce qu’il lui demande. Pas une once de résistance n’apparaît en elle. Ça promet, pense-t-elle.

— Je m’abandonne aux étoiles, Erwann, dit-elle, pour le taquiner.

— Hum… je t’ai déjà vue t’abandonner et tu étais plus… convaincante.

La jeune femme sourit sans piper mot. Elle ne sait pas s’il fait référence au moment où il l’a surprise en train de se masturber dans sa chambre le matin-même, ou au plaisir qu’il lui a donné dans l’après-midi avec ses doigts. Ou les deux…

Elle essaie de se détendre, ferme les yeux et savoure le regard d’Erwann qu’elle devine plein d’envie, imaginant le désir monté crescendo en lui, au fur et à mesure que cette séance devient torride. Attentive et immobile, elle remarque que la respiration d’Erwann a changé et se fait désormais plus rapide, accélérée par l’émoi qu’il ressent, tandis qu’elle s’offre ouvertement à ses yeux.

— Décrispe le visage, s’il te plaît, la bouche légèrement entrouverte, demande-t-il avec douceur, en la mitraillant sous toutes les coutures, très sérieux.

— J’ai l’impression d’être Rose face à Jack lorsqu’il la dessine dans Titanic… confesse-t-elle, au bout d’un moment.

— Tu es beaucoup plus jolie que Rose, murmure-t-il.

— Flatteur.

— Sincère… Je passe en partiel. Peux-tu joindre les mains pour les poser sur… ton sexe ?

Tournant le visage vers lui, elle observe l’excitation qui gagne son visage et acquiesce. Elle se meut avec lenteur, décroise ses jambes nues, à la recherche d’une posture plus confortable, puis pose les deux mains sur son intimité, attirant l’œil de son amant dessus. Ses bras bordent sa poitrine, ce qui, au passage, donne plus de gonflant à ses seins qu’elle trouve trop peu bombés. Elle se livre au regard du photographe, se délestant de toute pudeur et de tout complexe pour laisser place au désir qui l’envahit.

— Vous rougissez, monsieur l’artiste, le taquine Gwendoline, en pâle imitation de l’actrice dans le film. J’imagine mal Monsieur Monet rougir ainsi.

— Ce sont des natures mortes qu’il peint… déclare-t-il en riant. Titanic, après Dirty Dancing, sacrée filmographie pour une seule soirée. On est repartis dans les années 90, maintenant ?

— Je reconnais que tu me fais vivre des choses inédites, qui ont le goût de la nostalgie… et pourtant, c’est très agréable. C’est comme une relecture de mon passé…

— Ça me fait plaisir de te faire voyager…

Erwann a de plus en plus de mal à se concentrer, tant le corps de Gwendoline le met sens dessus dessous. Son corps, mon Dieu, mais quelle merveille. Il a beau s’en être occupé il y a quelques heures à peine, il n’a qu’une obsession, y retourner, encore et encore. Elle lui a demandé d’y aller étape par étape et il souhaite de tout son cœur respecter sa parole, mais ce corps-là, sous ses yeux gourmands, est un appel auquel il n’est plus capable de se dérober. Pourtant, pour une fois, ce n’est pas elle qui l’a provoqué pour le faire réagir car l’idée de cette séance photo vient de lui. Il se croyait plus résistant, mais se découvre ni plus ni moins qu’humain, dirigé par ses hormones et ses pulsions animales. Un simple mortel soumis à l’attraction sexuelle de la femme qu’il désire le plus au monde.

Maintenant qu’elle est nue sous ses yeux, avec sa silhouette délicate, ses fesses rebondies et sa poitrine au goût de melon, il se dit qu’il est complètement con d’avoir voulu réaliser ce shooting, alors qu’il ne veut pas se précipiter avec elle. Est-il devenu masochiste ces temps-ci ?

Gwendoline le voit perdre contenance et s’interroge sur les raisons de son trouble. Prenant son courage à deux mains, elle se lance :

— Erwann, tu me regardes comme si tu voulais me dévorer.

— C’est un peu le cas, il me semble, reconnaît-il, mi-figue, mi-raisin, en se grattant la tête.

— Arrête de te torturer. Si tu as envie de me faire l’amour…

— Tu sais bien que c’est le cas, répond-il spontanément, en ne la laissant pas finir, de peur de ce qu’elle pourrait dire.

Le photographe baisse son appareil photo, relève les yeux en direction des siens et s’approche d’elle. Il s’assoit sur le sol, au pied du siège où Gwendoline est assise, dos au fauteuil, les yeux perdus sur la pièce qui les entoure. Il espère qu’en arrêtant de la regarder quelques minutes, la pression qu’il ressent retombera. Elle lui caresse les cheveux tandis qu’il repose l’arrière de sa tête contre sa cuisse, vaincu.

— Je ne suis qu’un homme, fait de chair et de sang. Il faut juste que… je reprenne le contrôle de la situation, affirme-t-il, résolu, en expirant un bon coup.

— Tu ne me dis pas tout… Qu’est-ce qui te bloque à ce point-là ?

Erwann baisse la tête et pose l’appareil photo à côté de lui, affichant malgré lui un air soucieux.

— Je souhaite juste que ce soit le bon moment. Que tu sois prête, rassurée sur mes intentions.

Il lui prend la main qui jouait avec ses cheveux et l’embrasse, un geste qu’il a pris l’habitude de faire.

— Quelles sont tes intentions Erwann ? reprend-elle, troublée et la voix quelque peu incertaine.

— Elles sont… bonnes, sincères, honnêtes, répond-il après quelques secondes de réflexion, cherchant les mots justes, sans trop se dévoiler, ni l’effrayer. J’ai envie de te rendre heureuse, de te combler, comme tu me rends heureux et me comble.

— Je suis tout cela, crois-moi. Tu m’as comblée de mille et une façon depuis que l’on s’est rencontré. Est-ce mon métier qui t’arrête ? questionne-t-elle légèrement inquiète, ayant peur de la réponse qu’elle redoute à chaque fois, dans ses relations amoureuses.

— Non, affirme-t-il sans sourciller. Je l’avais presque oublié celui-là. Ton travail n’a aucune incidence. Ou plutôt si, mais pas de la façon dont tu peux le croire. Justement parce que ton métier t’oblige à supporter les désidératas des hommes, je veux que tu saches que je ne fais pas partie de cette catégorie-là. Je ne suis pas comme ces types. Je ne veux pas être égoïste et utiliser ton corps pour mon plaisir personnel.

— Tu n’as pas été égoïste tout à l’heure, corrige-t-elle avec énergie. Au contraire, c’était profondément généreux... et rare. Je n’ai pas tellement connu cela par le passé.

— En réalité, tu viens exactement de mettre le doigt sur ce qui me bloque, bien que ce terme ne soit pas le plus approprié. Sur ce qui me freine, sur ce qui m’inquiète, plutôt.

— Explique-moi.

— Tu as l’air… d’avoir connu… quelques déconvenues.

Erwann a l’impression de marcher sur des œufs.

— Quelques-unes effectivement… confirme-t-elle sans en dire davantage.

— Je ne sais pas ce que tu as vécu avec tes ex, mais… j’ose espérer ne pas être comme eux. Et comme je le disais, avec ton métier, tu as assez à supporter. Par moments, j’ai peur de mal me comporter avec toi, de me laisser submerger par ma libido, d’avoir une attitude déplacée. Te regarder jouir m’a aussi procuré du plaisir, énormément de plaisir, tout comme te regarder durant cette séance photo. Si cela est réciproque, alors tout va bien, mais si tu te sens utilisée comme un objet, alors j’aurais franchement merdé, si tu me permets l’expression.

— Je comprends, finit-elle par dire après quelques secondes de silence. Tu veux que je t’avoue quelque chose ?

— Oui, bien sûr.

— Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas sentie aussi belle, aussi désirée… tu m’as traitée avec plus de considération et de respect que n’importe lequel de mes ex, que n’importe lequel de mes clients, que n’importe qui en réalité.

Gwendoline faillit rajouter : que n’importe qui en dehors de ma thérapeute, mais elle trouve prématuré de lui confesser qu’elle se fait aider pour guérir de ses troubles du comportement alimentaire. L’image de Guillaume lui vient aussi furtivement en tête mais elle le chasse d’un clignement des yeux avant de reprendre :

— Tu es vraiment différent, si cela peut te rassurer. Tu me regardes d’une belle façon, Erwann, avec toi, je me sens… valorisée.

— Ça me fait plaisir ce que tu me dis. Vraiment. Cela me rassure. J’avais peur que tu me prennes pour un enfoiré.

— Ce n’est pas ce que je pense, reprend-elle, du tac au tac. Loin de là. Et si tu me désires, si tu me fais l’amour, si tu continues à te comporter comme tu l’as fait tout à l’heure… alors je te promets que cela me convient et que je ne me sens pas utilisée.

Gwendoline prend quelques secondes avant d’ajouter :

— J’ai besoin de savoir quelque chose moi aussi…

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