L'anniversaire d'Aster
C’est l’anniversaire d’Aster. Pour ses soixante ans, il organise une fête et prévoit de régaler ses invités d’un cochon de lait cuit à la broche. Dans la cour, des bûches sont amassées pour allumer et alimenter le feu. Indifférente à l’agitation, Elisabeth rêvasse, seule dans sa chambre. Sa peau est désormais plus pâle, ses sourcils ont minci et ses joues se sont affaissées. Elle accuse ses presque soixante-dix ans. Un collier aux reflets rosés tremble sur son cou, alors qu’elle tente de retenir la fine bretelle qui glisse de son épaule. Les yeux rivés sur un point imprécis au-delà de l’horizon, elle songe à ses rêves avortés, à ces objectifs jamais atteints. Elle se demande si elle ne s’est pas trompée de chemin. Jadis, les posters de Jimi Hendrix et du Che tapissaient les murs de sa chambre. La rebelle avait porté les mini-jupes de Mary Quant. L’enthousiaste s’était ensuite glissée dans de longues robes fleuries. Peu à peu, l’exaltation avait cédé la place à la désillusion. Le sentiment de liberté, elle l'avait acquis bien plus tard. C'est à ce moment-là qu'elle avait rencontré Eve. Puis Aster, celui avec qui Eve s’était plainte de ne pas ressentir de plaisir. À l’entendre, Elisabeth avait imaginé un homme froid et rude. Elle avait découvert un être doux et délicat. Une barbe, des cheveux longs, cette façon inimitable de les chasser de ses épaules, un charme fou. Tout semblait si simple à son contact. Elle s’était laissée séduire. Un rapprochement bref, mais intense, qui marquerait définitivement sa vie. Si le jugement peut évoluer, le premier regard qu'on pose sur quelqu'un ne change pas, comme un trait de crayon qu’on veut gommer et qui transparaît toujours. Elle était tombée instantanément amoureuse. Un amour inexpliqué, inavoué. Inavouable. Car elle trahissait Eve, son amie. Et il y avait aussi, et surtout, cette insolente jeunesse d’Aster : ses vingt ans, quand elle approchait la trentaine. Une incartade sans importance, se répétait-elle. On n’en parle pas, on oublie. Fin de l’histoire !
L’immense champ de lavande bourdonne à ses oreilles, le manège incessant des abeilles la sort de sa torpeur. Elle secoue sa chevelure brune parsemée de fils d’argent, et redresse son corps devenu fardeau. Elle lisse sa jupe, arrange sa coiffure ; elle tient à être jolie en ce jour particulier de l’anniversaire d’Aster. Il y a des bruits de voix au dehors. S’approchant de la porte ouverte sur la cour, elle le voit. Il est là, les jambes légèrement écartées, en pleine discussion avec Antoine.
- Soixante balais, tu te rends compte ? C’est fou d’être aussi vieux. Sans vouloir redevenir un gamin, ça me plairait bien d’avoir quelques années de moins.
Ainsi on en est tous là, se dit Elisabeth.
- Tu n’as pas encore réussi à être adulte, riposte Antoine.
- Tu sais que c’est la première fois que je fête mon anniversaire ?
- Menteur ! s’exclame Rachel.
- Toi, j’espère que tes bras cassés ne vont pas me le gâcher.
Il parle des Braccassi, un couple d’amis que Rachel a décidé d’inviter. Des collègues, profs comme elle, ce qui n’augure rien de bon. - Et cette Patricia, elle ne va pas tout gâcher ? C’est qui d’ailleurs, celle-là ?
- La marraine de Blanche, explique Elisabeth.
- Une amie de ma femme, précise Aster.
Rachel déteste l’entendre parler d’Eve comme si elle était vivante et pire, comme s’il était encore marié avec elle.
- Il faut s’occuper du cochon, coupe Antoine.
Ce cochon, dont Aster rebat les oreilles de tout le monde depuis des semaines, il est allé le chercher lui-même. Il n’en démord pas : un repas de fête s’accompagne d’une pièce de viande, grésillant sur un tournebroche. Avec Antoine, ils ont creusé un trou, planté des piquets à chaque extrémité, l’ont rempli de branchages secs qu’ils enflamment. Ils recouvrent ensuite de charbon de bois, jusqu’à obtenir des braises. Tous deux rivalisent de sérieux. Un concours implicite, une manière d’épater les femmes. Les hommes ont toujours été fascinés par le feu. Ils aiment cuisiner à l’extérieur, se revendiquant experts de l'allumage du barbecue et de la cuisson de l’entrecôte. Une tradition ancestrale, qui date sans doute de l’époque où ils faisaient griller le produit de leur chasse.
- Viko ! Bouge-toi, vieux ! braille Aster.
- Vieux toi-même !
- C’est le moment d’aller chercher le bestiau.
Ils reviennent, portant sur leurs épaules la bête, sortie de sa couche de glace. Elle est déposée cérémonieusement sur une planche soutenue par des tréteaux, avant d’être embrochée. La bestiole vacille, tangue et s’affaisse en projetant une gerbe incandescente. - Bordel ! jure Antoine.
- Un pieu a lâché, dit Viko.
- Putain ! souffle seulement Aster.
Il faut extraire le cochon de son lit ardent, avant de fixer plus solidement le piquet branlant. Il fait si chaud que la sueur leur dégouline dans le dos. - Dites donc, les gars ! s’exclame Rachel du fond de la cour. Vous y arrivez, ou bien il vous faut des assistantes ?
- Il a glissé.
- Bande de branquignols !
- Ça va prendre combien de temps ? demande Antoine, en badigeonnant l’animal d’huile d’olive, tandis que Viko l’asperge de gros sel.
- Quatre, cinq heures... dit Aster en regardant le ballet hypnotisant. Poussez-vous, je vais le faire tourner !
La graisse, qui coule le long des flancs, s’embrase soudainement. - Il n'est pas trop près du feu ?
- Tant pis, on ne va plus rien déplacer maintenant.
Ils sont en improvisation totale. Aucun d’eux n’a jamais fait cuire un cochon. S’ils espèrent se faire mousser, c’est plutôt raté. Bientôt lassé, Aster passe la manivelle de la broche à Antoine pour aller donner un coup de main à la mise en place de la terrasse. C’est inutile car Rachel a déjà tout orchestré. Aster trônera en bout de table. Eu égard à son âge, Elisabeth lui fera face, à l’autre extrémité. Des ampoules montées sur des guirlandes, ainsi que quelques spots, illumineront l’ensemble. Chargé de l’éclairage, Lionel s’affaire en haut d’une échelle, au milieu des fils emmêlés. Il tente d’orienter un faisceau vers la table prévue pour le repas. Aster se laisse tomber sur un divan, placé un peu à l’écart. - Tu laisses ce coin-là dans l’ombre.
- Entendu, papa.
- Ce sera le divan des couples.
- Il y aura des femmes ? s’intéresse Viko.
- Débrouille-toi tout seul avec ton plan drague, au lieu de compter sur mon anniversaire.
- J’espère que les plombs ne vont pas sauter, grommelle Lionel.
- Vas-y, porte-nous la poisse, toi !
- Comme si c’était ma faute.
- C’est quand même drôle de se retrouver tous ici après tant de guerres et d’emmerdes, continue Aster.
Rachel est excédée d’entendre de telles inepties. - Elle est bien bonne ! Parce que tu as traversé des guerres, toi ? Et puis, il n’y a rien de drôle. D’ailleurs tu n’as jamais été drôle !
- Mais si, il est marrant Aster. Sauf qu'il ne le fait pas exprès, précise Viko.
- Toujours à vous soutenir tous les deux !
De la cuisine, parvient la voix inquiète d’Elisabeth : - Je n’ai pas trouvé de gâteau. Quelqu’un peut me dire où il est ?
- J'ai oublié, dit Aster en s'extrayant de son siège.
- Ça n'existe pas un anniversaire sans gâteau. C'est incroyable de ne pas y avoir pensé. Il faut croire qu’on perd la boule avec l’âge ! raille Rachel.
- Je ne suis pas vieux.
- Je suis d’accord, acquiesce Elisabeth. Il n’est pas vieux.
- Je vais préparer une jolie macédoine de fruits, propose Rachel, avec une étonnante gentillesse. Ce n’est pas grave. Je suis sûre qu’Aster s’en moque des bougies.
- C’est vrai. Pourtant j’avais envie d’un gâteau. Je n’ai pas eu une minute à moi. Vous auriez pu vous en occuper aussi, c’est toujours à moi de gérer.
Elisabeth se dirige vers le salon pour vérifier les couchages. Ce soir ils seront une quinzaine, et certains dormiront sur place. Le canapé est déjà ouvert ; reste à déplier un lit de camp. Sophie traverse la pièce, insensible à l’effervescence de la journée. Pas un regard. Pas un mot.
- Un problème ? demande Elisabeth, en relevant la tête.
Sophie ne répond pas et pénètre dans la cuisine, où Rachel épluche des fruits. À l’approche de sa fille, elle murmure sur le ton de la confidence : - On en profitera pour annoncer ton mariage.
Car Sophie va bientôt se marier. Sa mère, qui déplore de ne pas avoir été épousée, vibre d’impatience à l’idée de ce mariage par procuration. - Ce n'est pas si important que ça.
Rachel ne cherche pas à cacher son étonnement. Mais elle se reprend avec bonne humeur.
- Voilà une superbe salade exotique. Maintenant, je m’attaque au taboulé. Ou bien tu veux t’en charger ? propose-t-elle à Blanche qui vient d’arriver.
- Sophie ne peut pas le faire ?
- Tu sais bien que Sophie n'aide jamais.
- Oui, c’est ça le problème.
Blanche soupire et prépare donc le taboulé. Puis, elle se dirige vers la terrasse, où son père est en train de servir à boire. - Tu prendras quoi ?
- Un jus de citron avec des glaçons.
- Tu ne veux pas plutôt un cocktail ? L’art des mélanges, c’est ma spécialité.
- Ce n'est pas l'heure de l'apéritif... Pousse-toi, dit-elle en s’asseyant près de son frère.
À côté de la frêle Blanche, Lionel a l’air d’un pachyderme. Il porte un large tee-shirt noir, censé dissimuler son ventre. Pour l’instant, il évite de se pencher, de peur que son abdomen ne déborde par-dessus la ceinture de son pantalon. Il oubliera, quand il aura trop bu. - On n’est que le matin et il est déjà cuit, soupire Rachel, avançant avec la salade exotique dans une main, le taboulé dans l’autre.
- Il n’y a pas que lui, commente Blanche.
La voix d’Aster s’élève, tranchante. - Vos gueules !
Il pose ensuite une main légère sur l’épaule de son fils. Rachel et Blanche échangent un regard médusé, déconcertées par l’insulte, et davantage encore par le geste inattendu. Aster s’en va rejoindre tranquillement Antoine. Ils ont prévu de se relayer pour surveiller la cuisson du cochon. Aster tend une bouteille de rosé qu’Antoine repousse d’un geste agacé, avant de s’éloigner. Viko, qui n’a pas intégré non plus qu’Antoine ne boit pas, enfonce le clou dès qu’il l’aperçoit :
— Je te sers quelque chose ?
Refuser un verre, c’est tellement incongru.
Blanche considère ce petit monde avec détachement, et une pointe d’amusement. C’est sa famille, une famille de bric et de broc, usante, bruyante. Elle se réjouit d’avoir choisi de s’en éloigner. Bien que son cœur se serre un peu à l’idée d’avoir laissé Lionel livré à lui-même. Il n’a pas bougé depuis le départ d’Aster, les bras serrés contre son ventre, les épaules rentrées. Une posture presque fœtale. Maman l’a trop couvé, songe-t-elle. Et elle a fini par l’éloigner des autres. Enfant, elle souffrait silencieusement de cette mise à l’écart. Elle rêvait régulièrement d’un autre frère. Mais avec lui non plus, elle ne parvenait pas à tisser de lien. Elle lui tendait la main. Il ne la saisissait pas. Comme s’il refusait de la reconnaître. Au bout de la table, le visage lisse et immobile, Elisabeth semble régner en souveraine. Qui est-elle vraiment ? Qu’est-ce qui l’unissait si étroitement à sa mère ? Un détail lui échappe. La vieille femme soutient son regard, puis se détourne pour saluer Sylvie, la toute nouvelle compagne d’Antoine.
Les invités se succèdent. Pipo et sa petite amie rejoignent bientôt le groupe, accompagnés de Patricia, qu’ils sont allée chercher à la gare. Aster vient à leur rencontre et empoigne le bras de la nouvelle venue pour l’entraîner au salon. C’est pour elle qu’on a ouvert le canapé. Elle dépose dans un coin tout un tas de bagages. Elle prend encore plus de place qu’avant.
- Ça fait un bail !
Aster feint de calculer.
- C’était avant mon mariage.
- Non, j’y étais au mariage.
- Ah oui, tu as même assisté à la naissance de Lionel.
- Qu’est-ce qui t’a pris de m’inviter ? Tu t’es soudain souvenu de moi ?
- C’est Blanche qui a proposé.
- Je me disais aussi. Dis donc, c’est complètement paumé ici. Tu me fais visiter ?
Aster a quantité d’autres choses à faire, mais il cède volontiers. Il la guide dans chaque recoin, il aime ça, montrer sa maison. - C’est chouette !
- Je suis d’accord. Mais je ne pensais pas que ça te plairait.
- Tu me prends pour quoi ? Je peux aussi apprécier les choses simples.
La remarque le touche plus qu’il ne le montre.
Letour du propriétaire terminé, il l’emmène jusqu’à la terrasse, où il lui propose à boire. Elle s'extasie sur les lampes, les guirlandes, les torches : le grand jeu, quoi. Toujours exubérante, elle étreint chaleureusement Elisabeth, bien qu’elles se soient à peine côtoyées. Ensuite Blanche et Lionel. Elle embrasse tout le monde avec un entrain débordant, avant de prendre place à côté d’un échalas, pas très causant, vêtu d’un tee-shirt blanc. Ses bras maigres sont couverts de tatouages, ce qui contraste étrangement avec la fadeur du personnage. Il s’appelle Hugues-Marie. C’est le fiancé de Sophie. - Quel drôle de nom ! Et tu t’appelles comme ça depuis ta naissance ? plaisante-t-elle. Qui est Sophie ?
- La fille d’Aster, elle est assise là-bas, dit quelqu’un, à mi-voix.
- Et la mienne, précise Rachel, en saluant Tristan et Carrie Braccassi qui arrivent et qu’elle présente à la ronde.
Un couple bien sous tous rapports, qui n’inspire aucune sympathie à Aster. - Elle a l’air si jeune, commente immédiatement Carrie.
- On ne dirait pas, mais elle aura bientôt vingt et un ans.
Soudain, Alexandre est là, légèrement en retrait, les mains enfoncées dans les poches de son pantalon, le regard sur Sophie :
- Viens ! On s'arrache !
Sophie n'entend pas ce qui se dit autour d’elle. L’abondance de nourriture lui donne la nausée. Pourtant elle a faim, faim d'amour, faim d’étreintes. Alex le sait. Et si elle n’écoute pas les autres, elle écoute Alex. Et c’est à elle qu’il s’adresse. Alex, presque aussi blond qu’elle, elle a compris que nul autre ne la protégerait autant que lui. C’est alors qu’elle a arrêté de manger. Elle avait douze ans, une époque si trouble qu’elle s’en souvient à peine. Il ne reste qu’une scène précise, gravée dans sa mémoire. Sur le chemin de l’école, un homme l’importunait. Insistant, menaçant. Alex, le grand frère dédaigneux et énigmatique surgit de nulle part tel un héros, un halo doré flottant autour de son visage. « Barre-toi ! Personne ne touche à Sophie ! » Le ton impérieux de sa voix, la flamme dans ses yeux, il semblait invincible, il incarnait le prince de ses rêves. Quand était-ce arrivé ? Il la serra contre lui, il la serra de plus en plus souvent contre ce cœur battant dans sa poitrine rassurante. Il posa ses mains sur elle, ses doigts, sa bouche... Elle lui abandonna tout, son corps, son âme… Sophie aime Alex comme on aime sa première dose d'héroïne, avec la même urgence addictive, cette certitude qu’on ne revient pas en arrière. Une légère crispation, un simple geste, et elle le suit, où il veut, quand il veut, comme il veut. Alexandre la retient, comme une ancre son bateau. C’est lui qui lui a donné le chat, lorsqu’elle a dit qu’elle voulait un chat roux.
Les question fusent.
- Alors Sophie est fiancée ?
- C'est qui ton fiancé, Sophie ?
Rachel désigne Hugues-Marie. - Il est assis là-bas. Elle se marie l’an prochain
- Félicitations Sophie !
Toute la tablée est tournée vers elle, gracile, lumineuse, le visage encadré par sa longue chevelure. On l’apprécie spontanément, on lui parle, on essaye de retenir son attention. L’attrait qu’elle exerce est inexplicable, une aura de mystère qui intrigue et qui fascine. Elle a l’air si discrète, si douce. On a tendance à croire que la beauté et la bonté vont de pair. La beauté sauvera le monde, disait Dostoïevski, trompe-l’œil illusoire. En atteste l’âme noire du sublime Dorian Gray. Sophie a du mal à réaliser que les voix qui prononcent son nom ne viennent pas de nulle part. Alex est debout à quelques pas d’elle, et rien d’autre ne compte. Il a dit « Viens ! On s'arrache ! » et elle n’a que ces mots dans les oreilles. Elle rompt le silence pour répondre, avec l’impression que sa voix résonne contre les montagnes lointaines, alors qu’il ne s’échappe de sa gorge qu’un murmure : - J’arrive!
Elle se lève pour le rejoindre, indifférente à l’inquiétude manifeste de Hugues : le jeune homme est envahi d’une jalousie amère. Une angoisse odieuse lui vrille les entrailles.
- Tu as vu comment il t'a matée ? raille Alex.
- Il n’y a pas que lui.
Il la laisse passer devant, franchir la porte de la grange, cette grange devenue son domaine.
- Contente-toi de Hugues.
- Il est ennuyeux.
- Tu m'as moi, pour te distraire.
Quand elle eut quinze ans, Alex lui désigna un fiancé. Son choix se porta sur Hugues-Marie Fontignelles, qui en avait seize. Gentil et vulnérable, ce gamin ne posséderait jamais l’art d’amener les femmes à tout accepter, cet art que lui-même manie avec une habileté consommée. Il ne pèserait rien face à l'intransigeante Sophie. Alex lui mit le marché en mains : « Tu vas épouser ma sœur. » Le ciel était gris, une pluie fine tombait sans discontinuer. Hugues n’osait pas lever les yeux sur Sophie, qui ne disait rien. Il fixait la flaque d’eau dans laquelle il pataugeait, et se contenta d’acquiescer d’un signe de tête. L’adolescent était épris de sa camarade de classe. Alex le savait et s’amusait de le voir se tortiller comme un ver de terre, accroché à l’hameçon d’un pêcheur. L'amoureux éperdu, conscient de son manque d’attrait physique et de charme, saisit sa chance sans y croire. « Si vous voulez coucher, je vous file la grange », avait lancé négligemment le frère à l'adresse de sa sœur. Hugues avait rougi de confusion.
Sur la terrasse, les conversations prennent un tour plus intime :
- Ce n’est pas une bonne idée de cohabiter avec son ex, glisse Carrie à Rachel.
- Ça dépend. Si on est intelligent, s’il reste de l’affection...
- Elle a meilleur caractère depuis qu'elle n'est plus avec moi, intervient Aster.
Carrie ignore la remarque, et poursuit en baissant le ton : - Ce n’est pas sain de continuer à vivre ensemble, quand on ne s’aime plus.
Rachel ne juge pas utile de répondre.
... Ou bien, peut-être que vous ne vous aimiez plus tant que ça, en fin de compte.
- C’est possible, admet Rachel à contrecœur.
Elle se demande si Aster a un jour été véritablement amoureux d’elle. - Ça te dérange qu’il puisse se débrouiller sans toi ? Tu ne peux pas t’empêcher de le materner ?
- Mais non voyons !
- Tu n'es pas jalouse de ses conquêtes ?
Carrie esquisse un geste du menton vers Aster, sur les genoux duquel pavoise la dérangeante Angélique. La jeune fille porte un pantalon de mousseline fleurie, noué aux chevilles, et un boléro assorti. Sa chevelure soyeuse descend jusqu’aux omoplates. Elle a un visage ingrat, mais une silhouette parfaite, malgré la proéminence qui lui déforme le ventre.
Rachel n'a pas besoin de répondre, la moue qu’elle pose sur les tourtereaux est éloquente. Elle estime ridicule l’attitude d’Angélique. Mais après tout, elle a moins de vingt ans. Quoi de plus normal que de se conduire comme une gamine ? - C’est la première fois qu'il en amène une à la maison, soupire Rachel.
- Et qu'il la met en cloque, je suppose.
- C’est vrai. Une situation franchement dérangeante.
Carrie semble plongée dans une intense réflexion. - Tu mérites mieux que d’être bafouée comme ça. Ça n’a aucun sens de t’obstiner.
Elle soupire, fataliste.
… Mais tu sais, il y a beaucoup de femmes comme toi, qui préfèrent la dépendance, plutôt que de reprendre leur liberté et se retrouver seules. Tu devrais y réfléchir. Je pense que tu ferais mieux de refaire ta vie.
Rachel marque un instant de silence. Refaire sa vie. Quelle drôle de formule. Comme si on ne faisait sa vie qu’en fonction d’un homme.
- C'est trop tard, j'ai passé la cinquantaine.
- Justement, c’est le moment. Tes enfants sont élevés.
- Oui, Sophie va se marier. Et Pipo...
Elle jette un œil à son fils cadet, serré contre cette noiraude taciturne qu’elle ne supporte pas. Elle déteste sa façon de l’appeler « mon cœur ». Tu parles ! Un moyen de ne pas se tromper de prénom. Une fille qui joue l’effarouchée, mais égrène des « je t'aime » en effeuillant la marguerite. - Et l’aîné ?
- Alex n'a pas l'air prêt à se caser… Enfin je suppose, on ne sait jamais avec lui.
Rachel se lève pour distribuer les salades, la viande découpée par Antoine, et les pommes de terre cuites sous la cendre. Elle fait le tour de la table en prodiguant une parole à chacun, bien décidée à ne laisser le commandement de la maison à personne. Dès qu’elle avait posé le pied à Raspaioun, même si elle n’avait cessé de le dénigrer, elle s’y était immédiatement imposée en souveraine. Cette attitude était passée inaperçue aux yeux d’Aster, puisqu’elle était alors l’unique femme. Ce n’est qu’à l’arrivée d’Elisabeth avec Blanche et Lionel, qu’il avait remarqué ce comportement. Il s’était alors peu à peu rendu à l’évidence que ce qui l’attirait naguère le contrariait : cette énergie débordante, cette volonté de tout contrôler. Ce soir encore, elle affirme son autorité. Maîtresse des lieux, elle marche tête haute sur ses terres. Les hommes marquent leur territoire en urinant, elle délimite le sien en accueillant ses invités et en supervisant le repas. Ça ne lui plaît pas trop à Aster. Cependant, il trouve confortable de ne pas intervenir. Elle est sous son toit à lui, mais l'argent sort de sa poche à elle.
Patricia fait claquer bruyamment sa langue, quand apparaissent les plats. Elle parle fort, et aime se donner en spectacle. Sa chevelure est d’un roux flamboyant, elle fume des cigarettes roulées à la main, dont elle coupe les extrémités avec une paire de ciseaux ciselés, sortis d’une pochette dorée. Extravagante, opulente, elle respire la force et l'assurance. Ses yeux charbonneux, ses lèvres corail, ses cils recourbés comme des pattes d'insecte, lui donnent un air canaille de danseuse de cabaret. Viko, assis en face d’elle, en perd ses moyens, enivré par son parfum et son odeur affolante de femelle. À travers le chemisier transparent, il entraperçoit une pochette surprise qui abrite deux friandises au pouvoir hypnotique. Il saisit sa guitare, s’y agrippe comme à une bouée et se met à jouer. Lionel se penche vers lui et murmure à son oreille :
- Elle te plaît, la fille aux cheveux rouges ?
- Je les aime biens, ses cheveux.
- Ses cheveux, bien sûr.
Lionel esquisse un geste, ses mains en coupe devant lui, pour mimer des seins voluptueux. Il a un drôle de rire, avec un bruit de gorge, la tête rejetée en arrière. - Elle est bandante.
- Oui c'est ça... bandante.
La cuisson est terminée, la tablée a le nez dans son assiette. La viande est un peu carbonisée, mais on choisit de ne pas le remarquer. Bientôt, on apportera le dessert. Les conversations vont bon train, le vin coule généreusement. Rachel tente d'en limiter la consommation pour Aster et Viko. Sans succès. Elle finit par renoncer.
- Quelqu’un peut apporter le gâteau ?
- Il n’y en a pas.
- Ce n'est pas grave, on va chanter, déclare Patricia. Joue Viko, joue !
Conquise par le jeu de doigts du guitariste, elle sourit largement en entonnant le chant traditionnel des anniversaires, que tous reprennent en chœur. - Où est Sophie ? demande Rachel, en servant la salade de fruits.
- Elle est partie tout à l’heure, répond Blanche.
- Ça fait un moment.
- Ils ont disparu avant le repas.
- Avec Alex, précise Pipo. Je me demande...
- Eh bien, si on te demande, gamin... coupe son frère dans son dos.
Alex est debout, la chemise largement ouverte. À la lueur des torches, sa musculature prend des reflets dorés. Sophie se tient derrière lui. Hugues se détourne, mal à l’aise. - Je dis ça, je dis rien, grommelle Pipo.
- Tu ferais mieux de te taire alors, si c’est pour ne rien dire ! réplique Alex.
- Dis-moi... s’exclame soudain Patricia à l’adresse d’Aster. À l’époque où on se côtoyait, tu n’étais pas censé devenir strip-teaseur ?
Aster fronce les sourcils, légèrement décontenancé. - C’est quoi, cette histoire ?
- Quand tu faisais tes claquettes au théâtre, il paraît qu’on t’aurait proposé un rôle plus dénudé.
- C’est Eve qui t’a raconté ça ?
De l’autre côté de la table, Rachel fixe obstinément le contenu de son assiette. Carrie Braccassi lève les yeux au ciel. Patricia sourit, espiègle. - Non, c’est mon petit doigt.
- Il t’a menti.
- J’ai dû rêver alors.
Aster préfère changer de sujet : - Tu nous joues autre chose, Viko ? Ou tu préfères rester accroché aux seins de ta muse rousse ?
Viko, qui a entamé la bouteille de cognac, perd désormais toute retenue.
Il se lève et se met à piétiner sur place. Il piaffe, hennit, s’avance en remuant la tête, tourne sur lui-même. Sa maigre chevelure fouette l’air. Il souffle bruyamment, s’élance, bombe le torse, lève un pied puis l’autre. On croirait voir un cheval altier. Dans un dernier sursaut, il s’affale sur la table, les coudes en avant, envoyant valser les verres. La parade amoureuse de Viko pour Patricia, qui applaudit. Tout le monde rit, sauf Tristan et Carrie, consternés par la scène, avec sur le visage une expression de dégoût qui n'échappe pas à Aster. - Je ne vois vraiment pas ce qu'il y a d’amusant, grince Carrie en essuyant sa robe éclaboussée de vin.
- Elle m'agace, madame la demi-mondaine hystérique, grommelle Aster.
Carrie réagit instantanément. - Mon ex-belle-mère faisait pareil. Elle s’adressait à moi à la troisième personne. On fait souvent ça avec les pensionnaires des maisons de retraite.
- Bordel de merde ! lâche Aster.
- Reste poli, intervient Rachel, qui commence à s'inquiéter de la suite des événements.
- Vas-y ! Défends-les, tes péteux de bras cassés !
- Braccassi, s'il vous plaît, rectifie Tristan.
- Laisse tomber, rétorque Carrie. C'est l'éternel combat de la vulgarité contre la distinction.
Décidément, Aster n’aime pas ces Braccassi, condescendants, donneurs de leçon. Il ne voit pas ce que Rachel leur trouve, c’est nouveau ce goût pour les snobinards. Il ne digère pas qu’elle les ait conviés à son anniversaire, il regrette de les avoir laissés manger son cochon.
- Ange n'est toujours pas là, remarque-t-il tout à coup.
- C’est qui Ange ? demande quelqu’un.
- Un péquenot du coin.
- Tu l'avais invité ? questionne Rachel.
- Ça lui arrive de bouger de chez lui ? s'étonne Blanche.
- Il aura oublié.
- Il ne peut pas avoir oublié mon anniversaire !
- Tu parles ! fait Rachel.
- La peur de voir du monde, sans doute.
- On va aller le chercher, conclut Aster.
Il se lève, invite Antoine et Viko à le suivre. Il avance d’un pas vif, un peu inquiet. - Ne va pas si vite, s’exclame Viko.
- Grouille-toi, au lieu de causer.
- Je ne cause pas, je te dis de ralentir.
- On n’est pas aux pièces, bon sang ! crie Antoine, resté en arrière.
C'est bizarre d’arpenter ainsi la campagne, dans la quasi-obscurité d’une absence partielle de lune, tous les sens en éveil, sans voir, en appréhendant les bruits de façon inhabituelle. - On aurait dû prendre une lampe, grogne Viko.
Antoine se met à courir pour rattraper les deux autres.
Aster se tait, envahi par une sorte de malaise, la sensation confuse qu'un grain de sable perturbe le bon ordonnancement des choses. Dans un univers bien réglé, le jour se lève puis se couche, l’herbe pousse, les fleurs se fanent, le soleil et la pluie alternent, les saisons passent avec leur défilé de couleurs, la vie suit son rythme régulier. Les bébés naissent et les vieux meurent. Alors qu’est-ce qui le dérange autant ? Il n’est pourtant pas dans sa nature de se poser des questions existentielles. Il pense à Ange, à cette fusion inexplicable, cette communication qui n’a pas besoin de mots, ces regards qui lisent à l’intérieur. Il secoue ses épaules devenues lourdes, tandis que lui viennent des images de gens qui se pressent en foule, de voitures agglutinées sur les routes, et des odeurs de bitume, d'essence, de friture, de sueur ou de crème solaire, tout ce contre quoi Ange s'insurge.
En contrepartie, un parfum léger virevolte autour de lui, avec son message serein et rassurant, qui ne peut qu’augurer qu’il va bientôt retrouver son ami. La ferme d’Ange émerge dans la pénombre. - On y est, souffle Aster.
Il frappe deux coups secs. Rien. Le silence. À peine un bruissement de feuilles.
Leur réflexe est d’appeler tous ensemble : « Ange ! » Et leurs voix résonnent étrangement dans la nuit. Ils tournent autour de l’habitation, tentent de faire céder la porte, et décident finalement de casser un carreau. Antoine entre le premier, Aster à sa suite. Ils comprennent immédiatement la situation : le vieux paysan est étendu par terre, inconscient ou mort. Antoine s'agenouille et pose son oreille contre la poitrine muette. - Il faut prévenir quelqu'un.
- Personne n’a pris de téléphone.
- On n’a réfléchi à rien.
- Une bande de bras cassés !
- Braccassi, glousse Viko.
- Imbécile ! Tu ferais mieux de te taire, on va le réanimer. Vas-y Antoine !
- Pas la peine, il ne respire plus.
- Ange... marmonne Aster.
- Il est mort, je te dis.
Aster s’obstine, malgré tout. - Ange ! Ange !
- Le mieux, c'est de rentrer et d'appeler la police.
- Ou les pompiers.
Aster lance enfin : - Il faut l'emmener avec nous.
- Pour quoi faire ?
- On ne peut pas le laisser là, tout seul.
- Tu es fou ! On n’arrivera pas à le porter.
- Il n'est pas si lourd.
- Oui, mais il est grand.
- Et raide.
- Ce n’est pas une bonne idée. D’ailleurs normalement...
Aster n’écoute rien et saisit l’homme sous les aisselles. Antoine s’occupe des jambes. - Il n’a pas fini d’enfiler ses chaussures, remarque Viko, en s’accroupissant pour nouer les lacets, comme s’il craignait de voir le macchabée trébucher en route.
- Bordel, il pèse une tonne !
- Du nerf !
- Viko, aide-nous au lieu de t'amuser.
Viko attrape les pieds. Ils passent le seuil et capitulent, épuisés. - On en fera quoi là-bas ? s'énerve Antoine.
- Désabusé, Aster tire vainement sur les bras.
- Je ne sais pas.
- Vous allez l'esquinter, vous avez trop bu.
- On fait quoi alors ?
Aster sort une fiole de sa poche, aspire quelques gorgées et la tend à Viko, - Ivrognes ! Vous n'en avez donc jamais assez ?
- On va le remettre où il était.
Le vieil homme est de nouveau traîné sur le sol. Le pantalon roule sur les hanches, et Viko tente de le remonter. - Tu n'en as pas marre de jouer la nounou ?
- Il faut qu'il soit présentable.
Une dernière inspection. Puis, la porte claque sur le groupe qui s’éloigne.
- Il n'avait pas son porte-bonheur, dit Aster.
- C'est quoi, son porte-bonheur ?
- Une patte de lapin, il l’a toujours accrochée à la ceinture... une histoire de pattes arrière…
Aster se demande s’il convient de se hâter, conscient à la fois de la gravité de l'affaire, et de ce qu'elle ne présente plus aucun caractère d'urgence. Il essaie d'imaginer ce qu'Ange avait en tête au moment de s’écrouler sur le carrelage de sa cuisine.
... Il mettait ses godasses. Il se préparait pour venir me voir.
- Avec son costume de gala. Sûrement pour te faire honneur, commente Antoine.
- Et ses souliers vernis.
- Il a de la famille ?
- Je ne sais pas.
- Il t'a laissé un sacré cadeau d'anniversaire, ce foutu Ange. Tu t'en souviendras.
- Tu crois qu'on l'a assassiné ?
- Arrête de dire des conneries !
- J'ai un copain qui est mort comme ça, intervient Viko. Il était assis, normal, et l'instant d'après, il a dit « Je ne me sens pas bien ». Il est tombé du canapé, il s'est un peu redressé avec un bruit bizarre, comme un râle. Je n'en sais rien, je n'en avais jamais entendu, mais j'ai pensé que c'était ça, un râle. Sur le coup, j'ai cru qu'il avait envie de vomir. Il avait la tête en arrière, il ne bougeait plus, il semblait ne plus respirer, et je ne sentais pas de pouls, et ses yeux étaient complètement vides, et j'ai...
- Tais-toi, ce n'est pas le moment ! fait sèchement Antoine.
Viko trouve que c’est pourtant bien le moment. - On aurait tout de même pu essayer de le réanimer, insiste Aster. Des fois ça marche.
- C'était trop tard, je te dis.
Aster se demandera longtemps si c'était vraiment trop tard.
De retour à Raspaioun, les conversations s'interrompent à l'arrivée des trois hommes qui se dandinent, balançant leur corps raide de droite à gauche, comme des canards prêts à plonger.
- Il y a un problème ?
- Vous avez envie de pisser ?
- On dirait des sales gosses, convoqués par le proviseur.
- Vous avez fait une bêtise ?
- C'est Ange...
- C’est qui, Ange ?
- Le type qu'ils sont allés voir.
- Eh bien, parlez !
- On croit qu'il est mort.
- Vous croyez qu’il est mort ?
- Il est mort pour de bon.
Antoine réclame un téléphone, Aster vient s'épancher auprès d'Angélique, assise sur le divan des couples.
- Si j'avais su quoi faire, j’aurais pu le sauver. Antoine sait, il a été infirmier avant, mais il n'a pas essayé. Peut-être qu'il s'en fout. Ou bien qu'il a raison et qu'on n'y pouvait rien. Impossible d’avoir la réponse. C'est bien une idée d'ange ça, d'aller se brûler les ailes dans cette saloperie d'au-delà !
Il fouille dans sa poche, en extirpe un cigare, l'allume, et souffle un nuage de fumée, qui ne lui procure aucune satisfaction, mais a pour effet d’éloigner Angélique. Environ trois quarts d’heure plus tard, deux policiers se présentent ; ils posent quelques questions et repartent rapidement, avec un geste machinal de la main. Voilà, tout est fini.
Tristan et Carrie en profitent pour prendre discrètement congé. Pipo s’éclipse avec son amie. Patricia s’installe silencieusement à côté de Viko. Rachel compte ceux qui restent et prépare du café.
- Je ne vais pas boire de café maintenant. Sinon je ne vais plus dormir, se plaint Viko.
- Quand on est bien fatigué, on dort, réplique Patricia. Mais dites-moi, c’était qui exactement, cet Ange ?
- Un ange avec des ailes pour voler tout là-haut, plaisante Angélique.
- Tu ferais mieux de la fermer, rétorque Aster, agacé.
- Je ne le connaissais pas, confesse Viko.
En fait personne, à part Aster, n’a jamais vu Ange de son vivant, c’est un parfait inconnu pour les membres de la maison qui se sentent peu affectés par sa brutale disparition.
Dans la nuit bien avancée, il ne reste plus beaucoup de monde sur la terrasse encore illuminée. On entend seulement le cliquetis des tasses qu’on repose, et la voix pâteuse de Viko qui annonce qu’il va se coucher. Patricia plaque sa main contre sa cuisse et l’accompagne jusqu'à sa chambre. Elle referme la porte derrière elle, le pousse sur le lit où il s’écroule plus qu’il ne s’assoit. Il s’appuie en arrière sur ses mains, et elle pèse sur lui de tout son poids. Gêné dans ses mouvement, il s’empêtre dans son pantalon. Patricia qui a beaucoup bu, elle aussi, ne s’en formalise pas.
- Embrasse-moi, dit Viko.
- Idiot !
L'opulente poitrine de la déesse se presse contre son torse. Il suffoque avant d’entrevoir le paradis. - Doux Jésus, marmonne-t-il.
- Ça ne t’arrive pas souvent ?
- Pas trop.
Elle le renverse sur les draps, en se débarrassant de ses propres vêtements. Cela convient à Viko qui se serait inquiété de ses performances s’il n’était autant ivre. - Mais je bande, s'étonne-t-il.
- J'espère bien, répond Patricia.
Il se laisse guider sans opposer de résistance. Elle, qui n'espérait pas la lune est agréablement surprise. Il est d’une tendresse insoupçonnée et, s’il appuie au hasard sur les boutons du plaisir, il a la chance que la partition jouée sied à sa partenaire. Il est décidément bon musicien, et cette envolée de culotte résonne comme une chanson légère.

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