Chapitre 23 : Samy "La plus belle nuit."

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Au petit matin, je découvre PO blotti dans mon dos. Nos peaux nues se sont mêlées et emmêlées avec envie au cours de cette nuit fabuleuse. Juste une tendre parenthèse pour deux jeunes gens acceptant que l'on peut vivre l'amour différemment. Nous avons pris le temps de nous dévoiler à l'autre sans en rajouter, tout simplement, sans faire de bruit. Sous la pleine lune qui inondait la plage, l'ombre des deux amants a dansé, ondulant sur la grande couverture. La fatigue a eu raison de notre fougue. La brise livrée par l’océan a recouvert nos corps moites, bercés par le roulis des vagues.

Le soleil sort lentement, sonnant le réveil de cette nouvelle journée. J’attrape la main de PO. Le souvenir de ses doigts qui courent sur mes fesses me fait frissonner. Le doux rêve va prendre fin au petit jour. Pas de promesse, juste une caresse laissée pour ne pas oublier que notre histoire d'une nuit restera à jamais gravée en nous. Je me perds dans le regard de PO qui en retour m’offre un doux sourire débordant de tendresse. Je ne peux résister et calque mes lèvres sur les siennes pour un dernier baiser.

Le voyage du retour s’évapore trop rapidement dans les gouttelettes que projette le bateau. Les vagues secouent l'embarcation et me malmènent. Tout s'entrechoque dans ma tête, des questions affluent dans tous les sens. Pourquoi juste une nuit ? Pourquoi ne pas essayer de voir si ? Assis dans mon coin, je ne bouge pas, les yeux fixés sur l’horizon. Non, surtout ne pas me laisser bercer d'illusions. Le serveur ne me laisse pas indifférent, dans ses bras, j’ai vibré et me suis senti libre. Ne pas faire marche arrière, garder en mémoire que ma route ne s’arrête pas maintenant. ll ne peut en être autrement, et pourtant « juste une nuit » résonne dans ma tête, une sirène que je n’arrive pas à stopper.

Arrivés au port, nous marchons côte à côte au ralenti sentant que l’heure de se dire au revoir s’approche inexorablement. Le silence nous oppresse. PO prend l'initiative et instaure un contact. Nos doigts se croisent, se resserrent, ils ne se lâchent plus. Nous déambulons ainsi, petits automates perdus dans les rues. Devant le bar, là où hier, nous étions de parfaits inconnus, nos battements de cœur se font de plus en plus fort, et sautent un temps. Ils rythment le doute qui s’installe. La porte s'ouvre, elle nous offrant une bouffée d’oxygène dont nous avons été privés pendant tout le retour. PO m’attire au plus près.

- Merci pour tout, file maintenant sinon je ne pourrai plus te laisser partir. C'est l'heure.

En entendant ces quelques mots se déverser, mon cœur se serre dans ma poitrine. Mes jambes tremblent. Mes mains deviennent moites. Mes yeux se remplissent de larmes. J’attrape mon sac et part en direction de la cour où mon vélo m’attend. En voyant mon compagnon de route, je sais que je prends la bonne décision. Je me retourne une dernière fois, pour voir la silhouette du serveur disparaître au loin. Quand je réalise que je suis seul, je ne pense plus qu’à une chose, fuir. Je monte sur mon monture et appuie sur les pédales de plus en plus fort. Très rapidement, je manque d'air, je ne contrôle rien. Lorsque je dépasse le panneau de sortie de la ville, mon portable bipe. J’hésite après tout aucune urgence à consulter mes notifications. Pris de remords, je m’arrête sur le bord du chemin. Je grimpe sur le muret, attrape mon téléphone et découvre sur l’écran un numéro que je n’ai pas enregistré : « c’est moi PO. Pardonne-moi, je t’avais emprunté ton portable pour entrer mon numéro. Ne m’en veux pas. Et surtout ne m’oublie pas. De mon côté, je ne pourrais pas. Ainsi tu garderas un peu de moi à tes côtés pendant ton voyage et tu sauras où me retrouver si tu as envie : juste une nuit ». Je lui réponds aussitôt « Comment pourrais-je oublier ? Prends soin de toi. Regarde autour de toi, Marc n’attend qu’un geste de ta part pour t’apporter bien plus que je ne le pourrai jamais. À un jour, qui sait ».

Je me sens cruel, misérable et sans cœur. Des larmes inondent mon visage. Regretter, ce serait ignorer la nuit que j’ai vécue. Ne pas se retourner, parce que l’espoir serait à jamais perdu. Alors regarder au loin et se lancer dans une course effrénée pour perdre haleine. Prendre de la distance, pour ne pas être tenté de faire demi-tour. Fabrice m’a fait bien plus de mal que je ne l’aurais imaginé. Je ne veux pas être celui qui laissera tomber l’autre. Mon ex, m’a-t-il volé mon âme ? Cette nuit fut magique, et je ne veux en rien la changer. Petit à petit, mes pensées s’allègent, la route défile sous mes yeux, tout s’accélère, je parcours les kilomètres. Tout semble plus simple. Le paysage tisse autour de moi un cocon dans lequel je me sens de mieux en mieux.

La chaleur de ce début d' après-midi n’a aucun impact. Je pédale depuis cinq heures, sans resentir la fatigue. La seule pause que je m’impose est celle pour manger mon sandwich que j’ai acheté dans une boulangerie aux abords de Lacanau. Mon objectif : arriver à Royan avant la nuit. Je ressens le besoin de prendre de la distance, pour me protéger. Rattraper un peu le retard prit pendant ces deux jours idylliques. Au plus haut de ma forme, je m’élance sur la piste cyclable. Elle m’emmène vers mon désir le plus fou, arpenter les rues de la capitale. Je veux trouver ma place en tant que graphiste dans ce monde où les artistes se sentent libres d’exister avant tout. Une fois arrivé à la pointe de la Grave, je me présente pour embarquer sur le ferry.

Je m’appuie sur la rambarde du pont pour admirer l’océan. Les goélands sont à la fête, les volatiles s’amusent derrière le vaisseau qui avance lentement en direction des terres opposées. Mon téléphone sonne à nouveau, reconnaissant la mélodie, je m’empresse d’aller lire le message qui s’affiche : « coucou grand frère, tu me manques. Dis-moi, le dragon poursuit bien son voyage ? Est-ce qu’il a trouvé son papillon ? ». Sarah lit dans ma tête, elle semble si bien me connaître. Je m’empresse de prendre une photo pour la joindre à ma réponse : « C’est tellement joli ici aussi. Dans ce miroir bleu azur, je sème un peu de moi. Je vole de ville en ville et mon cœur se remplit de papillons à chaque rencontre. Dans une heure, je débarque à Royan. Regarde si tu vois le soleil se coucher ? ». À peine le message posté que la réponse arrive : « je suis dans le jardin avec maman et il étale ses couleurs sur les Pyrénées, c’est magnifique ». Samy ne peut le quitter à son tour du regard et prend un cliché de l’instant pour le partager avec les deux femmes de sa vie.

Le dernier message qu’il envoie avec un sourire qui se dessine sur ses lèvres est pour PO « La plus belle nuit ».

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