Madame et Mademoiselle Delaigue

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J'ouvre les yeux et me redresse. Je regarde partout autour de moi et constate que je suis dans la chambre qui m'a été attribuée dans le château du roi de l'eau. Le cadran de l'horloge fixée au mur indique qu'il est déjà quatorze heures ! Je ne me suis jamais levée aussi tard !

Je me lève en précipitation et tire sur la corde de la clochette en argent. Les deux femmes de chambre d'hier arrivent aussitôt dans la pièce et me font la révérence :

- Bonjour, Votre Majesté.

- Avez-vous bien dormi ? Vous avez besoin de quelque chose ?

- Pourquoi n'êtes-vous pas venues me réveiller plus tôt ? Avez-vous vu l'heure ? ! Je déteste me réveiller aussi tardivement !

- Veuillez nous pardonner, Votre Majesté, dit l'une d'elles en s'inclinant, mais nous n'avons fait que suivre les instructions de Sa Majesté le roi.

- Quelles instructions ?

- Il nous a demandé de vous laisser dormir pour que vous puissiez bien vous reposer après la longue journée que vous avez eu hier.

- De quoi se mêle-t-il celui-là ? grondé-je entre mes dents.

Puis je dis bien haut à l'intention des deux domestiques :

- À partir de maintenant, je veux que vous me réveillez à huit heures. Et gare à vous si je me lève plus tard . . .

- Entendu, Votre Majesté, disent-elles en choeur.

- Bien, dépêchez-vous de me préparer à présent que je commence ma journée.

Une heure plus tard, je suis lavée, habillée, coiffée et maquillée. Je me rends alors dans mon salon et y trouve une femme d'âge moyen coiffée d'un chignon à l'air strict et autoritaire. Elle se tient debout, droite comme un piquet. En me voyant entrer, elle s'approche de moi pour me faire la révérence :

- Bonjour, Votre Majesté. Je me présente : je suis Madame Delaigue, votre dame d'honneur. Sa Majesté le roi vient de me nommer à cette fonction pour vous guider lors de vos premiers temps ici.

- Ne puis-je donc pas choisir ma dame d'honneur par moi-même ?

- Vous êtes encore nouvelle à la Cour et ne connaissez personne ici. Le roi préfère donc désigner une personne de confiance et expérimentée pour tenir ce rôle.

Je pousse un soupir. Elle poursuit :

- Vous aurez la liberté de choisir par vous-même vos dames et demoiselles de compagnie.

- J'espère bien ! Bon, sortons. Je veux me promener pour profiter du soleil avant qu'il ne se couche.

Sur ces mots, je quitte mes appartements, suivie par Madame Delaigue. Les couloirs et différents salons publics du château sont pleins de courtisans et de courtisanes qui discutent entre eux ou jouent aux cartes. Ils s'inclinent tous sur notre passage, mais je les ignore. Je descends bientôt l'escalier principal pour me rendre dans les jardins. Ils se situent sur les rives du lac. L'herbe y est verte et humide. Des fleurs bleues y poussent. Les seuls points d'ombre sont quelques saules pleureurs. Le lac, quant à lui, bien mieux visible en plein jour, scintille sous les rayons du soleil. Sa surface est parsemée de fleurs de lotus. Je dois avouer que c'est magnifique ! Je regrette juste l'absence de mes fleurs préférées . . .

Je suis interrompue dans ma contemplation par la voix de Madame Delaigue :

- Votre ombrelle, Majesté. Le soleil est encore puissant malgré l'approche de l'automne et il ne faudrait surtout pas qu'il abîme votre teint.

- J'ai pour habitude de profiter pleinement des bienfaits de cet astre céleste, sans l'intermédiaire d'une quelconque ombrelle.

- Les usages sont différents chez nous et vous devez vous y faire, dit-elle en me tendant l'ombrelle bleue avec insistance.

- Je suis la reine et vous me devez obéissance ! Si je vous dis que je n'ai pas besoin de votre ombrelle, vous n'avez pas à insister, vous m'entendez ? !

Je lui crie ces mots en lui lançant un regard plein de colère. Elle fronce légèrement les sourcils, comme le ferait une personne contrariée, en rétorquant :

- Votre statut de reine ne vous permet pas de faire ce que bon vous semble. Je vous dois certes obéissance, mais vous devez de votre côté respecter les usages de votre nouveau pays. Prenez donc cette ombrelle, cela ne vous coûtera rien . . .

Agacée, je me sers de ma maitrise du feu pour envoyer une flamme sur l'objet qu'elle me tend. L'ombrelle est immédiatement réduite en cendres, que Madame Delaigue lâche en sursaut. Elle s'exclame ensuite :

- Voyons, Votre Majesté ! Vous auriez pu mettre le feu aux jardins !

- La prochaine fois que vous me contrariez, c'est à vous que je mettrai le feu !

Je m'éloigne ensuite à grands pas, laissant derrière moi une femme scandalisée.

Je retourne dans le château et remonte l'escalier principal. Cette stupide dame d'honneur m'a coupé l'envie de me promener !

En passant dans le salon de musique, j'entends une douce mélodie m'envahir. Le son est calme, doux et pur. Il m'apaise aussitôt. Je tourne la tête vers l'origine de cette musique et vois alors une jolie jeune femme aux longs cheveux bleutés qui tombent en cascade jusqu'à ses hanches. Elle est vêtue d'une longue robe bleue brodée de fleurs blanches et frotte délicadement les cordes de sa harpe, yeux fermés.

Je reste là, debout, à écouter le son mélodieux que produit son instrument. Lorsqu'elle termine, elle est applaudie par son audience. Je demande de mon côté à un homme qui se trouve non loin de moi :

- Qui est cette personne ?

- C'est Ondine Delaigue, la fille de la Duchesse.

Tiens donc, la fille de Madame Delaigue. Je trouve pourtant qu'elle ne ressemble pas du tout à sa mère si ce ne n'est la couleur bleutée de ses cheveux. Son visage est bien plus doux et agréable que celui strict et sévère de la Duchesse.

"L'une a le don de m'énerver, tandis que l'autre a celui de m'apaiser. Voilà qui est amusant !" pensé-je en quittant le salon de musique pendant que la jeune femme remercie ses auditeurs avec un doux sourire.

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