Une triste nouvelle

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Les jours passent, puis les semaines et nous n'avons toujours aucune nouvelle de nos combattants. Je tente de ne pas y penser en me plongeant dans mon travail d'administration du château et du royaume, mais ce n'est pas facile. Mes pensées finissent toujours par revenir à lui . . .

L'ambiance à la Cour s'est dégradée depuis leur départ. Nous faisons de notre mieux pour continuer à vivre normalement, mais il règne constamment une atmosphère lourde et pesante : celle de l'inquiétude et de l'angoisse.

Le moral de ma dame d'honneur et de sa fille aussi semblent impactés par la situation. Elles affichent une expression grave depuis la reprise de la guerre. C'est sans doute parce que cela leur fait penser au Duc Delaigue, qu'elles ont perdu au combat. J'entends souvent la duchesse prier en marmonnant pour le salut de nos guerriers. Je prie intérieurement avec elle.

Ondine tente de nous distraire avec ses jolies mélodies, mais elles ne sont pas aussi efficaces qu'à l'accoutumée. Je ne parviens pas à me détendre en les écoutant. Je suis constamment en prise à l'inquiétude et à la crainte, à tel point que je ne dors presque plus et que les quelques heures de sommeil que je parviens à m'accorder sont toujours agitées.

Ce n'est pourtant pas la première fois que je vis une situation similaire. L'empereur du feu s'absentait aussi pour mener ses troupes à la guerre lorsque j'étais plus jeune, mais je ne m'inquiétais jamais pour lui. J'ai toujours eu de lui l'image d'un homme grand, fort, imposant et invincible. Il est considéré par tous les habitants de l'empire du feu comme un héros et il ne m'est jamais venu à l'esprit qu'il puisse perdre ou mourir au combat. C'est sans doute pour cela que j'attendais son retour sans crainte.

En revanche, avec Kaï, c'est différent. Il est certes fort, courageux et plein de qualités, mais j'ai aussi été témoin de ses défauts. Je suis devenue si proche de lui que je sais que c'est un homme sensible et qui peut faire des erreurs et c'est justement pour cela que je me fais tant de soucis pour lui. Je crains qu'il ne fasse une erreur qui lui soit fatale. Je n'ai jamais eu de lui l'image d'un héros infaillible, mais celle d'un être humain doté de coeur et une telle créature peut mourir à n'importe quel instant, je le sais. C'est la raison pour laquelle je ne peux m'empêcher de craindre pour sa vie, bien que j'espère de tout mon coeur qu'il revienne sain et sauf.

Trois semaines s'écoulent, durant lesquelles chacun prie de toutes ses forces pour que les nôtres rentrent vivants et victorieux. Je suis assise dans mon salon avec Madame Delaigue et sa fille, lorsqu'on toque à la porte. Je me tourne vers cette dernière et dis à voix haute :

- Entrez !

Un homme du Conseil fait son apparition. Il a le visage pâle et est tout essoufflé. Une boule se forme dans mon estomac. J'ai un mauvais pressentiment . . . Je demande au ministre :

- Qu'y a-t-il, Monsieur ?

Il plonge son regard dans le mien. Je lis le désarroi dans ses yeux bleus, tandis qu'il m'annonce :

- Notre flotte a coulé ! Elle a été entièrement anéantie par l'armée de l'empereur du feu !

Mes grands yeux noirs s'écarquillent sous le choc de la nouvelle et je me mets à trembler. Ma dame d'honneur laisse tomber sa tasse, qui se brise en mille morceaux sur le sol et Ondine lâche un hoquet de surprise en mettant sa main devant sa bouche, horrifiée par la nouvelle. Je demande d'une voix tremblante au ministre :

- Vous en êtes sûr ? Il ne reste aucun survivant ?

- Ce sont les habitants du village qui fait face à la mer où se déroulait la bataille qui ont tout vu et qui ont propagé la nouvelle jusqu'ici. Nous ne sommes pas encore allés vérifier, mais ils déclarent qu'aucun survivant n'est venu trouver refuge dans leur village.

Non . . . Ce n'est pas possible . . . Il ne peut pas . . . Il m'a promis de rentrer sain et sauf !

Je sens les larmes me monter aux yeux, mais je les refoule et ordonne au noble :

- Vous devez aller vérifier s'il ne reste vraiment aucun survivant !

- Oui, nous irons voir lorsque la zone sera à nouveau sûre.

Il m'adresse une révérence, puis quitte mes appartements. De mon côté, je me lève et quitte le salon pour aller m'enfermer dans ma chambre à coucher, avec Otter pour seule compagnie. Je me jette sur mon lit et éclate en sanglots, ne pouvant les retenir plus longtemps.

Je ne peux pas . . . Je ne peux pas y croire . . . C'est trop injuste ! Pourquoi ? ! Pourquoi ? !

La petite loutre, sentant que je me sens mal, vient se blottir affectueusement contre moi. Je la serre dans mes bras en lui murmurant :

- Merci, Otter. Tu es vraiment une bonne petite bête.

L'animal se contente de gémir doucement, visiblement touché par ma détresse. Je le serre contre moi, émue par sa gentillesse et sa grande sensibilité.

J'entends bientôt toquer à la porte. Les voix d'Ondine Delaigue et de sa mère me parviennent à travers le saphir :

- Votre Majesté ! Ouvrez-nous, je vous en prie !

- Nous comprenons votre ressenti, ajoute la duchesse. Croyez bien que nous sommes tout aussi affligées que vous par cette triste nouvelle, mais vous ne devez pas rester seule dans un tel moment.

- Nous sommes là pour vous, Votre Majesté. Nous souhaitons vous apporter soutien et réconfort.

- C'est bien gentil à vous, leur répondé-je, mais vous ne pouvez rien faire pour me réconforter.

- Vous ne nous avez même pas laissé une chance d'essayer, rétorque la jeune femme.

Je pousse un soupir et vais leur ouvrir, puis leur demande :

- Que pouvez-vous faire ?

La jeune Ondine s'approche de moi et déclare :

- J'ai bien une idée, mais je ne sais si ce serait approprié . . .

- Allez-y, je vous donne carte blanche, lui autorisé-je, curieuse de savoir ce qu'elle a derrière la tête.

Elle s'approche encore un peu plus et me serre dans ses bras. Je me fige, surprise. Je ne m'attendais pas à un tel comportement de sa part. Elle murmure :

- Je suis désolée si c'est contre l'étiquette, mais dans ces moments-là, n'importe quel individu a besoin de chaleur humaine, qu'il soit de sang royal ou non.

Je souris doucement, touchée par ses paroles pleines de coeur et de sagesse et lui rends son étreinte en fermant les yeux. Sa longue chevelure bleutée dégage une bonne odeur de fleurs de lotus. Contre toute attente, son câlin est vraiment agréable.

En rouvrant les yeux, je constate que ma dame d'honneur nous regarde en souriant, attendrie. C'est vraiment étrange de la voir sans son air sévère pour une fois, mais ce n'est pas une mauvaise chose, bien au contraire.

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