Une vie plus précieuse que toutes les autres

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Une troupe est partie sur le lieu de la tragédie pour vérifier s'il reste des survivants. Nous prions tous que ce soit le cas. J'ai le coeur brisé à l'idée qu'il puisse être mort, je ne le supporterai pas ! Nous attendons tous avec impatience le retour de cette équipe, mais les jours passent et nous n'avons toujours aucune nouvelle. Je commence à me demander si eux aussi n'ont pas été attaqués par l'armée de l'empire du feu.

L'été arrive, mais l'équipe envoyée en reconnaissance n'est toujours pas de retour. Il est devenu évident pour toute la Cour que l'armée adverse a éliminé tous nos hommes, parmi lesquels le roi de l'eau et même moi qui ne voulais pas croire en sa mort commence à désillusionner.

Aujourd'hui, comme tous les jours depuis le départ du roi, je suis debout sur mon balcon, observant l'horizon dans l'espoir de les voir revenir. Le soleil se couche lentement, teintant les jardins et le lac de sa lueur orangée. Le paysage est vraiment splendide, mais vu les circonstances, je n'ai pas le coeur à l'admirer.

"Cesse donc de te faire des illusions. Kaï est mort avec ses soldats, sans quoi il serait revenu depuis longtemps, maintenant. Tu ferais mieux d'accepter cette idée si tu ne veux pas te compliquer les choses." pensé-je en soupirant.

Je sens les larmes me monter aux yeux et je les ferme pour tenter de les contenir. C'est alors que j'entends des bruits de pas et des voix. Ces sons attirent mon attention et je rouvre les yeux pour voir arriver une grande troupe d'hommes à pieds.

Ils semblent sales et épuisés, mais bien vivants et je reconnais Kaï qui marche en tête. Mes yeux s'écarquillent de joie et d'incrédulité et un grand sourire se dessine sur mon visage. Je retourne à l'intérieur en criant :

- Ils sont là ! Ils sont de retour !

Je passe devant ma dame d'honneur et sa fille, qui me regardent m'éloigner avec des yeux ronds, l'étonnement se lisant clairement sur leurs visages. Cependant, je ne m'en préoccupe pas. Je n'ai qu'une idée en tête : rejoindre Kaï.

Je traverse le couloir et descends l'escalier principal en courant. J'arrive dans les jardins au moment où ils franchissent les portes de la demeure et me jette dans les bras de mon époux en m'exclamant :

- Tu es là ! Tu es enfin revenu ! Oh, je suis si heureuse !

Il m'entoure de ses bras en titubant un peu sous mon poids. Nous restons ainsi, serrés l'un contre l'autre, tandis que les autres habitants du château sortent petit à petit pour accueillir leur souverain et ses soldats dans des applaudissements et des cris de joie.

Je m'écarte de lui pour plonger mon regard dans le sien. Il me sourit tendrement, comme à l'ordinaire, mais je peux voir à l'humidité de ses yeux qu'il est ému.

La voix de ma dame d'honneur nous parvient :

- Oh, les esprits de la mer soient loués ! Nous vous croyions tous perdus ! s'exclame-t-elle, émue et soulagée à la fois.

- Oh, vous nous avez si vite enterrés ? demande mon époux sur un ton mi-sérieux, mi-taquin.

- C'est que nous sommes restés si longtemps sans nouvelles de vous ! ajouté-je. De plus, nous avons entendu que votre flotte avait été entièrement décimée !

- C'est vrai, tous nos bâteaux ont coulé et nous avons perdu beaucoup d'hommes, mais nous avons heureusement réussi à nous en sortir.

- Comment ? demandé-je, curieuse de comprendre ce qui s'est passé.

- C'est une longue histoire. Je vous la raconterai tout à l'heure. Pour l'instant, nous devrions tous nous reposer. La bataille a été longue et acharnée.

Sur ces mots, chacun rentre à l'intérieur pour se nourrir, s'abreuver, se laver et dormir.

Quelques heures plus tard, alors que je suis assise sur mon lit en chemise de nuit, un livre entre les mains, on toque à la porte. Je me tourne vers cette dernière et hausse la voix :

- Entrez !

Le roi de l'eau fait son apparition. Il me demande :

- Est-ce que je vous dérange ?

- Non, pas du tout, le rassuré-je.

- Bien, dit-il en s'approchant.

Il s'installe à côté de moi sur les draps bleus. La fenêtre qui nous fait face est ouverte, pour rafraichir la chambre en cette chaude nuit d'été. La brise agite les fins rideaux couleur azur et les étoiles brillent de mille feux dans le ciel obscur.

Kaï contemple cette vue pendant quelques secondes, avant de se tourner vers moi pour me dire :

- Vous m'avez beaucoup manqué durant ces longues semaines. Je pensais à vous jour et nuit.

- Et moi donc . . . lui avoué-je.

- Je suis désolé de vous avoir causé autant d'inquiétude.

- Ne vous excusez pas, vous n'y êtes pour rien.

Il me sourit, puis déclare :

- Laissez-moi vous raconter comment nous avons survécu à l'attaque de l'armée de l'empire du feu, comme je vous l'ai promis tout à l'heure.

- Je vous écoute . . .

- Nous étions tous sur des bâteaux de guerre, prêts à affronter la flotte de l'empire du feu, qui approchait inexorablement de nous. Ils nous ont assaillis de boulets de canons, mais ce qui nous a surpris, c'est qu'en un tir, ils ont touché la moitié de nos navires ! Je me suis alors rendu compte qu'ils étaient bien plus lourdement armés que nous, sans doute préparaient-ils cette guerre depuis longtemps . . . Quoiqu'il en soit, j'ai compris que s'ils tiraient une seconde fois, nous étions tous fichus. Nous n'avions que quelques minutes pour agir, mais au lieu d'ordonner à mes hommes de contre-attaquer, je leur ai demandé de descendre des bâteaux par la poupe afin de ne pas être vus de l'ennemi. Nous avons tous plongé dans l'eau et à peine ai-je sauté à mon tour dans la mer que notre adversaire a tiré une seconde fois, faisant couler tout ce qui restait de nos navires de guerre. Nous avons nagé jusque sous les bâteaux ennemis et nous sommes servis de notre maitrise de l'eau pour faire couler leurs embarcations en créant des vagues hautes et puissantes. Nous avons réussi et sommes retournés sur la terre ferme, croyant en avoir fini avec cette bataille. Cependant, nous nous trompions lourdement. En arrivant sur la plage, nous avons constaté qu'une cavalerie de la nation ennemie nous attendait là. L'empereur du feu était en tête de cette troupe. En fait, pendant que nous combattions la flotte de l'empire du feu, l'une de leurs embarcations, plus petite et donc pouvant se camoufler derrière les hautes vagues, nous a contournés pour débarquer à terre et massacrer nos chevaux qui nous y attendaient, ainsi que l'homme chargé de les garder. Ils savaient que nous avions l'avantage en mer grâce à notre maitrise de l'eau et se sont donc préparés à l'éventualité que nous fassions couler leur flotte. Une terrible bataille s'est engagée sur cette plage. J'ai heureusement eu l'idée de déstabiliser leurs montures en nous servant de notre pouvoir pour les arroser, mais cela n'a fait que retarder la confrontation. J'ai éliminé plusieurs soldats ennemis à l'aide de mon épée, avant d'affronter votre paternel. C'est un guerrier redoutable. Nous étions clairement en désavantage numérique et je craignais sérieusement que nous ne nous fassions tous tuer. J'ai alors donné l'ordre de repli, en me disant qu'il valait mieux nous réorganiser et élaborer une nouvelle stratégie si nous voulions nous en sortir. Nous avons tous couru en direction du fort qui se trouvait à quelques mètres de nous et nous y sommes réfugiés. Nous n'étions plus bien nombreux et, le bâtiment n'ayant pas été préparé à cette bataille, il n'y avait pas beaucoup de muntions, ni de provisions. Nous savions que nous ne tiendrons pas plus de quelques jours. J'ai essayé de profiter de ce cours laps de temps pour élaborer une nouvelle stratégie, mais comme nous ne pouvions pas appeler de renforts, ni attendre longtemps, le dernier recours qui s'offrait à nous était l'offensive. Cependant, nous n'avions pas beaucoup de munitions et nous ne pouvions donc pas nous permettre de les gaspiller. J'ai donc décidé d'attendre en observant de loin l'armée de l'empire du feu, espérant y détecter une faille ou une faiblesse à exploiter, mais je n'ai rien trouvé. Ils s'étaient bien préparés à cette guerre contrairement à nous. Les soldats commençaient à désespérer, craignant de tous mourir ici. Je faisais de mon mieux pour les motiver et leur redonner espoir. Heureusement, cette situation n'a pas duré car quelques jours plus tard, l'équipe envoyée en reconnaissance est arrivée. Elle était armée car elle s'attendait à tomber sur l'ennemi en cours de route. Je leur ai fait signe de loin d'attaquer l'adversaire sans plus attendre, tandis que de notre côté, nous les bombardions de boulets de canons. L'armée de l'empire du feu ne s'attendant pas à une telle offensive de notre part, ils furent déstabilisés et ont fini par retourner à leur embarcation pour fuir. Nous avons attendu encore un peu afin de nous assurer qu'ils ne reviendraient pas trop vite, puis nous sommes rentrés. Le voyage du retour nous a demandé beaucoup de temps car la majorité de nos effectifs n'avaient plus de chevaux et ont donc dû effectuer ce trajet à pied.

J'écoute tout son récit avec attention et, lorsqu'il finit, je pousse un soupir de soulagement et déclare :

- Je suis vraiment heureuse que vous ayez enfin pu rentrer ! Je suis vraiment désolée pour tous les hommes que vous avez perdu, mais pour moi, c'est votre vie qui compte plus que celle des autres. C'est pourquoi je tiens à ce que vous fassiez tout ce qui est en votre pouvoir pour la préserver, quitte à sacrifier celle de tous vos soldats. Vous pouvez même sacrifier le monde entier si c'est nécessaire à votre survie !

Il me regarde avec des yeux ronds de surprise. Je souris et ajoute :

- Je sais, ce que je viens de dire est complètement insensé et égoïste, mais je m'en fiche. Votre vie n'a pas de prix à mes yeux.

Il rit et déclare :

- Non, je ne vous reproche pas vos paroles puisque je ressens la même chose. Votre vie compte bien plus que toutes les autres pour moi et je suis prêt à tout pour la préserver.

En disant ces mots, il pose délicatement sa main sur ma joue et vient presser ses lèvres contre les miennes. Je passe mes bras autour de son cou. Cette sensation m'avait manqué.

Le roi de l'eau ne me quitte que le lendemain matin.

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