Chapitre 1 : Les Couleurs de l'Innocence
Je regardais autour de moi et les couleurs n'avaient jamais été aussi vives. Le monde semblait baigné dans une lumière dorée, irréelle, que je n'avais jamais vue auparavant. C'est comme si quelqu'un avait soudainement augmenté la saturation de la réalité. Les feuilles des arbres dansaient dans une brise que je ne sentais pas, créant un ballet silencieux au-dessus de ma tête. Tout semblait trop beau pour être vrai. Comme ces rêves dont on ne veut pas se réveiller. Dans ce décor enivrant, je sentais enfin l'extase du soulagement : la douleur qui avait jadis alourdi mon corps se dissolvait en un murmure, cédant la place à une sérénité infinie et à une paix que je n'aurais jamais osé imaginer.
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Quelque chose attira mon regard, une présence légère à la lisière de ce monde doré.
Alors je la vis.
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Elle était là, exactement comme dans mes souvenirs. Sa petite robe blanche, ses boucles brunes, son rire cristallin. Un an. Elle avait toujours un an. Douze années s'étaient écoulées, mais elle était restée figée dans cet instant parfait de l'enfance, comme une photographie préservée dans un album précieux. Mon esprit vacillait. La joie et l'incompréhension s'entremêlaient dans une étrange danse. Ce n'était pas possible. Et pourtant...
Mon coeur aurait dû s'emballer. Il aurait dû battre à tout rompre dans ma poitrine. Mais il ne battait plus.
Ce détail m’effleura. Je refusai d'y penser. Pas maintenant.
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Le monde autour de moi vacilla. La lumière commençait à fondre, remplacée par l'éclat froid d'une autre réalité. Comme un voile qui se déchirait, la scène se transforma, laissant place à une vérité brutale. Tout bascula.
Je me vis, étendue sur ce lit d'hôpital, ma peau déjà trop pâle contrastant avec les draps blancs. Teddy, ma fille, était là, effondrée sur mon corps encore tiède, ses épaules secouées par des sanglots silencieux. Vingt-quatre ans. Elle avait maintenant vingt-quatre ans, le même âge que moi lorsque je l’avais mise au monde.
Et c'est à cet instant que j'ai compris.
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Meredith. Ma petite étoile. Aussi lumineuse que dans mes souvenirs.
Son rire cristallin résonna comme un écho perdu dans le temps, et pendant une seconde, je sentis la paix m’envahir. Elle leva sa petite main vers moi, un geste simple, mais chargé d’une tendresse infinie.
Je regardai mes deux filles — l'une figée dans une éternelle innocence, l'autre portant déjà le poids de trop de pertes dans sa courte vie — et je sus que ce n'était pas la fin. La mort n'était qu'un autre commencement, une nouvelle façon d'aimer, de vivre et de protéger.
Quelque chose dans l’air changeait. Un frisson imperceptible, une certitude qui s’ancrait au creux de mon âme.
Teddy aurait besoin de nous.
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