Chapitre X (1/2)

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Le lendemain, je me réveillai à l’aube. Moi qui avais toujours été une insatiable dormeuse, j’avais cette fois trop de choses qui se bousculaient dans ma tête pour ne pas m’agiter un peu ! Orcinus dormait près de moi, tunique blanche ouverte sur le torse, bandeau noir posé sur les yeux. Il ressemblait à un pirate qui n’aurait pas encore bien assimilé la tenue traditionnelle de la profession ! Mais je dois avouer qu’il était beau, bercé dans les lumières rasantes du petit matin et dans l’abandon de son sommeil. Je n’avais envie de rien moins que du contact d’un garçon sur ma peau, mais j’avais des yeux pour voir… Orcinus était joli garçon, même si je n’avais pas oublié la spontanéité avec laquelle il s’était moqué de moi dans la grande salle du château.


Mais ce n’était pas le moment de me montrer rancunière, et quand je le sentis remuer un peu, j’accrochai sur mon visage mon plus grâcieux sourire. Il s’étira doucement, se pencha du côté opposé, souleva son bandeau pour mettre quelque chose sur ses yeux, puis l’ôta et se tourna vers moi pour me saluer. Trois secondes plus tard, il était debout, habillé, opérationnel, et me tendait la main pour m’aider à me relever et surtout, me conduire à leur capitaine.


Nous traversâmes cette pièce tout en longueur qui, à la lumière du jour, semblait être la voilerie, puisqu’il y avait partout des pièces d’étoffes, des aiguilles de taille impressionnante, et d’autres accessoires dont j’ignorais l’usage aussi bien que le nom. Nous remontâmes sur le pont, les premiers rayons du soleil donnaient à la mer une teinte rosée aux reflets d’or, c’était magnifique ! Je m’immobilisai une seconde, mais Orcinus me pressa de reprendre la marche et je le suivis.


A l’arrière du bateau, nous empruntâmes une échelle de corde pour atteindre une sorte de plateau, entouré d’un solide bastingage, sur lequel se trouvaient le gouvernail, le banc de quart et leur capitaine. Au lieu du vieux loup de mer auquel je m’attendais, je me trouvai nez-à-nez avec une femme d’une quarantaine d’année au sourire franc, aux ridules bienveillantes, aux yeux intenses comme l’océan et dont les cheveux longs formaient une tresse noire qui lui descendait jusqu’aux hanches. Elle échangea quelques phrases avec Orcinus, auxquelles évidemment je ne compris rien, mais son regard me fixait, me jaugeait, comme si elle cherchait sur mon visage des réponses aux questions qu’elle posait, en parallèle, à mon compagnon de paillasse. Puis elle me fit face et s’adressa à moi dans un champarfaitois légèrement traînant.


« - Bonjour, Lomu. Je suis Rutila, capitaine navigante de ce bateau. Orcinus me dit que tu t’es enfui de Champarfait ?

- Eh bien, je me suis enfui de chez moi, oui… Mais je ne voulais pas embarquer avec vous ! Je me suis caché pour laisser passer une patrouille…

- Il a passé deux nuits dans l’une des caisses de lin, intervint Orcinus. Je l’ai trouvé par hasard, après mon inspection du grand hunier. Le mal de mer l’avait forcé à sortir sur le pont, j’ai failli lui marcher sur la tête en redescendant du mât.

- Bien, reprit Rutila. Nous sommes en pleine mer, nous ne pouvons pas faire demi-tour pour te ramener à terre sans perdre un temps précieux. Maintenant que tu es là, autant que tu y restes ! Ce n’est pas la fuite d’un garçon de cuisine qui nous attirera des ennuis.

- …

- Par contre, je n’ai plus de bateau-lit disponible, il faudra te débrouiller.

- Un bateau-lit ?

- Je te montrerai ce que c’est, répondit Orcinus. Capitaine, si tu en es d’accord, Lomu peut dormir avec moi dans la voilerie ? Il y a assez de place pour faire une autre paillasse, derrière le mât.

- Parfait, approuva Rutila. Mais ce n’est pas tout. Lomu, si tu veux rester ici, tu vas devoir apprendre notre langue. Et te rendre utile.

- Oui, mais… Comment ?

- Tous les Lointains occupent deux emplois en alternance, l’un quand nous sommes en navigation, l’autre quand nous sommes à quai. Orcinus t’expliquera… Que sais-tu faire ?

- Euh, rien.

- La cuisine, au moins ?

- Oui, affirmai-je en rougissant de ma propre gaffe. Mais je ne suis que commis.

- Bon. A terre, tu seras donc aide-cuisinier. Comme ça, tu n’auras pas besoin de te montrer quand nous serons en escale, si tu veux continuer à te cacher. Et en mer… Ma foi, nous allons te tester et je déciderai plus tard.

- D’accord.

- Maintenant, disparaissez, tous les deux. Lomu, bienvenue à bord. Travaille, obéis, et tout se passera bien. Orcinus, je te charge de lui expliquer notre mode de vie et de l’aider à s’intégrer. Présente-le à tout le monde. Et amène-le à Milos, pour qu’il soigne ses mains et ses jambes. Allez, à plus tard. »


L’entretien était terminé, la capitaine vaqua à ses occupations tandis que je suivis, aussi dignement que possible, Orcinus pour redescendre jusqu’au pont par l’échelle de corde.

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