Chapitre XIX (2/2)

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Je n’allais pas tarder à le savoir, puisque nous arrivâmes en vue de notre prochaine halte. C’était une ville perdue tout au nord du royaume d’Héliopolis, dont le nom était imprononçable et la population très éloignée du reste du monde. Cette région était couverte de rochers noirs et de lichens bleutés. Rien d’autre ne semblait y pousser, et l’élevage de moutons était la seule richesse locale. Les maisons étaient de belles bâtisses longilignes, alignées contre les vents dominants, dont les volets étaient peints de couleurs vives. Le ciel était bleu et sec, mais le soleil semblait plus pâle que dans le Sud.

Heureusement, la capitale assurait un ravitaillement régulier par la mer. La population ne manquait donc de rien, à part de distractions… Et nous étions là pour ça.

Nous installâmes donc, sur les rives de ce petit port très tranquille, la scène du théâtre et la billetterie. Quand tout fut prêt, nous étions tous épuisés et affamés et nous investîmes le réfectoire dans un joyeux capharnaüm. Puis le calme retomba… L’eau était calme comme un miroir, la nuit était douce, les bateaux-lits étaient sages comme des images, amarrés tout autour du bateau-mère sans qu’une seule vaguelette ne vienne les chahuter. Une fois que tout le monde se fut retiré dans ses pénates, à part le veilleur au pied de la coupée et quelques noctambules qui discutaient sur le pont, le silence s’installa.

Je restai quelques minutes à admirer les étoiles, puis je rejoignis la voilerie sur la pointe des pieds. Orcinus ne dormait pas encore, j’apercevais la lueur de sa chandelle à travers la cloison. Et il n’était pas seul, car je devinais des chuchotements, légers comme le sommeil d’un enfant. J’enfilai ma tunique de nuit, m’efforçant d’ignorer les activités nocturnes de mon voisin, et je me laissai tomber sur ma paillasse pour lire un peu.

Une dizaine de minutes plus tard, les murmures s’éteignirent, j’entendis une porte grincer et on frappa à ma porte. Je me concentrai pour prononcer « Entrez ! » avec un accent Lointain à peu près correct. Et je vis une silhouette féminine, souple et délicate, avancer sur la pointe de ses pieds nus, vêtue d’une robe claire qui reflétait la nuit de mille et un reflets d’argent. C’était Ventura, l’officière de navigation, arborant ce qui serait son costume de scène pendant les représentations de la nouvelle pièce, dès le lendemain. Orcinus avait donc fait un double de la robe qu’il m’avait offerte pour une autre fille… Sympa.

Elle s’excusa de me déranger et m’expliqua à mi-voix qu’elle avait besoin de son porte-plume qu’Orcinus avait laissé dans la voilerie. Je lui fis signe de se servir, elle s’exécuta et ressortit, en laissant ma porte à moitié ouverte. De sorte que je l’entendis retourner dans la minuscule pièce voisine, où les murmures reprirent. Il y eut quelques éclats de voix plus appuyés, quelques bruits indistincts… Puis la porte grinça de nouveau et elle repartit vers l’échelle menant sur le pont.

Seule.

Mais force était de constater que c’était une bien jolie fille, qu’elle portait la fameuse robe couleur de lune avec une élégance presque mythologique, et qu’Orcinus devait vraiment bien la connaître pour partager avec elle, même temporairement, cette espèce de placard dans lequel il avait élu domicile…

Et je passai tout le reste de la nuit à essayer de me convaincre que cela m’était parfaitement égal.

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