Chapitre XXIX (2/2)

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(Lumi) - Pourquoi dis-tu cela ?

(Orcinus) - Parce que je t’ai fait peur. Plusieurs fois.

- Non… Enfin, si, mais ce n’était pas toi.

- Ah si, je t’assure que c’était moi !

- Je ne t’avais pas entendu arriver. C’est ton ombre qui m’a fait peur. Pas toi.

- Tu as réagi comme si tu craignais pour ta vie, pas juste un sursaut de surprise. Deux fois.

- Tu veux vraiment savoir ?

- Je voudrais savoir ce que tu as envie de me dire. Si tu as envie de me le dire.

(Je me levai en silence et fis quelques pas dans la pièce, les yeux rivés sur les merveilles de la nature qui flottaient devant mes yeux, le cœur battant comme un œil de cyclone. Puis je m'approchai du lit et, restant debout devant lui, je regardai Orcinus droit dans les yeux.)

- C’est Rotu…

- Rotu ?

- Après notre mariage. En public, il se montrait gentil et poli. Mais dès que nous étions seuls, il était complètement différent. Violent. Dès le premier soir, il m’a… Il m’a forcée. Il me tenait le bras très fort, il me faisait mal, il m’a plaquée la joue contre le mur. Et il m’a… prise… comme ça. J’ai saigné de partout… Mais je n’ai rien dit, à personne. Le lendemain, il a recommencé. Le jour d’après aussi… C’était de pire en pire, il était de plus en plus violent. Je n’étais plus qu’un genre de serpillère ou de torchon. Un truc qu’on jette et qu’on reprend comme on veut. Mais le pire, tu sais, c’étaient ses sourires innocents le lendemain, au déjeuner, devant la reine et toute la cour. Quand je pense que j’étais contente de l’épouser ! Je le trouvais gentil, je lui faisais confiance…

- C’est pour ça que tu t’es enfuie ?

- Oui.

- …

- …

(Il tendit la main pour attraper mes doigts qu’il serra avec une grande douceur, qui était peut-être due à son état de fatigue généralisée autant qu’à sa délicatesse.)

- Je suis désolé que tu aies vécu cela. Et je suis désolé de t’avoir fait peur, aussi.

- Tu n’as rien fait de mal, Orcinus. Et je te rappelle que tu ne dois pas bouger ! Même pour consoler les jeunes filles.

- C’est un cas de force majeure, là… En tout cas, je suis désolé quand même. Moi comme un imbécile, j’ai cru que c’était parce que tu étais une princesse ! Que tu ne voulais pas… fréquenter un pauvre type comme moi.

- Tu as cru que je me prenais pour je-ne-sais-quoi ? Que je me sentais au-dessus de toi ?

- Quelque chose comme ça, oui.

- N’importe quoi ! Et puis je ne suis pas une princesse. Mon père n’est même pas noble. Tu vois, je ne suis au-dessus de personne.

(Il sourit d’un drôle d’air de filouterie)

- Un peu, quand même…

- Quoi ? Pourquoi ?

- Parce que tu restes debout en face de moi, alors que je ne peux même pas me lever. De fait, tu me prends un peu de haut, là !

(Je lui rendis son sourire ainsi que sa main, et je m’allongeai près de lui).

- Comme ça, ça va ?

- C’est parfait.

- …

- …

- D’ailleurs, tu ne risques rien. Je peux à peine remuer les orteils ! »

Il s’installa plus confortablement sur le dos et je me tournai vers lui pour le regarder.

J’étais troublée… Et malgré mon inexpérience en la matière, il me semblait que je n’étais pas la seule. Je posai la main sur son flanc, il tressaillit. Sa peau était douce et chaude comme une berceuse. Comprenait-il que je ne pouvais pas faire plus que cela pour l’instant ? Apparemment oui, car il ne tenta rien. Avec un geste très lent et un gémissement étouffé, il tendit le bras vers la table de nuit, éteignit la lumière, saisit son bandeau qu’il posa sur ses yeux. Puis il replaça ma main pile où elle était.

Il s’endormit en quelques secondes. Moi pas, émue comme je l’étais par la perception de son corps si près du mien et de son souffle lent comme une vague... Mais je ne m’enfuis pas, cette fois. Et je ne retirai pas ma main.

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