Pointé

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En bon héros que je suis – que je me proclame être devenu –, je ne peux me contenter de longer les murs, ce serait absurde, non ?


Le torse bombé, je regagne le centre de la rue, précisément là où j’avais atterri quelques minutes auparavant. Toujours aucun regard porté vers l’arrière, il est maintenant grand temps, j’en ai l’intime conviction et en ai de toute façon l’envie, d’aller de l’avant !


Alors, à l’image de sprinters prêts à s'élancer, je souffle, et m’apprête, toujours en guise de mimique, à me claquer les joues. Je me refrène au dernier moment, jugeant que la comparaison a ses limites, et me contente de lisser ma barbe de trois jours… Le pensais-je, puisque mes mains ne rencontrent qu'un visage impeccablement rasé.

Je ne me préoccupe en aucun cas de ce détail – plus rien ne m’étonne –, réajuste mon chapeau qui n’a aucun besoin de l’être, époussette mon nouveau pantalon noir sans regretter les trop voyantes bandes rouge et… me rends bien compte que je gagne du temps.


Comprenez-moi, la rue est lugubre, je suis cerné d’hommes flous et impassibles postés au pied de bâtiments austères, derrière moi le néant et devant une foule qui n’a cessé de me surprendre et dans laquelle est apparue une divine sorcière – ou sombre fée, choisissez – qui m’a troublé les sens au point de n’être plus moi-même… ou, me direz-vous, qui a désinhibé mes sens au point de m’apercevoir qui je suis ou pourrais réellement devenir.


Pour être franc, je crois que j’ai un peu peur ; plus cette expérience dure, plus elle me devient éprouvante. Pourtant, je sens que le scénario va se dévoiler et, mieux, que la fin est proche et que tout s’éclaircira lors du dénouement !


Je l’espère.


D’un geste millimétré et effectué dans la même fraction de seconde, cette fois à l’image de nageuses synchronisées de niveau international, tous les hommes sans exception lèvent soudainement le bras. Pour l’abaisser à la perpendiculaire la seconde d'après, le doigt pointé vers la rue envahie par la foule.


Rigides, stricts, les corps droits et bien tendus, les têtes hautes, ne souffrant d’aucun sursaut ni tremblement, convaincu qu’ils pourraient rester ainsi mille jours, je m’amuse mentalement – tactique subconsciente pour chasser mes angoisses – à lever une pancarte sur laquelle trône un splendide dix en guise de note artistique.


Je n’attends pas les mille jours, mais tout au plus trente secondes, pour comprendre qu'ils resteront ainsi figés tant que je ne me déciderai pas.


Moi qui parlais de sprint, je réalise que leur geste est le top départ de ma propre course.


Ou tout du moins, une invitation criante à me rendre sans plus tarder dans la direction indiquée.

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