Entré
C’est parti, je m’élance, désireux de ne retarder personne.
Mon pas est décidé, la charge est donnée, en avant !
Derrière moi, hommes, murs, rue, fenêtres, à la pénombre tout s’abandonne.
La conviction est ancrée, c’est le moment, On m’attend.
Un seul objectif, un seul point de mire, la désinvolte foule en liesse.
Le pas cadencé se transforme en petit trot avant de devenir réel galop.
Et je cours, et je me précipite et me rue, empli d’allégresse,
Vers ce cortège d’où la révélation se dévoilera tel l’épilogue du scénario.
C’est que mon film perdure et, en cela, il est temps qu’il se termine.
Il n’y aura pas de suite, pas plus de préquel, seulement un tout autre futur.
Je sortirai grandi de ce spectacle en forme de happening.
À tel point qu’On illuminera toutes mes prochaines sépultures.
Dons de voyance ou de clairvoyance, j’entrevois dorénavant tous les signes.
Enchaîner les foulées, sans me ménager, et foncer à toute allure.
Dans mon champ de vision, deviennent simples lignes,
Tous ces bâtiments austères et toutes ces fenêtres obscures.
Quant à ces hommes aux attitudes singulières et aux visages si flous,
Dénommer collègues et décrits comme tels, sans en connaître la juste raison,
Soyez sûrs qu’à l’instant T, je m’en contrefous, je m’en contre-contrefous.
Ils ne sont rien pour moi, rien de plus que des points sur ma toile de fond.
C’est fini, je me suis élancé, impatient de ne pas faire attendre.
Mon pas s’est arrêté, l’abordage est terminé, aucun retour en arrière.
Dans mon dos, bâtiments, collègues et même la rue ont disparu dans les méandres.
M’attend-On ? Était-ce le bon moment ? Ma conviction n’était que passagère.
Plus d’objectif, point de point de mire, face à moi une libre foule toute en joie.
Le pas stoppé se transforme en piétinement pour enfin devenir décisif.
Et en ce sens, j’approche et progresse et m’engouffre dans la liasse emplie d’émoi.
En son sein, je m’y révèle et attends le dévoilement dans un état contemplatif.
Mon attitude perdure, j’attends, mais rien ne se passe comme je m’y étais attendu.
Il n’y a pas de déclaration, de confidence, ni même un seul mystère divulgué.
Je ressors appauvri de ce spectacle qui me prend au dépourvu.
À tel point qu’On pourrait bien me construire un mausolée.
Aveuglé et touché par la cécité de n’avoir finalement su entrevoir la symbolique,
J’irai d’un nouveau pas pressé, y emménager pour y devancer ma mort.
Ma vision se floute de larmes et deviennent, antinomiques,
Tous ces hommes débauchés et toutes ces filles bicolores.
Quant à leur transformation, métamorphoses et atypiques attitudes,
Eux dépeints en breton-égyptiens et psalmodiés en délires sonores sans réelle raison,
Soyez sûrs qu’en cet instant précis, je n’en ai cure, tout ne m’est plus que platitude.
Eux ne sont rien pour moi, rien de plus que les fils de ma toile de résignation.
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