Chapitre 3 — Je ne suis pas mort. Dommage pour vous.
Évidemment que je ne suis pas mort. Sinon je ne serais pas là, à vous raconter ma vie devant un groupe de lycéens plus intéressés par leurs portables que par mes mésaventures.
La jeunesse moderne… aucun respect.
Mais bon, j’ai survécu.
Heureusement, d’ailleurs. D’autres personnes veulent encore me tuer, et ils auraient été bien déçus si j’avais disparu comme ça, hop, sans prévenir.
Je plaisante. Détendez-vous, les gosses.
Alors, où en étions-nous ?
Ah oui, Cynthia. Le poignard. Et cette douleur infernale dans le bide avant le grand trou noir. Tout est clair jusqu’ici ?
... Ah, toi, la petite là. Une question ? Qui est Cynthia pour moi ? Oula. Grande question. Tu veux vraiment savoir ? Alors écoute bien. Voilà toute l’histoire.
Je me suis réveillé nauséeux, allongé sur un lit de camp. Une lumière crue perçait par une grande fenêtre ouverte, m’aveuglant.
J’ai cligné des yeux, tenté de me redresser… puis aussitôt regretté. Une douleur fulgurante m’a vrillé le ventre, irradiant jusqu’à mes orteils.
Oui, pire qu’une gueule de bois. Bien pire.
- Ne bouge pas, idiot.
Cette voix. Gravée dans ma mémoire. J’ai frissonné, mélange d’angoisse et d’adrénaline.
Devant moi, Cynthia s’approchait, m’observant avec ce regard méprisant dont elle seule avait le secret.
- Tu n’es pas mort, a-t-elle constaté, mi-sérieuse, mi-déçue.
- Euh… c’est pas faute d’avoir essayé.
Elle m’a foudroyé du regard. Puis s’est penchée. Instinctivement, j’ai tenté de reculer, mais mes épaules ont buté contre le mur.
Elle était magnifique. Féroce. Dangereuse. Genre : ne lui tournez jamais le dos sans dire vos dernières volontés.
- Tu es pathétique, sang-mêlé.
Pardon ? J’ai balbutié un truc inintelligible — et croyez-moi, ce n’est pas courant chez moi.
Déjà qu’à quatorze ans, j’étais mal à l’aise avec n’importe quelle fille… alors une guerrière qui m’avait éventré ? Laissez tomber.
Et… sang-mêlé ? Pourquoi ça sonnait comme une insulte ? Elle a croisé les bras, s’éloignant d’un pas vif.
- Qu’est-ce que tu fous à Miami ?
Je l’ai regardée comme si elle venait de se transformer en baleine rose fluo.
- Bah… j’habite ici ? Chez mes parents ?
- Je sais.
Elle a soufflé du nez, moqueuse. Ça sonnait mieux dans ma tête. Elle a alors pivoté et s’est figée à quelques centimètres de mon visage.
- Tu veux me faire croire que ton parent humain s’est installé ici de son plein gré ?
J’ai dégluti avec difficulté. J’ai vu la lame à sa ceinture. Et mon corps a réagi… tout seul.
J’ai attrapé la dague, tiré Cynthia par le bras, et je l’ai plaquée contre le lit, lame sur la gorge. Oui, je sais. Stylé. Sauf que je n’avais jamais appris à faire ça. Jamais.
Elle a écarquillé les yeux, surprise. Je crois qu’elle allait réagir, mais je n’en ai pas eu le courage.
La panique m’a frappé comme un uppercut. J’ai laissé tomber le poignard et je me suis enfui en courant à travers la porte-fenêtre.
L’air du matin m’a fouetté le visage, mais mes jambes ont vite lâché. J’ai trébuché. Je me suis effondré. Et j’ai pleuré.
Ouais. J’étais à genoux, recroquevillé, sanglotant comme un gosse. Des filles se sont approchées, paniquées.
Cynthia les a écartées d’un ton autoritaire :
- Léa, un brancard. Marthe, va chercher Sam. Les autres, dégagez.
Puis elle s’est agenouillée à côté de moi. Sa voix s’est adoucie.
- Hé. Gamin. Personne ne va te faire de mal.
- Je ne te crois pas !
Elle a soupiré. Puis s’est assise en tailleur. Calme. Patiente.
- Tu veux bien me regarder ?
J’ai levé lentement les yeux. Elle attendait.
- Bien.
Elle a marqué une pause, puis :
- Je t’ai blessé. Je suis désolée. Je t’ai pris pour un autre. Tu étais au mauvais endroit, au mauvais moment. Tu vas guérir. Notre guérisseuse s’en occupe. Ensuite, on te trouvera un endroit sûr.
J’ai hésité. Puis, d’une voix tremblante :
- Mes parents doivent s’inquiéter…
Elle a haussé un sourcil, m’observant attentivement.
- Tu as des parents ?
J’ai cligné des yeux. C’était quoi, cette question ?
- Ben… oui. Comme tout le monde.
Elle a lâché un rire sec, sans joie.
- Tu n’es pas comme tout le monde, gamin.
Et là … J’ai compris. Rien ne serait plus jamais comme avant.
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