Chapitre 6 – Les Chasseresses de l'impossible

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Je me suis réveillé avec une impression de déjà-vu… Exactement sur le même lit que celui où j’avais cloué notre chère Cynthia. Et non, il n’y avait rien de romantique à une lame pressée contre une gorge.

La jolie guérisseuse blonde était là, debout à quelques pas, penchée sur une table. Elle écrasait des herbes dans un petit mortier portatif tout en murmurant des trucs incompréhensibles.

Elle était passée de boulangère sympa à sorcière des bois. Mes pensées allaient à cent à l’heure : et si ses plantes étaient empoisonnées ? Et si elle me préparait une potion pour m’achever ?

Évidemment, c’était faux. Pas besoin de potion pour me tuer.

Mais mon esprit en mode « panique » était prêt à envisager n’importe quelle apocalypse — même un Ragnarok improvisé, désolé Magnus Chase.

Je me suis redressé en poussant un gémissement pathétique, puis j’ai baissé les yeux vers mon torse nu. Et j’ai rougi.

Ce qui est stupide, vu que ces dames m’avaient déjà vu en calçon… mais allez comprendre la logique hormonale d’un ado.

Sam s’est tournée vers moi dans un bruissement de tissu.

  • Ne bouge pas, a-t-elle ordonné doucement.

J’ai obéi, désarmé par ce mélange de douceur et de fermeté dans son regard.

Elle s’est approchée et a étalé une pâte verte, froide et odorante sur ma blessure. Celle-ci avait été recousue proprement, comme diraient les anglais cette fois.

Elle était concentrée. Son nez, tacheté de rousseur, était froncé, et de petites rides se formaient au coin de ses yeux. Elle savait ce qu’elle faisait.

Je frissonnais. La mixture était glacée.

Puis elle a bandé le tout, m’a enfilé une chemise de lin fermée au col par un lien de cuir — rien à voir avec mes T-shirts Star Wars.

Et elle a terminé en me tapotant doucement la tête, comme une grande sœur un peu maternelle.

  • Tu iras vite mieux.

Je l’ai retenue par la main.

  • Attends.
  • Oui ?

Elle m’a regardé, patiente, un brin intriguée.

  • Vous êtes… quoi, exactement ?

Ouais, je sais. Y’a plus subtil comme question. Mais bon, aligner plus de trois phrases cohérentes, c’est pas mon super-pouvoir.

Heureusement, ça n’avait pas l’air de la déranger.

  • Moi ou le groupe ?
  • Les deux.

Elle s’est assise au bord du lit, lissant du bout des doigts sa jupe fendue.

Sous celle-ci, elle portait un pantalon noir moulant et de longues bottes en cuir montant jusqu’aux genoux.

En haut, une cuirasse noire aux reflets bleutés protégeait son torse. Ses longs cheveux blonds étaient tressés, décorés de perles et de bijoux d’argent.

Mon regard a glissé vers le poignard à sa ceinture.

Elle avait beau être plus avenante que Cynthia, je doutais pas une seconde de sa capacité à me planter sans trembler.

  • Tu connais la déesse Artémis ?

J’ai cherché dans ma mémoire saturée.

  • Euh… c’est la déesse de la Lune ?
  • Elle est surtout la déesse de la chasse, de la nature sauvage, et de la chasteté.
    Elle s’entoure de Chasseresses : des jeunes filles qui lui vouent leur vie et font vœu de chasteté. À l’origine, c’était pour fuir les mariages forcés. Aujourd’hui, elles viennent de partout pour diverses raisons. Il faut juste avoir moins de seize ans, et faire le serment.

Attends… Chasseresses ? Vierge à plein temps ? Hein ?

  • Dès qu’on prête serment, Artémis nous accorde l’immortalité. Sauf si on meurt au combat.
  • C’est pas censé être une légende ?

Elle a haussé un sourcil.

  • Tu vas devoir revoir ta définition de “légende”, garçon.
  • Donc… vous êtes les Chasseresses d’Artémis ?
  • Oui.
  • No way
  • Je comprends que ça te paraisse étrange. C’est beaucoup à assimiler d’un coup.
  • Et moi, là-dedans ?
  • Toi ?
  • Cynthia a dit que je pouvais pas rentrer chez moi.
  • Elle ne peut pas te forcer. Mais elle a raison sur un point : le monde mortel n’est plus vraiment sûr pour toi.
  • Et les autres sang-mêlés, ils font quoi ?
  • Il existe des écoles. Des camps. Tenus par d’autres demi-dieux, ou… d’autres créatures.
  • Je vais aller là-bas ? Pourtant je vais bien, non ?
  • Tu as atteint ton quatorzième anniversaire. Ton sang commence à “sentir” plus fort. Il attire les monstres. C’est d’ailleurs pour ça que Cynthia t’a trouvé.

Je suis resté silencieux, le cerveau en vrac, mais… un peu plus rassuré. Comprendre, ça aide.

  • Des sang-mêlés, y’en a beaucoup ?

Elle a esquissé un sourire résigné.

  • Les dieux… sont plutôt fertiles.
  • Ah. Charmant.
  • Je ne sais pas encore qui est ton parent divin. Mais tu as sûrement des demi-frères ou sœurs quelque part.
  • Hein ? Mais je suis fils unique !

Pause… Encore que, ça pourrait être cool. Des gens sur qui compter en cas de galère.

  • Et toi, t’es sang-mêlée ?
  • Moi ? Non. Je suis mortelle. Mais maintenant, je suis une Chasseresse. On dit souvent qu’Artémis est comme une mère pour nous.
  • Sam.

Une voix sèche vient de la porte. Une fille brune, armée jusqu’aux dents, me fusille du regard.

Sam m’adresse un sourire d’excuse.

  • À plus tard !

Et elle disparaît, me laissant seul avec mes pensées. Et mes milliards de questions.

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