Chapitre 8 – Décision impossible
- Dis, reviens en arrière. Comment ça, “lieu sécure pour les gens comme moi” ?
Lysandre me fixe quelques secondes en silence. Puis il se retourne vers ses amis.
- Dites, vous avez survécu à combien d’attaques de monstres depuis votre naissance ?
L’air sérieux, chacun lève au moins une main. Même la petite. Sept. Je me couvre la bouche en posant les yeux sur elle. Elle sait à peine lever ses doigts. Sept.
- Non. Non. Non. Je suis pas comme vous.
Cynthia éclate d’un rire froid.
- Tu pues le demi-dieu à plein nez, Lucy.
- Quoi ?!
Cassiopée explique sans lever les yeux de sa lime à ongles.
- Les sang-mêlés ont une odeur particulière. Ça attire les monstres. C’est un miracle que tu sois ni mort, ni infirme à l’heure qu’il est, sans arme, sans formation. Et surtout que tu saches rien de tes origines.
Je me tiens la tête. Je sais que j’ai un petit cerveau, mais là, il va littéralement exploser. Bon, c’est pas qu’il y ait grand-chose à perdre, mais quand même.
- Je comprends pas…
Caleb ricane.
- Nous non plus. Ça fait des mois qu’on te court après, idiot. Tu crois que t’es le seul que cette putain d’histoire dépasse ? Moi je dis, on te plante et ça met fin à tout ça.
- Arrête avec ton obsession à planter les gens, Caleb ! gémit Lysandre.
- C’est le porteur de lumière. On en a besoin pour la Prophétie.
- Parce qu’il y a une Prophétie maintenant ?!
Je panique sérieusement.
- T’inquiète, beau gosse.
Cassiopée me fait un clin d’œil.
- On te laissera pas mourir.
- Pas tout de suite, du moins, grommelle Caleb.
Freya croise les bras, tape du pied, sourcils froncés. Je sursaute. Elle veut me tuer, elle aussi ?
- Partir, insiste-t-elle.
Lysandre hoche la tête.
- Plus on reste au même endroit, plus on risque de se faire trouver par des monstres. C’est pas que j’ai pas envie de me battre… En fait, si. J’ai pas envie.
Cynthia approuve d’un signe sec.
- Artémis nous envoie en Chasse. On doit partir aussi.
Tobias prend la parole. Wow. J’avais oublié qu’il était là. Je m’habituerai jamais à ces poils. Ni aux cornes. Spoiler : si je vais m'habituer. Hein mec ?
- Ce que Lysandre essaie de te dire, c’est que : 1. Tu es une cible. Si on a pu te trouver, d’autres le peuvent.
2. On est des amis. Sinon tu serais déjà mort.
3. Il faut partir. Vite. Tu ne seras en sécurité qu’une fois derrière les barrières magiques de la Colonie.
J’essaie d’avaler ma salive. Les paroles du satyre ont fait tomber un silence lourd sur la pièce. Tous les visages se sont durcis.
Ils me fixent. Ils attendent mon choix. Maintenant.
- Je sais pas ! Comment vous pouvez me demander ce genre de décision comme ça ?!
Une Chasseresse interrompt mes paroles :
- Arkhégos. On a trouvé ses parents.
- Quoi ?!! Laissez mes parents en dehors de tout ça ! C’est déjà assez chaotique comme ça !
Elle m’ignore royalement et poursuit son rapport :
- On a fait le tour de la maison : son existence a été effacée. Je leur ai montré une photo : ils ne l’ont pas reconnu. Ils attendent leur fils Marcus, qui rentre de l’école en bus. Un enfant parfaitement ordinaire.
Je me relève d’un bond… oubliant que je n’ai toujours pas de pantalon.
- Heiiiiin ?!
Freya lâche son pouce :
- Jambes.
Je baisse les yeux. Je rougis instantanément. Bon. C’est pas comme si y avait grand-chose à voir. Skinny, maigre, tout ce que vous voulez.
Lysandre, serviable, me tend une couverture.
- C’est comme si son existence avait été effacée. Pas de carte d’identité. Pas de famille. Pas d’affaires personnelles. Rien.
Cynthia me regarde, lèvres serrées. Comme si j’étais juste… un problème à résoudre. Un gros problème. Ce que je suis, ok. Mais quand même, ça fait mal.
- Tu n’as plus le choix, sang-mêlé. Ce sont eux, ta famille, désormais.
Je les regarde.
Des ados forcés de grandir trop vite, qui portent des responsabilités trop lourdes pour leurs épaules.
- Je peux pas…
Tobias s’avance, calme :
- On va aller chez toi. Tu verras la vérité de tes propres yeux. Et tu prendras ta décision ensuite, d’accord ? On sait que c’est beaucoup en un seul jour.
Mes épaules se détendent un peu. Et les digues lâchent. Je m’effondre en sanglotant.
Lysandre m’observe, inquiet. La chèvre pose une main apaisante sur mon épaule. Freya essuie une larme avec grand théâtre devant Caleb, qui lève les yeux au ciel.
Cynthia, bras croisés, s’éloigne pour discuter avec son équipière. Sérieuse. Toujours.
Mais c’est Freya qui me fait rire entre mes larmes : elle me tend sa hache avec un sérieux désarmant, comme si elle me confiait son doudou préféré.
— Tiens. Pleure pas.
Son geste suffit à faire sourire tout le monde. Et à alléger, un peu, l’atmosphère.
Cynthia tape dans ses mains.
- Assez d'émotions, on se bouge, les enfants.
Lysandre hoche la tête et distribue des autres.
- Cassie, tu vas avec Tobis et Lucifer. Freya, Caleb et moi, on va chercher un moyen de rentrer vite.
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