Chapitre 12 – Premier sang
⚠ Attention : chapitre violent
Tobias est assis au fond, accroché à son siège. Mon protecteur caprin ne semble pas apprécier notre moyen de locomotion.
- Ça ne va pas ?
- J’ai un mauvais pressentiment. C’est trop calme, ça ne présage rien de—
BOUM.
Non ! Non ! Non ! On roulait tranquillement sur l’I-95, le soleil commençait à peine à descendre… Pourquoi maintenant ? Pourquoi tout court ?
Un monstre bondit depuis le terre-plein central et atterrit lourdement sur le capot. Griffes qui labourent la tôle.
La créature semble tout droit sortie d’un cauchemar antique.
Haute de plus de deux mètres, elle a le corps noueux et déformé par une musculature anormale, gainée d’une peau noire comme la suie, luisante sous la lumière.
Ses yeux sont deux fentes rougeoyantes, brûlant d’une lueur féroce, fixées sur nous comme un prédateur sur sa proie.
Son visage n’a rien d’humain : mâchoire allongée, dents recourbées comme des crocs de loup, et crâne surmonté d’arêtes osseuses.
À chaque respiration, un grondement sourd vibre dans sa poitrine.
Ses mains sont de véritables armes : des griffes d’obsidienne, longues comme des lames de poignard, capables de déchirer le métal.
Son odeur âcre — mélange de cendre et de sang sec — emplit mes narines et me pique les yeux.
Lysandre serre les dents et jure :
- Putain, un Scythe noir !
Il braque pour l’éjecter, mais d’autres surgissent du bas-côté, hurlant. Cassiopée se retourne sur son siège et sort une lame argentée.
Caleb, lui, envoie son poing par la fenêtre arrière à quelques centimètres du visage de Freya, qui brandit sa hache comme un étendard, un grand sourire aux lèvres. Hein ?
- Tu es blessé !
Le fils d’Arès lève les yeux au ciel et secoue sa main qui tient un poignard recouvert de sang noir. Il coule sur sa paume pleine de bris de verre.
- On s’en fout, un de ces trucs est mort.
Un autre monstre atterrit pile devant le truck. Lysandre n’a pas le temps de freiner : il tourne violemment le volant.
Les pneus hurlent sur l’asphalte, le véhicule quitte la route, traverse un mince fossé herbeux et… BAM ! Choc frontal contre un pin énorme. L’avant s’écrase comme une canette.
Les airbags explosent, une odeur de poudre envahit mes narines et un goût métallique ma bouche. Un silence d’une demi-seconde suit. Puis… un grognement guttural, tout près.
Sur le pare-brise étoilé, la silhouette massive d’un Scythe qui se jette contre la portière. Ses griffes raclent le métal.
- On sort et on se sépare ! ordonne Lysandre. Tobias et Cassie avec Lucy, Freya et Caleb avec moi. On part à gauche, vous partez à droite et on se retrouve à la voiture quand c’est fini !
Le satyre et la fille d’Aphrodite s’élancent, et je peine à suivre leur rythme effréné. Le souffle court, on s’enfonce dans la forêt.
On s’arrête, et Cassie me tend un poignard.
- J’ai que ça, désolée.
Je l’attrape, paniqué.
- Mais je sais pas me battre !
- PUTAIN, Lucy ! Tu vas pas te laisser tuer par un de ces trucs, non ? T’as pin la lieutenant des Chasseresses avec son poignard, et elle est autrement dangereuse, non ?
Je hoche la tête. C’est vrai, je peux le faire. Non ? - Trois qui arrivent, prévient Tobias, qui commence à jouer une mélodie sur sa flûte de Pan.
Je plante mes pieds dans le sol et me mets en garde. Trois monstres surgissent devant nous, écumants.
Je serre les dents pour ne pas me pisser dessus. Si. Ils font plus peur que Cynthia. Définitivement, oui.
Cynthia s’élance sur le premier avec une élégance meurtrière.
- Bouge, Lucy !
Je croise le regard du second et me décale d’un pas. Sa patte s’abat. Une seconde plus tard, et j’y passais… Beurk, embroché par des griffes de plus de cinquante centimètres.
Du coin de l’œil, je vois Tobias et Cassiopée se battre contre le troisième. Ils ne peuvent pas m’aider, je vais devoir me débrouiller seul.
J’évite les coups de plus en plus rapides du Scythe. Je commence à fatiguer. Je ne sais pas si c’est un éclair de génie ou de folie, mais je me baisse et me jette lame en avant contre le ventre de la créature.
Je ferme les yeux, attendant le coup fatal.
- Ne ferme pas les yeux quand tu te bats, idiot.
Cynthia m’attrape par le col pour me relever.
- C’est fini ?
J’ai le nez plein d’une odeur de charogne et de sang. La queue-de-cheval défaite, couverte de poussière de monstre, la jeune fille rigole.
- Oui, c’est fini.
Je regarde autour de moi. Mon poignard est planté dans un tas de poussière grise.
Un deuxième monstre achève de disparaître au milieu de la clairière, et le satyre fait disparaître le dernier dans les racines d’un arbre qui poussent au rythme de sa mélodie.
- Wow.
- Tu l’as fait, Lucifer. Tu as tué ton premier monstre ! me félicite Cynthia.
Bon… à choisir, j’aurais préféré ne rien tuer du tout. J’aurais même pas été là, en fait. Mais je suis heureux d’être en vie.
- Il faut qu'on rejoigne les autres ! urge Tobias.
On hoche la tête et on reviens sur nos pas.
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