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C'est ainsi que nous sommes partis au Maroc, dans un club réservé. Je l'avais prévenu, mais il n'avait voulu emporter que sa nouvelle garde-robe. Une meute leva le nez à notre arrivée, reniflant de la belle chair fraîche. Alors que je restais sur le balcon, à prendre doucement des forces et le soleil, je le voyais s'ébattre dans la piscine. Un vrai dauphin. Il faisait à peine ses dix-sept ans avec son visage encore enfantin et souriant. Bien que sachant pertinemment que tous les clients étaient gays, il ne percutait pas sur toutes les gentillesses qu'il recevait. C'était un club de classe, aucun ne se permit un geste vers lui, tout était en douceur et en raffinement, hors de sa compréhension juvénile.

Je lui expliquai quand il remonta. Au lieu de m'écouter, il semblait fier de son effet. Une soirée d'accueil nous attendait. Il se prépara avec sa petite tenue moulante en bas, vaste chemise échancrée en haut, sur son torse musclé et glabre. La salle allait exploser ! Malgré mes mises en garde, nous descendîmes ainsi. J'étais encore trop faible pour vraiment danser. Bien que nous soyons assis ensemble, les invitations pleuvaient. Il s'en amusa un moment. Puis, las de les refuser, il choisit un slow. Il me tendit la main, nous emmena au milieu de la piste, m'enlaça et nous commençâmes à danser l’un pour l'autre, fondus l'un dans l'autre. À la fin du morceau, il me prit la tête dans ses mains et m’embrassa longuement. Le message était passé : un seul méritait son intérêt !

Les choses se détendirent et nous pûmes nouer des contacts plaisants. Je voulais des vacances de rêve pour lui, qu'il garde à jamais une image du paradis.

Au bout d'une semaine, je descendis regarder de plus près mon elfe nautique. Je me prélassais au soleil, oubliant que notre monde est très petit, notamment celui des jeux un peu hards. Un inconnu s'approcha, l'air sympathique. Il engage la conversation. Rapidement, il la fait dériver vers les cicatrices de mon corps, accentuées par le petit bronzage que je commence à avoir. Ses allusions me font comprendre qu'il connaît l'origine de telles zébrures. La conversation glisse alors sur ces pratiques, sur lesquelles il s'interroge, pour enfin me parler d'une rumeur qui court. Il paraîtrait que des crucifixions avaient eu lieu. Depuis le début, je ne lui répondais que par des onomatopées intéressées. Il fixe mes pansements. Qu’attend-il ? Que veut-il ? Heureusement, mon petit soleil arrive, chiot mouillé qui venait s’ébrouer, juste pour me déranger, en me faisant rire. Le soir, quand nous pénétrâmes dans la salle à manger, un silence se fit et tous les regards convergèrent vers nous. Vers moi. Nous gagnions notre table d'habitués. Là encore, les regards étaient fuyants, l'ambiance fausse. Aucun n'osait poser la question franchement. Nathan était gêné, ne comprenant pas ce qui se passait. Je n'avais pas envie de jouer au héros, je n'avais pas envie d'être regardé, admiré, questionné. C'était mon truc, mon problème. C'était derrière moi.

Nathan ne supportait plus cette ambiance. Nous avions copiné les repas précédents, heureux de pouvoir parler librement entre nous, de pouvoir nous comporter sans contrainte. Nous étions entre gens semblables. Il se méprit, lança des vannes. Nos compagnons de table firent des allusions. Il s'enflamma. Il était fier de son amoureux. Il savait pourquoi il avait fait ça. Il le défendit et clama son amour. Les autres tables avaient leurs oreilles tournées vers nous. La situation m'échappait. Je pris Nathan par la main.

— Viens ! J'ai besoin de partir.

Nous nous levâmes.

Que la porte était loin ! Au moins sept mètres ! Déjà les premiers applaudissements apparaissaient. C'était trop. Je fuyais en courant. Nathan me suivait, ne comprenant pas mon désarroi. Je n'avais pas fait ça pour ça.

Je lui expliquai mon refus de cette reconnaissance. Il avait du mal à comprendre. Nous sommes partis dans la nuit, avons trouvé un vol et repartions le lendemain vers la Tunisie, dans un club « normal ». Tant pis pour la facilité de vie, pour la transparence. Nous devions être discrets, mais j'avais besoin d'être anonyme, simplement avec lui.

L'ambiance était plus familiale, avec beaucoup de jeunes de son âge. Nous avons fini par trouver une table accueillante, de jeunes retraités, deux hommes qui se disaient trop simplement amis. Deux femmes qui s’affichaient pareillement. Nous comprîmes vite que nos affinités étaient communes et indifférentes pour les retraités. Les discussions étaient détendues, intelligentes. Nous sommes restés plusieurs semaines, les couples défilant, se succédant, toujours tolérants.

Lors des deux dernières semaines, ce fut un couple avec deux jeunes gens qui se joignit à nous. Le garçon était à peine plus jeune que Nathan, la fille sa cadette. Rapidement, les deux garçons sont devenus inséparables. Je ne suis pas certain que les parents se soient interrogés sur la nature de notre relation. La différence d'âge avait dû brouiller leur compréhension. Ils ne tarissaient pas d’éloges sur cette amitié naissante. Le soir, Nathan me dit le trouble qu’il ressentait pour Anthony.

Pour la dernière soirée, Nathan décida de descendre dans sa tenue la plus sexy. Anthony tomba définitivement sous le charme. Les deux garçons passèrent la soirée enlacés, finissant par s'embrasser. Les parents n'osaient pas réagir, tétanisés de voir leur fils trahir des pulsions homosexuelles. Je leur parlai longuement, souhaitant leur faire comprendre la nécessité de prendre soin d'Anthony qui allait avoir le cœur déchiré le lendemain.

Moi aussi, je dus consoler mon petit elfe, emporté par son désir d'Anthony, détruit l’impression de m’avoir trahi en s’abandonnant avec cet éphèbe.

— Nic, je ne sais pas quoi faire…

— Ce ne sera pas la première fois ! Cela va t’arriver souvent ! Être amoureux et tomber amoureux d'un autre ! C'est beau et c'est difficile ! Ce n’est pas comme avoir une envie. Là, tu tires ton coup, ça soulage, et byebye !

— Nic, qu'est-ce que tu me fais, là ?

— Désolé ! Je suis jaloux ! Mais je suis heureux pour toi !

— Parce que je ne reverrais jamais Anthony ?

— Ça, tu ne le sais pas ! C'est à vous de gérer votre attirance et les cinq cents kilomètres ! Ses parents ont encaissé, mais ils ont compris. Tu diras à Anthony de me dire merci !

— Tu as fait ça ? Tu es vraiment…

— Pour lui surtout ! Un peu pour toi…

Nous avons passé encore quelques jours merveilleux. Nous savions que la rupture venait de se faire avec cet incident, mais que nous resterions liés à jamais. Notre relation changeait, mais demeurerait un refuge doux et chaleureux.

Quand il partit pour ses études, je le rejoignis à la gare. Une femme était avec lui. Je l'ai saluée, sans retour. Il m'a fait des adieux comme seul un gamin amoureux peut en faire, sans retenue, dans un don total. Il a embrassé sa mère, franchi le portillon et avancé sur le quai, de sa démarche légèrement ondulante. Même enfoui dans une robe de bure, il aurait enflammé un monastère. Je me sentais un peu responsable, car un an auparavant, il ne se distinguait pas ainsi. Lors de nos retours en pleine nuit du Damn's, j'avais pris l'habitude de l'accompagner de ma main, alors qu'il avait sa tête sur mon épaule. Sentir ses fessiers minuscules et rebondis bouger à chaque pas était d'une sensualité extrême. Ma main était passée rapidement du jean à sa peau, un doigt enfoncé d'une phalange pour ressentir pleinement ses contractions. L'avancement était lent, mais ce petit jeu aurait permis d'affronter l'éternité. Il avait depuis adopté cette démarche où ses cuisses se crispaient juste un peu trop à chaque enjambée. Je n'avais pas de souci : il aurait le choix parmi ceux qui allaient être sensibles à cette danse.

Je détournais les yeux. Je devais avoir l'air ébahi, alors que je n’éprouvais qu'une immense tendresse pour mon soleil. Sa mère me regardait. Elle haussa les épaules avec mépris et me tourna le dos.

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