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Les premiers temps, Nathan revenait tous les weekends, pour les passer avec moi. Très rapidement, il avait eu des propositions. Il avait voulu y croire, avoir des aventures. Il se rendait chaque fois compte que son partenaire préférait tirer un coup que de vivre une idylle. Son cœur d’artichaut revenait chercher l'amour.

La première fois qu'il vit William, qu'il assista à la séance de soin, il fut choqué. Quand William le vit, je lui expliquai qui était Nathan pour moi. Sous le coup, il ne manifesta rien de compréhensible. Pouvait-il être devenu indifférent à ma vie ? Passer la nuit avec moi, dans le lit conjugal, alors que mon mari était dans la pièce à côté, bloqua Nathan. Heureusement, je savais comment le faire craquer. William eut droit à ses vocalises, d'autant plus bruyantes qu'elles avaient été refoulées. Le lendemain, son attitude n'avait pas changé. Nathan avait évité de revenir dans la chambre, alors que pendant les soins, je parlais abondamment de mon petit soleil, sans obtenir plus de réactions.

Au bout d'un trimestre, je ne fus pas surpris d'apprendre que Nathan avait trouvé un compagnon. Je lui proposais d'arrêter notre relation physique et je lui dis mon souhait de rencontrer cet homme chanceux. Cédric était le beau gosse parfait. Ils devaient former tous les deux un couple phare, attirant tous les gays, demi-gays, les interrogatifs et les presque indifférents ! À mon goût, malgré des mamours un peu balourds, il lui manquait l'amour fou, et un brin de finesse dans les yeux. Il avait pour lui d'avoir une position complémentaire à celle de Nathan, pouvant le combler sans cesse. Il était évident qu'il ne serait qu'une étape, un intermédiaire vers l'amour de sa vie.

Cela n'empêcha pas Nathan de m'appeler régulièrement, pour me raconter une nuit particulièrement réussie, ou ratée, une futilité ou une brouille pour une broutille. Mon soleil ne me quittait pas, montrant un grand souci de ma vie réduite maintenant à des toilettages.

***

Un jour, je demandais à Ophélie pourquoi leurs parents ne venaient jamais voir leur fils. Déjà, me dit-elle, ils venaient de moins en moins souvent à Berck. Voir un légume silencieux ne les motivait pas et l'amour n'existait plus depuis longtemps. Surtout, qu’un inconnu ait pu s'approprier leur fils laissait deviner des liens particuliers. Ils ne voulaient pas s'interroger sur la nature de ces liens.

Nous discutions toujours. Nos trajets en train et nos échanges poussés avaient créé une intimité. Je n'hésitais pas à lui parler de mes questionnements, comme elle des siens. Ma vie se réduisait à ces trois êtres : mon amour mutique, mon petit soleil qui migrait vers une autre galaxie et Ophélie, la douce constante.

Elle avait sa clé, par sécurité et par fraternité. Normalement, elle passait le soir. Certaines fois, emportés par notre discussion, elle restait dormir. Nous partagions mon lit, en frère et sœur.

C'est ainsi qu'un matin, alors que je la croyais encore endormie, elle me surprit en train de m’abreuver à la fontaine de son frère. Malgré sa présence, je finis le travail. J'avais aperçu ses yeux brillants.

— Tu crois qu'il ressent quelque chose ?

— Je ne sais pas ! Demande-le-lui ! J'ai l'impression qu'il est moins tendu ensuite…

Il était bien sûr inutile de lui poser la question. Il parlait rarement à sa sœur. Comment pouvait-il se taire depuis si longtemps ? Pourquoi ne me couvrait-il pas d’injures haineuses ?

— Tu sais, Nic, ton geste de tout à l’heure m’a remuée. Tu l’aimes donc toujours autant ?

— Je ne sais pas ! Je l’aime différemment, mais, oui, je l’aime toujours.

— Nic, tu es quelqu’un de bien ! acheva-t-elle d’un baiser qui me fit tourner la tête.

J'aimais ces petits moments avec William, me donnant l'illusion d'un plaisir partagé, de retrouver une bribe de notre première vie. Je voulus aller plus loin. Notre tiroir à mystère n'avait pas été vidé. Il s'était même enrichi des godes que nous utilisions avec Nathan. J'essayais plusieurs modèles. Je n'avais aucun retour, mais mon intuition me fit choisir un modèle, assez gros. Chaque matin, je profitais de sa semence. Le soir, je lui donnais du plaisir. J'aurais pu lui faire l'amour, j'en avais encore assez en moi. Cela aurait été le violer, car j’ignorais s’il aurait été consentant. Avec un objet, l'approche était plus neutre. Les fonctions sexuelles n'avaient pas été touchées. Seules les perceptions de plaisir ne remontaient pas au cerveau. Je voyais bien son absence d'orgasme. Pourtant, je m'aperçus qu'il attendait ces moments. Parfois, un petit gémissement lui échappait. J'aimais prendre soin de lui ainsi.

William développa une infection. Il monta jusqu'à 40°. Le médecin s'interrogeait sur la nécessité de le faire hospitaliser. Durant cette période, Ophélie dormit tous mes soirs à la maison. L'inquiétude nous rapprocha. Pour la première fois, nous avons dormi dans les bras de l'autre, y trouvant un réconfort nécessaire. La crise passa. Ophélie passa plus de temps à la maison et nous retrouver dans le lit était un apaisement bienvenu.

Cette situation dura des mois. Nathan avait espacé ses appels. Notre lien était intact, mais il était parti dans une autre vie. J'en étais heureux.

Le visage de William se décrispa lentement. Était-ce de la lassitude ? Finit-il par accepter mon absence de ressentiments ? Mes caresses intimes avaient-elles eu un effet bienfaisant ?

Un soir, ce fut le miracle. Je venais de le travailler longuement. Les soins étaient finis, je l'avais reporté dans son lit, chaque jour plus léger. Je lui avais posé mon baiser sur les lèvres, éteint la lumière. Je sortais de la pièce quand j'entendis :

— Nicolas, merci.

Je fus tétanisé. Des larmes montaient. Je me précipitais dans la chambre, incapable de contenir l'émotion retenue depuis presque un an. C'est dans cet état qu'Ophélie me trouva.

Un dialogue se noua, d'abord sur des questions matérielles. Je n'osais le questionner. J'attendais ses commentaires, ses demandes. Je lui souriais, l’encourageais. Les poignards avaient quitté ses yeux. Enfin, un soir, j'osais :

— Ça te plait, ce que je te fais ?

Il me répondit :

— C'est lointain. Je ne sens rien, mais je sais que tu me fais du bien.

Ce soir-là, il me sourit.

J'aurais voulu parler avec lui de notre passé, revivre nos premiers moments, pour comprendre pourquoi la dérive nous avait menés aux portes de l'abime. Je sentais qu'il n'était pas capable d'un tel échange.

Ophélie finit par me raconter son viol, quand il était âgé de sept ans, par le grand-père, le fondateur de la fortune, le notable installé et respectable. La scène avait été presque publique. Elle avait cinq ans et elle s'en souvenait. C'étaient ses souvenirs uniquement, car jamais une allusion à cet événement ne fut prononcée. À l'enterrement, William avait craché sur le cercueil dans la tombe. Il avait quatorze ans. Tout le monde connaissait la raison. Leur père lui avait envoyé une gifle qui l'avait fait tomber sur une tombe voisine.

La violence pour taire la violence. La rupture datait de cette époque.

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