Je ne sais pas combien de temps s'est écoulé quand une autre infirmière entre dans la chambre.

- Bonjour, je suis Nora, aide soignante. Votre conjoint vous a ramené quelques affaires.

- Merci. Je peux le voir ?

- Les visites seront demain, maintenant, il a dit qu'il passera.

Mon cœur se sert.

- Nous avons enlevé vos rasoirs et quelques autres objets dangereux. Bien, il est l'heure du repas.

Je la suis alors, comme un automate. Nous arrivons dans la salle à manger quasiment déserte. Trois personnes maximum à chaque table de six, sans doute pour respecter le mètre de distance obligatoire en raison du virus. Je me sens tout de même oppressée, je ne suis pas bien. Nora le voit et m'invite à m'asseoir à la table la plus proche des infirmières. Elle m'explique que ce sera ma place tout le long de mon hospitalisation et que les filles sont toutes les deux sympas. Je lui précise mon régime alimentaire végétarien, elle me dit que j'aurai donc un plat spécial, puis elle repart vers une autre table. J'ai toujours eu du mal à manger en compagnie d'autres personnes, j'ai peur qu'elle me regarde, qu'elle me juge. J'aperçois, au fond de la salle, une personne ressemblant physiquement à cette femme que j'ai rencontré au yoga. Cette vision me réconforte un petit peu.

Nous nous disons bonjour, mes deux voisines de table et moi, elles me demandent comment je m'appelle, me disent que j'ai des jolis yeux bleus. Je leur souris, j'ose à peine ouvrir la bouche.

Le repas aura duré une éternité. J'ai à peine mangé les légumes, je n'ai pas pris le dessert. La corvée terminée, je retourne sans attendre dans ma chambre et m'effondre sur mon lit. Je pleure mon amour, j'ai envie de crier, de tout casser, puis de me noyer dans mes larmes.