La rencontre

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Elle trouve le smartphone du père Simon. Elle connaît les codes pour y accéder. L'évêque figure dans les contacts. Elle l'appelle avec l'intention de lui proposer un rendez-vous en terrain neutre. Ça sonne. Il décroche et demande :

  • Mon père ?
  • Monseigneur, c'est Marwah.
  • Marwah ? Oui ?
  • À la médiathèque. À minuit.
  • … D'accord.

Elle avait eu ce poste grâce à Aline et Noël.

À minuit elle le voit sur la caméra de surveillance. Elle va lui ouvrir.

  • J'ai préparé du café.

Il la suit vers la pièce de repos. Il s'installe en face d'elle. Il y a des pâtisseries orientales. Il reconnaît les recettes de sa mère. Il s'explique, il raconte. À la fin, il demande :

  • Comment tu as su ?
  • J'ai trouvé la liste du Vatican où mon nom apparaît, avec toutes les références. Mais je l'ai peut-être toujours su. Peut-être que je me punissais pour vous atteindre, j'ai laissé le Malin m'atteindre.
  • Je te demande pardon.
  • Vos péchés sont pardonnés.

Il croit comprendre. Elle lui pardonne donc il doit en retour l'aimer. Évangile selon Saint Luc : celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour.

Ils discutent jusqu'au petit matin. Lorsqu'il est assez tard ou tôt, lorsque l'heure est raisonnable, ils partent prendre le petit déjeuner en s'invitant chez sa mère, histoire de boucler l'histoire. Sa mère ouvre la porte, la voit elle puis lui derrière, elle comprend, elle sourit et ils se serrent dans les bras comme une famille enfin réunie.

Marwah a le sentiment de reprendre le dessus sur son histoire. Elle peut maintenant se construire et reste attentive aux signes qui pourraient la libérer de cette voie dans laquelle elle est engagée avec le père Simon et Patrice. De rencontre en rencontre elle finira sans doute par trouver son destin. Il est même peut-être déjà là sous ses yeux, proche et accessible, enfin.

L'évêque aussi a fait une rencontre. Qui le remet en question. Encore une fois. Sauf que là, il y a comme une menace qui plane. Les immortels vont perdre de leur sens. Ils risquent même de devenir escalves de la survie de l'humanité. Il est temps de se poser. De se débarasser de ce fardeau. De le transférer à qui de droit. Il a suffit d'une rencontre, avec Marwah, avec sa mère. Il est temps pour l'évêque d'en rester là, avec sa famille, jusqu'au bout, jusqu'à la fin.

Car il erre depuis des milliers d'années, seul, dans un monde qui va bientôt se terminer, autant en finir avec lui. Un immortel n'a pas de descendance normalement. Mais une fois par millénaire, ça peut arriver. Il a eu une famille il y a très longtemps, en Germanie. Une femme et une fille. Sa femme était mortelle, sa fille s'est arrêtée de vieillir à l'âge où les dents de sagesse ont fini de pousser. Puis ils se sont quittés, d'un commun accord, chacun a poursuivi sa voie. Elle doit être encore là, quelquepart, mais il ne sait pas où, ils ne sont pas connectés, elle n'a jamais cherché à le faire, lui non plus. Maintenant qu'il a pris sa décision, il aimerait bien la revoir. Dans sa prochaine méditation transcendantale, il laissera un message dans l'univers, pour elle.

De son côté, Marwah accepte la situation, pardonne, encore et encore, mais elle reste vigilante et elle a l'intime conviction que ce n'est qu'un début, que lorsqu'elle le trouvera elle saura quoi faire, que l'important c'est d'avoir la Foi en lui, de toujours y croire comme dans la chanson du grand corps malade :

Un moment sur ma route j'ai rencontré l'amour
J'lui ai dit tient tu tombes bien, j'veux t'parler d'puis toujours
Dans l'absolu t'es une bonne idée mais dans les faits c'est un peu nul
Tu pars en couille une fois sur deux faudrait qu'tu r'travaille ta formule
L'amour m'a dit écoute petit ça fait des siècles que j'fais mon taff
Alors tu m'parles sur un autre ton si tu veux pas t'manger des baffes
Moi j'veux bien être gentille mais faut qu'chacun y mette du sien
Les humains n'font aucun effort et moi j'suis pas un magicien
Puis il m'a dit qu'il d'vait partir, il avait des rendez-vous par centaine
Que ce soir il d'vait diner chez sa d'mi-soeur : la haine
Avant d'partir j'ai pas bien compris, il m'a conseillé d'y croire toujours

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