23 février – 11 heures 47

Tokyo

La boutique de cosplay que Felix me montre est incroyablement grande, et en plus il n’y a personne. Nous nous promenons dans les rayons et tandis que je choisis une tenue de Mina de Death Note, je remarque que Felix ne cherche pas pour lui.

J’observe ses cheveux blonds décolorés, lisses, qui lui arrivent aux épaules, ses yeux bruns, son costume noir…

- Tu te déguises toi aussi, n’est-ce pas ?

- Est-ce que tu connais un perso d’anime charismatique, riche et raffiné ?

Je lève les yeux au ciel. Je pose sur ma tête la perruque blonde de Mina et me regarde dans le miroir. Ça fait assez bizarre avec le reste de ma tenue, mais dès que je serai déguisée, ce sera parfait. Le seul vêtement adapté que je trouve est peut-être un peu trop large au niveau de la poitrine qui se serre dans un corset. Je n’ai pas l’habitude de porter des décolletés, alors je suis assez sceptique. En revanche, j’aime beaucoup la façon dont la jupe noire retombe sur mes cuisses.

- Tamaki Suoh, dis-je en me retournant.

- Qui ?

- C’est dans Ouran High School. Il est blond, il a un costume élégant, une attitude princière… Il est charmeur, théâtral, mais très gentil. Et en plus de ça, il dirige un club d’hôtes dans une école ultra-riche. C’est toi.

Je lui montre des photos sur mon portable et il éclate de rire.

- C’est comme ça que tu me vois ?

- Arrête, c’est mon perso préféré.

Felix hausse un sourcil et accepte les vêtements que je lui tends. Il part essayer sa tenue dans la cabine d’essayage et ressort. Je souris. Ce personnage lui va vraiment bien.

Il prend une photo de moi pour Instagram puis je le supplie de faire une photo à deux.

- Pour le souvenir ! insisté-je.

Après un soupir, il accepte. Felix retourne vite se changer, content – je cite – « d’avoir récupéré son costume Chanel ». Je reprends mes propres vêtements et continue d’explorer le magasin de cosplays.

Je tombe sur un simple ensemble de sous-vêtements avec une cape grise. Je hausse un sourcil et retiens mon rire.

- C’est quoi ce truc ?

- C’est les vêtements de Chichi de Dragon Ball quand elle était petite.

Je pose l’ensemble devant moi et souris avec charme.

- Tu penses que je devrais l’essayer ?

- Ne fais pas ça, répond Felix mi-amusé mi-sérieux.

- Pourquoi ?

- Aaaah, parce que !

Il détourne le regard les joues rouges, et je ris en reposant les sous-vêtements sur le présentoir.

L’amitié de Felix et moi est surtout basée sur la taquinerie. On passe notre temps à essayer de pousser l’autre à bout, et je suis contente d’avoir réussi à le faire rougir.

Nous sortons du magasin pour aller dans une boutique de jeux vidéos. Cette fois, c’est Felix qui s’extasie devant tout.

- Tu connais ça ?

Je regarde le jeu qu’il me montre. Uncharted.

- Oui, je connais de nom. Mon grand frère jouait beaucoup.

- Vraiment ? J’y ai joué toute mon adolescence.

- Ah bon ? Tu ne passais pas ton temps à des défilés de mode VIP ?

Felix hausse les épaules.

- Pas que. Mon temps était divisé en deux : la mode, et les jeux vidéos.

- On t’a déjà dit que tu ressemblais vraiment à Felix de Stray Kids ? Mentalement, je ne sais pas, mais physiquement en tout cas. En plus, il est pas l’ambassadeur de Louis Vuitton et Yves Saint-Laurent ?

Mon ami croise les bras.

- Je t’ai déjà dit que je ne m’y connaissais pas. La K-pop, je vois ça comme un monde à part. Passionnant, cela dit. Mais à part. J’ai déjà cherché des photos de Felix Lee sur Internet. C’est pour ça que je me suis décoloré les cheveux quand j’avais huit ans : pour faire plaisir à ma mère.

J’opine du chef.

- Ta mère… Je ne te l’ai jamais dit, mais je l’ai pensé très fort : je suis désolée d’avoir dit que je n’allais pas mourir quand j’ai mangé de la betterave, alors que ta mère est morte d’anaphylaxie.

Felix me sourit tristement.

- Je ne t’en veux pas. Mais j’avoue que c’est pour ça que j’ai paniqué ce jour-là. Même si on ne se connaissait que depuis quelques heures, j’ai repensé à quand ma mère s’est faite piquée par un frelon et que… Qu’elle est morte. J’ai eu peur. Je ne voulais pas revoir un truc similaire.

- Tu as une allergie, toi ?

- Non. Mais j’ai une intolérance à l’alcool, c’est pour ça que je n’en bois pas.

- Est-ce que c’est pour ça que tu en veux à ton père ? Parce qu’il n’a servi que de l’alcool le jour de ta soirée de dix-huit ans ?

- Je… je veux bien t’expliquer. Mais je ne vais pas te déballer ma vie entre les jeux vidéos, alors… Sortons.

J’acquiesce. Je suis heureuse que Felix accepte de m’expliquer pourquoi il est en froid avec son père, et en même temps je m’en veux, car je ne suis pas prête à lui dire pourquoi j’ai quitté la France précipitamment.

Ça pourrait lui donner l’impression qu’il me fait confiance mais pas moi.

Nous nous éloignons du centre d’Akihabara pour rejoindre un endroit calme, à l’ombre. Felix passe acheter des makis à un vendeur de rues et nous nous asseyons dans l’herbe.

Il ne parle pas tout de suite. Il se contente de fixer l’herbe. Felix sort de sa veste le cahier Le Château dans le ciel et me le tend.

- Je voulais te l’offrir quand même.

Je l’attrape.

- Merci, Felix.

Je dois me retenir de ne pas me jeter à son cou pour le remercier. J’ai vraiment de la chance de l’avoir comme ami pour ce voyage.

- Felix… Commence quand tu veux. Et si tu choisis de ne pas me raconter, je ne t’en veux pas.

- Si. Je vais te dire. C’est juste que quand j’y pense, je trouve ça stupide.

- Si ça t’a blessé, c’est que ce n’est pas stupide.

Felix me lance un regard empli de vulnérabilité.