Chapitre 27 - Suhua
2 avril – 14 heures 58
Oshino Hakkai
- Suhua… Je ne te laisserai pas de côté, promis.
J’apprécie Felix plus que je ne l’admets. On ne peut pas parler de sentiments amoureux, mais je crois que j’ai un petit crush sur lui. Il est attachant. Trop attachant.
Je l’observe à la dérobée : ses longs cheveux décolorés, ses yeux bruns, toujours vêtu d’un costume noir, les bagues à ses doigts. Il n’est jamais gêné, il admet chacune de ses erreurs, assume d’être bordélique. Il n’a pas peur d’être lui-même et de m’avouer avoir peur des araignées. Je sais très bien qu’il n’est pas vraiment égocentrique et que ses phrases du style « je suis parfait » sont en réalité des plaisanteries.
Alors oui, il a des défauts : il est bordélique, dépensier, parfois trop dans le contrôle, fier…
Mais il a aussi une liste interminable de qualités qui font que j’ai un crush sur lui.
Et puis, j’ai un petit feeling avec lui. Quand on est ensemble on est naturels, on peut parler de tout ce qu’on veut sans être mal à l’aise, on se taquine…
Bref, j’ai eu un coup de cœur pour ce mec alors que je me l’étais interdit.
Felix tourne la tête vers moi et je croise son regard. Je le soutiens quelques instants, me demandant comment je vais faire pour l’oublier. Puis soudain une idée germe dans mon esprit. Je détourne mon regard de celui de mon crush. Je suis triste à cause de ce que je vais faire, mais je n’ai pas le choix. Tout me l’impose : l’arrivée de Karina, le scandale, mes sentiments naissants pour Felix.
* * *
Vers minuit, après avoir passé ma soirée à discuter avec Karina et Felix, je rejoins la chambre du dernier. Je fixe nos lits séparés de quelques centimètres et soupire. Je fais glisser mon short pour en enfiler un plus fin et plus large pour dormir, puis je retire mon débardeur. Je remplace mon soutien-gorge par une brassière de sport et fouille dans mes affaires pour trouver mon t-shirt de pyjama.
La porte coulisse à ce moment-là et Felix entre. Il se fige.
- Oh, excuse-moi, je croyais que tu étais aux toilettes. Je sors, tu…
- Non, t’inquiète pas. C’est bon, rentre.
Ce n’est pas la première fois qu’il me voit en brassière de toute façon.
- Eh, Felix, t’as pas vu le t-shirt hyper large ? Tu sais, blanc, avec un chat. Celui qu’on a acheté la dernière fois pour me servir de pyjama.
Mon ami balaye la pièce du regard avant de me fixer comme s’il avait eu une révélation.
- Karina l’a mis à laver tout à l’heure parce qu’elle l’a trouvé dans sa chambre et qu’elle savait pas ce que c’était. T’en as pas d’autres ?
Je secoue la tête. Son regard passe rapidement sur ma silhouette avant de remonter vers mon visage. Il s’accroupit près de ses affaires et en sort un t-shirt blanc, presque transparent.
- Je le portais quand j’avais seize ans. Ça devrait t’aller.
- Merci.
Je l’enfile. On voit ma brassière noire à travers, mais ce n’est pas important. Alors que nous nous mettons dans nos futons et que Felix éteint la lumière, je me rappelle mon idée.
- Felix.
- Quoi ? répond-il en chuchotant.
- Je… je devrais repartir en France. J’ai assez abusé de ton temps et de ton argent. Et puis, j’ai mis ta réputation en danger avec le scandale. Je… je retourne en France. J’ai assez d’argent pour me payer mon billet d’avion.
Il ne répond pas, mais j’entends le bruissement de ses draps. La lumière bleue de son écran illumine la pièce et Felix allume le flash de son portable pour l’orienter vers moi. Il se redresse, l’expression paniquée.
- Quoi ?
- Je retourne en…
- Tu ne peux pas faire ça, coupe-t-il. Ces trois mois n’ont pas été perdus, puisqu’ils ont été passés avec toi. Et mon argent, je t’ai déjà dit qu’on s’en foutait.
Je suis horrible. Je suis égoïste. Je sais très bien que je fais ça juste parce que j’ai trop peur de tomber amoureuse.
- Felix…
- Non, écoute-moi. Pourquoi est-ce que tu partirais ? On n’a même pas passé six mois ensemble. T’as pas vu la moitié de ce que je veux te montrer. Si c’est le scandale qui t’inquiète, ne t’en fais pas, ça va se régler. Je ne veux pas que tu partes. J’ai envie que tu restes avec moi, Suhua Liu.
Je distingue ses joues rouges dans la pénombre, son visage légèrement éclairé par le flash de son portable.
- Qu’est-ce qui t’inquiète ? souffle-t-il.
- Felix. Je…
Mon cœur bat à vive allure. Je sens mes joues cramer.
- C’est le scandale ?
- Non.
- Karina ?
- Non plus.
- Alors quoi ?
Je soupire.
- Felix, je… j’ai juste trop peur de finir par tomber amoureuse de toi.
Ma respiration se bloque. Felix ne dit rien, je n’ose même pas tourner la tête vers lui. Je ne peux pas croire que je lui ai dit ça.
- Oublie.
- Euh… D’accord.
Il éteint le flash et repose sa tête sur son oreiller.
- Bonne nuit.
- Merci, toi aussi.

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