Chapitre 33 - Felix

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1er mai – 17 heures 01

Fukuoka

Suhua entre dans la pièce, dans un maillot de bain de Karina. Je l’attends, assis sur un des lits, les jambes croisées, déjà dans un peignoir blanc.

Je reste silencieux en la voyant débarquer. Mon regard se pose sur sa poitrine presque découverte, qu’elle tente de cacher avec ses mains, et je déglutis. Je l’observe lentement puis lui propose de lui prêter un peignoir. Suhua accepte, les joues rouges.

J’espère qu’elle n’est pas gênée parce qu’elle a honte de son corps. Parce qu’il est magnifique.

Je lui tends un peignoir blanc qu’elle enfile. Il lui arrive en-dessous des genoux, mais c’est très mignon.

Nous rejoignons le spa de l’hôtel. Karina retire son peignoir, à l’aise, et se plonge dans l’eau brûlante. Après un moment d’hésitation, je fais comme ma grande sœur. Suhua trempe ses orteils dans l’eau, le peignoir serré autour d’elle comme une protection. Elle le retire lentement et se cache dans l’eau chaude.

Elle pousse un petit soupir quand son corps entier y trempe.

- Ça fait du bien…

- On est en mai… Déjà, soufflé-je. Bientôt, on va préférer les bains froids.

Suhua hausse les épaules. Karina fait la discussion en parlant de son ex (qu’elle a gardé trois jours) et du fait qu’elle a eu raison de le plaquer. Les yeux de Suhua se posent sur le bassin servant plus à s’amuser qu’à se détendre.

Puis elle pose son regard sur moi avec un sourire malicieux.

- Bon, vous vous en fichez… Allez vous amuser comme des gamins, c’est bon, grommelle Karina.

Suhua se lève et rejoint presque en courant le bassin. Je la rejoins, me remémorant notre course poursuite au camping d’Osaka.

Les enfants du bassin nous fuient en nous jetant des regards noirs, mais on s’en fiche. Suhua tente de me couler, morte de rire, oubliant sa gêne par rapport à son maillot de bain. Elle enfonce ma tête sous l’eau et j’en profite pour soulever ses jambes. Elle hurle et s’agrippe à mes cheveux trempés avant de tomber dans l’eau dans un gros PLOUF sonore.

Suhua donne un coup de poing dans mes abdos, mais ses articulations craquent sur la surface dure de mes muscles contractés. Elle s’amuse à me frapper le ventre jusqu’à souffler.

- Tu fais de la muscu ou quoi ? Tu cherches à séduire qui, avec des abdos pareils ?

Attention, question piège.

- Ben, personne, mais je me suis mis à faire de la muscu après avoir dormi sous tente avec toi. Tu bouges tellement que j’ai eu l’impression de me faire rouler dessus par un tractopelle, alors j’ai renforcé mon torse.

- Imbécile.

Suhua se jette sur moi et je glisse. J’émerge ma tête de l’eau et frotte mes yeux.

- Tu sais nager ?

- Quoi, pourquoi ?

Je souris malicieusement avant de glisser mes mains sous ses cuisses et autour de ses épaules. Elle frissonne, et je ne sais pas si c’est parce que je sors son corps de l’eau chaude ou si c’est parce que je la touche.

Toujours en la portant, je m’avance vers l’endroit le plus profond, soit deux mètres.

- Non, Felix, ne fais pas ça.

Elle s’agrippe à mon cou, tirant sur mes cheveux au passage.

- Sinon quoi ?

- Sinon je te déteste.

- J’ai réussi à devenir ton ami, je peux réussir une deuxième fois.

- Felix, non.

Je ris.

- Tu sais nager ?

- Oui, mais non.

Je la lâche. Elle s’agrippe à moi et enroule ses jambes autour de mon bassin, en position koala.

- Felix, tiens moi, j’ai pas assez de force.

- Ok.

Je pose mes mains sur sa taille pour la soutenir. Ses ongles se plantent dans ma nuque.

- Ça va pas, ou quoi ?!

Je fixe ses lèvres entrouvertes, où une goutte d’eau perle. Contrôlé par je-ne-sais-quoi, je pose mes lèvres sur les siennes. Le baiser est bref, mais mon cœur bat à vive allure.

Suhua me fixe, les yeux écarquillés.

- Felix…

- Laisse-moi t’expliquer. En gros, quand tu passes du temps dans une piscine avec une personne, faut l’embrasser, sinon y a une malédiction. Tu rêves de la personne sept jours d’affilé.

Qu’est-ce que je raconte ?

- Mais là… C’est toi, donc c’est plus des cauchemars. Donc j’ai pris les mesures nécessaires.

Suhua me fixe, incrédule. Elle sait très bien que je mens. Pourtant, elle n’en dit rien.

- Comment ça, des « cauchemars » ?

- J’ai pas envie de rêver de toi, moi !

Je la lâche d’un coup, conscient que Karina a tout vu. Suhua tombe dans l’eau. Elle émerge quelques secondes après et me fusille du regard.

- Je t’ai dit de ne pas me lâcher !

- Excuse-moi…

Suhua sort de l’eau et rejoint Karina en se plaignant que je suis un gamin irresponsable. Ma grande sœur soutient son avis.

Je m’assois sur le rebord du bassin et prends mon visage entre mes mains, me demandant ce que j’ai foutu.

Quel genre de mec embrasse une fille et après lui sort que c’était pour éviter de rêver d’elle ?

* * *

- Tu es trop nul, en amour, me dit Karina.

Je suis allongé sur son lit. J’ai laissé la chambre à Suhua pour qu’elle se douche, et je suis parti rejoindre ma grande sœur.

- Pourquoi tu lui as pas dit à ce moment-là que t’étais amoureux d’elle ? Je veux bien vous pousser dans les bras l’un de l’autre, mais faut aussi faire des efforts !

- J’en sais rien, j’ai paniqué.

- Felix ! C’est clair comme de l’eau de roche que ton amour est réciproque, qu’est-ce que tu attends ?!

- Je te dis que je sais pas !

Je souffle. Karina vient s’asseoir à côté de moi.

- Secoue-toi un peu ! C’est la première fois que je te vois amoureux, j’ai trop envie de savoir la suite. C’est encore plus passionnant que les dramas que je regarde.

- Et qu’est-ce que je suis censé faire ?

- Toi, rien. À part l’accueillir à bras ouverts. Parce que j’ai un plan, figure-toi.

Les plans de Karina sont souvent foireux, j’avoue que j’ai peur.

- Je l’emmène boire un coup : elle est ivre. Elle rentre, elle t’avoue ses sentiments. Vite fait bien fait.

- Tu es folle. Ne fais pas boire Suhua jusqu’à ce qu’elle soit ivre morte, sinon je te renie.

- Eh bah renie-moi. Tu verras que ça marchera. Ce soir-là, tu restes dans ta chambre. Je m’occupe de Suhua. Et basta !

- Tu me soûles, en fait. Je vais retourner dans ma chambre.

- Plaque-la contre un mur ! hurle Karina quand j’ouvre la porte.

Je lève les yeux au ciel.

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