Chapitre 39 - Suhua

7 minutes de lecture

19 mai – 10 heures 54

Kijima Amusement Park

Felix glisse. Je m’accroche à lui, le cœur battant. Sa présence dans mon dos, son souffle chaud sur ma nuque, tout me rassure. On arrive en bas du toboggan. Il fait noir. Totalement noir. Je ne discerne rien. Pas une porte, pas un couloir.

Ce manoir va me faire devenir claustrophobe.

- Felix. Tu es où ?

C’est stupide comme question, parce que je sens toujours son corps dans mon dos et ses mains sur ma taille, mais j’ai peur.

- Je suis là, chuchote-t-il.

Je sens qu’il passe devant moi. J’attrape sa main alors qu’il cherche avec ses doigts par où aller. Il trouve un couloir et m’indique de le suivre.

- Mais je ne te vois pas, dis-je, la voix emplie de panique.

Je sens soudain son corps près du mien.

- Je t’ai dit que j’étais là.

- J’ai peur.

- Suhua… Il faut trouver la sortie.

- C’est bientôt fini ?

- Oui.

Je pousse un soupir de soulagement.

- Felix…

- Oui ?

- Porte-moi. Sur ton dos. S’il te plait.

Felix ne dit rien mais je sens qu’il me soulève du sol. Je m’accroche à son cou et plaque mon buste contre son dos, enroulant mes jambes autour de son bassin. Il tient mes cuisses, tandis que je m’accroche à son cou.

Il lâche ma cuisse gauche pour trouver par où passer mais la reprend vite.

Je me demande comment il se comporterait s’il était amoureux d’une fille, étant donné qu’il est déjà super attentionné avec son amie.

Lorsqu’il pousse une porte et que je vois enfin la lumière du jour, c’est un soulagement. Felix me repose par terre avec un léger sourire et je le remercie.

- On va faire les montagnes russes ? J’ai besoin de me détendre.

Felix hésite mais accepte. Nous rejoignons donc l’attraction que je veux faire et montons dans la wagon tout devant.

La meilleure place.

L’attraction démarre, et nous entamons la montée. Elle est hyper haute, c’est la première fois que j’en fais une aussi haute. En plus, la montée est lente, le stress est parfait. On voit tout le parking, la ville… C’est incroyable. Je jette un œil au parcours après. La descente est super raide, ça va être trop bien.

Je tourne la tête vers Felix. Il est tendu, les mains crispées sur la barre qui nous maintient assis.

- Felix, ça va ?

Il tourne la tête vers moi. La mine grave, il souffle :

- J’ai peur des attractions à sensations. Très peur.

Mon cœur s’arrête. Il jette un regard au vide et souffle.

- Mais, pourquoi tu ne me l’as pas dit ?

- Parce que tu avais l’air excitée à l’idée d’aller là.

Felix attrape ma main et la serre.

- Tu me permets de la tenir ?

- Oui…

Il ferme les yeux et tente de calmer sa respiration.

- Felix, pourquoi tu as tenu à monter ? Il suffisait de me prévenir. J’aurais compris.

- Suhua Liu.

- Quoi ?

Il ne dit rien. Nous arrivons en haut de la montée, face à la descente la plus raide que je n’ai jamais vue. Je pose mes yeux sur nos mains entrelacées.

- Je t’aime.

Je tourne la tête vers lui, choquée, le cœur battant. Je n’ai pas le temps de répondre, le wagon chute et enchaîne les montées, descentes, virages et loopings.

Felix a les lèvres serrées, il écrabouille mes doigts.

Nous descendons de l’attraction. Je revis, mais Felix n’a pas l’air du même avis, il a le teint un peu vert. Soudain je repense à ce qu’il m’a dit.

« Je t’aime ».

Felix Nagashi est amoureux de moi.

Je tourne la tête vers lui. Il ferme les yeux et expire lentement. Je profite du fait que ses paupières sont closes pour me jeter dans ses bras. Surpris, il fait quelques pas en arrière.

- Suhua, qu’est-ce que tu…

- Je t’aime aussi.

Il y a un petit temps avant qu’il ne réalise ce que je lui dis et passe ses bras autour de ma taille pour me serrer contre lui.

Felix se décale légèrement puis se penche vers moi.

- Je peux… ?

Je hoche la tête et Felix comble la distance qui nous sépare. Ce n’est pas la première fois qu’il m’embrasse, pourtant j’ai l’impression que si. Disons que c’est la première fois qu’on s’embrasse en sachant tous les deux que notre amour est réciproque.

Nos lèvres s’entrouvrent et sa langue rencontre la mienne pour la première fois. Je frissonne et me serre plus dans ses bras.

- Wow, tu fais tout comme les français, toi. Tu parles français, tu manges français, tu embrasses à la française… soufflé-je contre ses lèvres.

- Que veux-tu, je suis passionné par cette culture, répond-il avant de m’embrasser à nouveau.

Je m’écarte soudain, les joues brûlantes.

- Felix, on est en plein milieu d’un parc d’attractions.

Il sourit.

- En effet.

Je sors mon portable de la poche de ma jupe. Il est onze heures trente-deux. Je propose à Felix d’aller manger maintenant et il accepte.

Je ne suis pas gênée avec lui, nous sommes encore naturels, mais je sens que quelque chose a changé entre nous.

Merde, j’arrive pas à le croire. Felix m’aime !!!

Je souris, trop heureuse, et attrape sa main pour entrelacer ses doigts au mien. On achète des sandwichs puis on s’assoit sur un banc.

- Tu… tu m’aimes depuis quand ? demande-t-il.

- Oshino Hakkai. L’épisode des salicaires, je pense. Et toi ?

Felix sourit comme s’il était coupable.

- La tour de Tokyo.

Je hausse un sourcil.

- Quoi ? articulé-je. Felix, c’était en février.

- Et ?

- Et nous sommes en mai.

- Et ?

- Et ça fait longtemps !

Felix hausse les épaules.

- Pourquoi tu ne me l’as pas dit avant ?

- Je t’ai embrassée au début du mois. Tu aurais pu comprendre. Et je te l’ai dit.

- Non, tu ne me l’as pas dit.

- Si. Deux fois. Lors de notre dernière nuit à Osaka. Tu t’es endormie sur mon épaule et je te l’ai dit. La deuxième fois, à Oshino Hakkai.

- Un : je dormais. Deux : quand ?

Felix sourit avec gêne.

- En coréen. Je t’ai pas vraiment balancé des syllabes au hasard. Ce que je t’ai dit, ça voulait dire « je tiens à toi. Je t’aime. ».

Je décale une de ses mèches décolorées de sa joue et dépose un léger baiser sur sa peau rosée.

- T’as des tâches de rousseur ? demandé-je en m’éloignant.

- Très légères. Et seulement sur les joues, toutes petites.

Je hoche la tête. L’après-midi, nous enchaînons les attractions un peu moins fortes pour digérer, et il est dix-neuf heures quand je demande à Felix s’il veut refaire les montagnes russes.

- Tu es folle ? Tu veux vraiment que je vomisse, en fait.

- Non, je veux juste que tu me redises « je t’aime ».

Felix ouvre la bouche puis la referme.

- Je n’ai pas besoin d’être dans des montagnes russes pour te le dire…

- Hein ?

- Deux. D’ailleurs, tu ne t’es jamais demandée pourquoi on appelait ça des montagnes russes ? Genre, on est au Japon, et on dit « montagnes russes ».

Je secoue la tête avec un sourire.

- Non, je me suis jamais demandée.

- Tu aurais dû.

- Pourquoi ?

Il hausse les épaules.

- Je ne sais pas.

Felix attrape ensuite son portable et me dit que Karina nous attend à la sortie du parc d’attractions. On rejoint donc sa sœur qui ne nous demande rien. Je ne sais pas si elle a compris.

- Tu as fait quoi, oneechan ? questionne Felix pendant que j’appelle un taxi pour rentrer à Fukuoka.

Karina sourit malicieusement, passant une main dans ses cheveux courts.

- Je suis allée dans un bistrot… J’ai dragué un homme…

- Oneechan… Tu t’es encore retrouvée dans le lit d’un inconnu ?

Karina croise les bras.

- C’était pas dans son lit, déjà.

- Oui, enfin le comptoir de la cuisine ça marche aussi. T’as compris ce que je voulais dire.

- Le comptoir de la cuisine c’est dégueulasse, Felix. Très sexy, cela dit. Tu sais, la fille est assise, jambes…

- Je ne veux pas savoir.

- Bref, c’était dans les toilettes du bistrot, en dix minutes.

Karina souffle et regarde ses ongles, dubitative.

- Pas mon meilleur coup.

Je raccroche pile à ce moment-là. J’ai tout écouté à leur conversation, et j’avoue que je suis choquée par l’attitude de la grande sœur de Felix. Je ne pensais pas qu’elle était ce genre de filles.

- Et toi, Suhua ?

Je relève la tête.

- Quoi ?

Karina s’approche de moi et passe son bras autour de mes épaules.

- Ton meilleur coup. C’était quand ? Avec qui ? Quoi ? Comment ?

Je rougis subitement.

- Karina, je n’ai jamais…

- Oh, wow, ni toi ni Felix ne savez profiter de la vie. Le plus important, c’est l’alcool et la drague. Sérieusement, Suhua, tu as vingt-deux ans, tu es jeune, belle, célibataire, assez sexy… Pourquoi tu t’es jamais lancée ?

Felix attrape mon poignet pour m’éloigner de sa sœur qui ne doit pas être très sobre.

- Ne l’écoute pas. Ne va pas coucher avec n’importe qui.

- Oh, Felix est jaloux, rit Karina.

La sœur de Felix part vers le taxi qui vient d’arriver et attrape son portable dans la poche de son short. Nous la rejoignons sur la banquette en cuir et indiquons le Grand Hyatt Fukuoka au chauffeur.

Annotations

Vous aimez lire Ella AA. ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0