Chapitre 52 - Felix
1er juillet – 14 heures 37
Otaru
Nous avons loué une maison sur une falaise de la ville côtière. La peinture vert pastel de la façade s’écaille, il y a un porche et des poutres blanches. L’intérieur de la maison sent le sel, la mer et le bois. Il y a deux salles de bain, trois chambres, une cuisine immense et un salon-salle à manger.
Suhua et moi partageons la plus grande chambre, tandis que Karina choisit celle dont la fenêtre donne sur la mer.
Nous voyons la plage depuis le salon, et lorsque je rejoins cette pièce après avoir posé mes valises, je tombe sur Suhua et Karina en pleine discussion.
- On récapitule. Noah. Bronzé. Cheveux blés. Yeux vert océan. Abdos. Voix sensuelle. Guitare. Cocktails. Surf.
- Vous êtes encore là-dessus ?
Suhua tourne la tête vers moi et je l’observe : sa robe large orange pastel, ses cheveux bruns relevés en chignon désordonné.
- Feliiiix.
Ma petite amie se lève et vient se placer entre mes bras.
- Tu penses qu’on peut encore être sexy à trente ans ?
- Si on s’appelle Felix Nagashi, oui, réponds-je avec un sourire.
- Ouais, sauf que Karina va pas aller dans le futur pour draguer son petit frère. En plus, tu es déjà à moi.
- Suhua, la description du fameux Noah donne l’impression qu’il a dix-huit ans. Et puis, tu le trouves vraiment sexy ?
- Wow, t’es jaloux d’un mec qui n’existe même pas.
Je serre Suhua contre moi et pose mon front contre le sien.
- Et alors ? La jalousie est une preuve qu’on tient à l’autre.
- C’est aussi un des défauts principaux des taureaux. Le signe lunaire prend parfois le dessus, Felix. Ne l’oublie pas. Et sinon, je te rassure, Noah c’est pour Karina, pas pour moi.
- Ah, tu veux caser ma sœur avec un lycéen.
Suhua grimace. Karina s’approche de nous et m’arrache ma petite amie des bras pour passer son bras autour de ses épaules.
- Bref. Pendant que tu vis ta vie à la maison, Suhua et moi, on va aller se chercher des maillots de bain sexy.
- Range la maison en attendant, propose ma petite amie.
- Il sait pas le faire. Non, prépare-toi psychologiquement à voir Suhua débarquer en mode trop sexy.
Ma petite amie me lance un regard paniqué et je souris. Ça me rassure de savoir qu’elle ne compte pas réellement revenir avec pour maillot de bain un string et deux petits triangles pour cacher ses seins.
- On revient ! hurle Karina en attrapant les clés de la voiture qu’on a louée pour ce mois à Otaru. Suhua, ramène tes fesses !
Cette dernière m’embrasse rapidement avant de disparaître rejoindre ma sœur. Je suis content de voir Karina et Suhua s’entendre à nouveau. Elles sont drôles ensemble, et même si je fais semblant que ça m’énerve, ça m’amuse quand elles se liguent contre moi.
Étant donné que mon ego a été blessé quand Karina a dit que je ne savais pas ranger, j’observe la maison. Les propriétaires nous ont prévenus qu’ils n’ont pas eu le temps de faire le ménage dans l’habitation à cause d’une autre maison qu’ils devaient faire louer. Le parquet est donc plein de sable.
Je fouille à la recherche d’un aspirateur, mais tout ce que je trouve est un balai.
Les propriétaires auraient dû se le mettre là où je pense. Depuis quand on a la flemme de faire le ménage dans une maison qu’on fait louer ?
Je me mets donc à passer le balai, m’énervant toutes les dix secondes parce que le sable tombe entre les lattes du plancher abîmé. Je finis par laisser tomber et me rends dans la salle de bain, ce que je regrette aussitôt.
- Depuis quand cette pièce n’a pas été aérée ?
Je m’avance vers la fenêtre et l’ouvre, constatant ensuite l’état de la douche. Tout le bord en silicone est parti, il y a de la moisissure dans les coins et du calcaire sur les parois.
- Je suis censé faire le ménage ou des réparations, sérieusement ? C’est quoi cette maison pourrie ?
Ça ne me donne même pas envie de nettoyer, mais j’ai un minimum d’hygiène et je n’ai franchement pas envie de me laver entre des champignons et du tartre. J’attrape donc des gants en latex et de la javel, et je récure la douche. Je m’intoxique avec les produits chimiques et tousse plusieurs fois, mais au moins, quand je me redresse, la douche a retrouvé un beau blanc immaculé et brillant. Maintenant, il faut s’attaquer au lavabo et aux toilettes.
Je vais me jeter du haut de la falaise.
Je m’attelle au nettoyage du lavabo et des toilettes. Je manque de vomir quand j’ouvre ces derniers. L’odeur est répugnante.
Je suis vraiment en train de faire le ménage pendant que ma petite amie et ma sœur font les magasins. Où va ma vie ?
Je termine la salle de bain sans vomir – un exploit – et j’en sors presque en courant, après avoir abusé du désodorisant aux agrumes au-dessus des toilettes. Je referme la porte puis me tourne vers le reste de la maison. Le salon et les chambres sont propres et rangés, mais c’est autre chose dans la cuisine.
- Je suis peut-être bordélique, mais au moins je suis propre, grogné-je en ouvrant le frigo.
Alors que je nettoie les différentes planches du réfrigérateur, j’entends la porte s’ouvrir et les voix des deux lâches en train de piailler. Je les rejoins dans l’entrée et croise les bras.
- Je vous signale que pendant que vous faisiez des petits achats, je nettoyais des toilettes douteux et une salle de bain dégueulasse. J’attends des excuses.
- Non, attends, t’as vraiment rangé ? rit Karina en posant leur sac en papier où se trouvent probablement leurs nouveaux maillots de bain.
- Te fous pas de ma gueule, j’ai souffert !
Suhua sourit et s’avance pour déposer un baiser sur ma joue.
- Bravo, Felix, tu auras une médaille.
- Bon, sinon, je te montre le maillot de bain que j’ai choisi, otōto ? Noah va être dingue de moi.
- Je l’ai aidée à choisir, sourit Suhua.
- Non, mais vous vous rendez compte de ce que vous racontez ? marmonné-je.
Karina disparaît dans sa chambre pour enfiler son nouveau bikini. Pendant ce temps, Suhua se rend dans la salle de bain.
- Wow, Felix, t’as vidé la bombe de désodorisant ?
- Presque. C’était l’enfer, ici. Ça sentait les égouts.
- Ok. Je te plains. Ça me rappelle quand je faisais le ménage dans les toilettes du resto de ma mère.
- T’étais serveuse ou femme de ménage ? plaisanté-je.
- Les deux.
- C’est bien, si tu comprends ma souffrance. Je mérite une petite récompense.

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