Chapitre 54 - Felix
2 juillet – 10 heures 47
Otaru
J’ouvre les yeux et découvre le lit vide. Les draps sont froids, signe que Suhua est partie il y a longtemps déjà. Je me redresse et frotte mes yeux. La chambre est encore plongée dans le noir, ma petite amie n’a pas ouvert les volets.
Je sors de la pièce à la recherche de Karina et Suhua, mais elles sont introuvables. En tout cas, elles ont laissé dans l’évier la vaisselle qu’elles ont utilisée pour prendre leur petit-déjeuner. Je trouve un petit papier à la place de Suhua. Elle m’a écrit un petit mot en mélangeant du français et du japonais, ce qui me fait sourire.
Coucou Felix
Ta sœur m’a embarquée à la plage dès 8 heures, et elle voulait pas que je te réveille, donc désolée si tu t’es retrouvé tout seul dans le lit ce matin :)
Rejoins-nous s’il te plaîîîît !!!
XOXO, Suhua >3<
Je repose le papier et me dirige vers le frigo pour manger quelques crevettes. Je me fais aussi couler un café, que je bois en regardant les nouvelles publications de Suhua sur Instagram. Ma petite amie a publié un selfie avec Karina. Ma sœur sourit, tandis que Suhua a les yeux fermés et rit.
J’éteins mon téléphone et me lève pour aller m’habiller. Je décide de mettre un maillot de bain, en-dessous d’un pantalon bleu, d’un débardeur blanc et d’une veste accordé à mon pantalon. Je coiffe rapidement mes cheveux décolorés puis me brosse les dents, avant de mettre des chaussures et de fermer la maison à clé.
Je descends toute la falaise jusqu’à la plage. Il y a un coin rempli, mais celui qu’ont choisi Karina et Suhua est vide, avec deux trois personnes seulement. Je les repère dans la mer, l’eau leur arrivant à mi-cuisse. Elles jouent à s’arroser, à se faire éclabousser par les vagues. J’entends leur rire d’ici.
Karina est la première à me voir. Elle me fait de grands signes pour me dire d’approcher, alors que je suis déjà en train de marcher vers elle, sur le sable pour ma part. Suhua se retourne et me voit, elle me fait « coucou » aussi avant d’avancer vers moi. Je retire mes chaussures et les pose à côté des siennes, puis je patauge dans l’eau. Ma petite amie arrive vers moi en riant, preuve qu’elle est de très bonne humeur aujourd’hui.
- Felix !
Suhua me serre dans ses bras trempés et je lui rends son étreinte, respirant son odeur corporelle, mélangée à celle de son shampooing menthe poivrée-framboise, et à celle du sel et de la mer.
- Ça va ? demandé-je.
Elle hoche la tête et se met sur la pointe des pieds pour m’embrasser.
- Je suis contente de te voir.
- Moi aussi.
- T’as pris ton maillot de bain ? questionne-t-elle en penchant la tête sur le côté.
- Oui.
- Alors dépêche-toi de retirer tes vêtements et viens dans l’eau avec nous.
Je lâche Suhua, retournant sur le sable pour retirer mes vêtements. Ensuite, je rejoins Suhua, qui est déjà auprès de ma sœur.
- L’eau est gelée, dis-je en arrivant à leur hauteur.
- On s’habitue, sourit Karina.
On avance un peu plus loin. L’eau arrive désormais juste en-dessous de mes pectoraux, soit au niveau du menton de Suhua et des épaules de Karina. Je tourne le dos à ma petite amie et me baisse légèrement.
- Monte.
- Oui !
Elle grimpe sur mon dos, enroulant ses jambes autour de ma taille et accrochant ses mains sur mes épaules. Je la soutiens en la tenant par les cuisses et je continue de rentrer dans l’eau.
- Oh ! hurle Karina. J’ai plus pieds, là.
Suhua rit en lâchant mes épaules et levant ses bras.
- Tiens-toi, tu vas tomber.
- Allez, porte moi sur tes épaules, demande-t-elle. Sauf si t’as pas assez de force.
- N’importe quoi.
Je la hisse sur mes épaules, et elle pose ses pieds sur mon ventre. Ses mains jouent avec mes cheveux et elle s’amuse à les tremper en les éclaboussant.
- Mon père faisait ça avec Karina quand elle était petite, lancé-je.
- Felix, Suhua ?!
Je me retourne, mes mains accrochées aux chevilles de ma petite amie. Karina a son téléphone braqué sur nous et elle prend une photo.
- Pour les souvenirs ! Je vous l’enverrai.
J’avance encore dans l’eau, jusqu’à ce que la mer m’arrive au cou. À ce moment-là, je fais demi-tour. Dès que Suhua a pieds, je la repose au sol et elle sourit.
- J’étais pas trop lourde ?
- Si, je pense que j’ai les épaules déboîtées.
Suhua me frappe puis m’envoie de l’eau à la figure. Je ferme les yeux et place mes bras devant mon visage, puis je me venge en lui faisant un croche-pied. Ma petite amie trébuche et tombe sur les fesses.
Quand elle se relève, elle a plein de sable humide sur le derrière. J’éclate de rire.
- Suhua s’est fait dessus ou quoi ? demande Karina qui n’a rien vu.
- C’est du sable, répond furieusement la brune en frottant ses fesses.
Karina rit à son tour et elle me donne une petite tape en lançant « bien joué ». Suhua me fusille du regard.
- Je te déteste.
- C’est enemies-to-lovers d’habitude, pas lovers-to-enemies.
- T’es trop chiant. Je suis moins contente de te voir, là. En plus, il reste du sable et j’arrive pas à l’enlever.
- Pardon, Suhua. Approche.
Je frotte le reste de sable sur ses fesses avant qu’elle ne se tourne vers moi.
- Tu m’achètes une glace pour te faire pardonner ? demande-t-elle en passant ses bras autour de ma nuque.
- Je t’achète tout depuis le début.
- T’as compris, soit pas chiant.
Je ris et enroule mes bras autour de sa taille pour l’attirer contre moi. Je dépose mes lèvres sur les siennes et l’embrasse lentement. Suhua se serre dans mes bras, jouant avec mes cheveux humides.
- Hm hm… se racle la gorge Karina.
Je me décale très légèrement des lèvres de ma petite amie et me tourne vers ma sœur.
- Il paraît que coucher avec quelqu’un sur une plage fait parti des trucs à faire, mais évitez, quand y a des gens autour.
Je souris et dépose un baiser sur la joue de Suhua avant de la lâcher. Elle s’enfuit poursuivre Karina en lui hurlant qu’elle gâche tous nos moments romantiques.
À treize heures, nous quittons la mer et nous rhabillons, après s’être séchés avec les serviettes que les filles ont apportées. Nous rejoignons ensuite la ville, sous un grand soleil. J’attrape la main de Suhua et entrelace nos doigts. Je la tire vers un marchand de glace et Karina nous suit, les mains sur les hanches.
- Vous comptez vraiment prendre une glace alors qu’on n’a pas encore mangé ?
- C’est pas important, sourit Suhua.
Je souris et fais la queue. Je demande à Suhua quel parfum elle veut et elle me dit de choisir pour elle.
- Si tu fais ça, je vais devoir essayer de t’initier au sorbet citron, Suhua.
- Pitié, pas ça. Tout ce que tu veux, mais pas ça.
Je souris. Notre tour vient, et je prends à Suhua une glace à la rose et à la grenade, qui a une couleur rouge-violet. Je lui tends en lançant :
- Glace à la betterave.
- Tu ne tiens pas à moi ? minaude-t-elle. Tu veux me voir mourir ?
- Tu m’as dit que ça ne te tuerait pas.
- Ben, si, quand même, y a des risques.
- Probablement, oui. Bref, prends ta glace, tu sais très bien qu’elle n’est pas à la betterave, tu m’as vu commander. Tu me diras si c’est bon.
- Ok !
Elle accepte le cornet et sort un petit bout de sa langue pour lécher la glace. Elle fait ensuite des petits bruits exagérés avec sa bouche avant de hocher la tête.
- C’est bon.
- Tant mieux.
Je me prends un sorbet citron et demande à ma sœur si elle veut quelque chose. Elle refuse, disant qu’elle part dans un bar à cocktails.
- J’ai besoin d’un spritz. Voire trois. On se rejoint à la maison tout à l’heure.
Ma grande sœur disparaît à la recherche d’un endroit où elle pourra se trouver de l’alcool.
- Karina-l’alcoolo est de retour, souris-je en m’éloignant du marchand de glace.
- C’est même pas bon, les spritz. Ça doit être marrant de voir sa sœur se bourrer tout le temps, alors qu’on est intolérant à l’alcool. Ça fait un peu les deux opposés, tu vois.
- De toute façon, je n’aime pas l’alcool. Intolérant ou pas, je ne sais pas si j’en aurais bu.
- Bah, y a des cocktails qui sont bons, mais boire du vin ou de la bière comme ça, je peux pas, répond Suhua.
Nous nous asseyons sur un banc pour manger nos glaces. Mon téléphone vibre mais je n’y fais pas attention. Je fixe Suhua, qui lèche sa boule grenade-rose avec beaucoup de concentration.
- Suhua.
- Quoi ?
- Ça te plaît, le Japon ?
- Ouais, trop.
- Quelle est la ville que tu as préférée ?
Le regard de ma petite amie se perd au loin. Elle réfléchit quelques instants.
- Fukuoka ou Osaka. Osaka, j’ai surtout aimé l’ambiance du camping. Fukuoka, c’était trop beau, et en plus, c’est là où on s’est mis ensemble… J’ai beaucoup aimé Nagasaki, aussi. Et Tokyo. Pareil pour Kyoto. Et Oshino Hakkai.
- Suhua, tu viens de citer toutes les villes où nous sommes allés.
- Je sais, mais c’est trop dur. Mais je crois que j’ai préféré Kyoto. L’ambiance était calme, et même si on était en janvier, c’était magnifique. Ça doit être encore plus joli au printemps, quand tous les cerisiers fleurissent. Et ta villa là-bas est incroyable.

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