Chapitre 56 - Suhua

6 minutes de lecture

3 juillet – 8 heures 34

Otaru

Je me réveille. Je viens de passer ma première nuit sans Felix depuis quelques semaines, et ça fait bizarre. Déjà, le lit est froid. Ensuite, personne ne me serre et je ne sens pas son odeur, son souffle. Honnêtement, ça me fait un peu mal, mais c’est le temps que je m’habitue à son absence. Le quitter était la chose à faire, non ? Ça me fait suffisamment mal de le quitter maintenant, alors le faire après, quand je serai encore plus attachée ? Non merci.

Je me recroqueville dans le lit et attrape la couverture, que j’enroule avant de me blottir dessus. Je me répète que c’est comme si c’était Felix, que c’est une source de chaleur comme une autre, mais c’est n’importe quoi.

Je ne sens aucun cœur battre. Aucun souffle sur moi. Aucune lèvre se presser sur mon front.

Je sors du lit en rejetant la couverture, frustrée, et rejoins le couloir. C’est le moment que choisit Felix pour sortir lui aussi de sa chambre, qui était avant la notre. Je le détaille rapidement du regard et mon cœur se serre. La douleur se répand en moi alors que ses yeux croisent les miens. Ses prunelles brunes sont remplies de tristesse, mais il baisse immédiatement le regard.

Felix disparaît dans la salle à manger, et je le suis, décidée à prendre mon petit-déjeuner. Karina dort encore, je l’entends ronfler d’ici, cassant le silence de la maison.

Mon ex sort ce qu’il mange d’habitude puis se dirige vers la machine à café. Je m’installe à table et attrape une tranche de pain pour la tartiner d’avocat, les yeux rivés sur la nourriture. Mon regard est attiré par Felix, qui s’affaire à préparer son café. Il est de dos, mais je le vois quand même placer une tasse sur la machine et cliquer sur les boutons.

Je recentre mon regard sur la table en pestant intérieurement que je suis une idiote, lorsqu’une tasse apparaît dans mon champ de vision. Je relève la tête et la pivote vers Felix. Il ne me regarde pas. Il se contente de retourner près de la machine à café pour se faire couler sa propre boisson.

J’attrape la tasse qu’il m’a passée et bois une gorgée. Il s’est même embêté à rajouter du lait.

- Merci, soufflé-je.

Je le vois se tendre immédiatement. Felix ne bouge pas, puis il se tourne vers moi.

- Je… de rien.

Il vient s’asseoir en face de moi, sa tasse à la main, et passe une main dans ses cheveux décoiffés. Mes yeux suivent son geste et je me surprends à remettre mes cheveux aussi, automatiquement.

- Suhua…

Je sursaute et mes joues virent au rouge.

- Felix, je suis…

- Je voulais juste te demander si tu pouvais me passer le pain, répond-il calmement, ses yeux posés sur un point derrière moi.

Je rougis encore plus tandis que je lui tends ce qu’il m’a demandé. Alors que nos mains ne doivent clairement pas se rencontrer quand je lui passe le sachet de pain, mes doigts avancent et effleurent les siens.

Pourquoi est-ce que je ne contrôle pas mon corps ?

Felix hausse un sourcil en posant enfin ses yeux sur moi.

- J’ai cru qu’il allait tomber, précisé-je.

- Ah… Ok.

Mon ex n’est pas stupide, il sait très bien que ce n’est pas ça. Je le remercie quand même de ne rien dire.

- On va où aujourd’hui ?

- Nulle part… On a le ménage à faire. Mais si t’as pas envie, tu peux sortir.

Je secoue la tête. Je ne veux pas risquer de me perdre dans la ville. Et de toute façon, j’ai envie d’être avec lui, même si c’est complètement stupide étant donné que je l’ai quitté.

Mon cœur n’arrête pas de s’accélérer dans ma poitrine.

Je balance mes jambes et lui donne accidentellement un coup de pied. Ce simple contact me donne des frissons et je tente de garder mon calme. J’ai tellement envie de ressentir tout son corps contre le mien.

C’est parce que votre rupture est encore fraîche. Ça va partir avec le temps.

Nous nous attelons au ménage sans même nous coiffer, brosser les dents et habiller. Felix nettoie les vitres pendant que je fais la vaisselle. Je frotte des tâches imaginaires sur une assiette blanche en espérant que je vais finir par souffrir pour une autre raison que ma rupture.

- Euh… Tu peux te décaler ?

Je relève la tête. Felix tient le chiffon servant à nettoyer les vitres et il désigne la fenêtre juste au-dessus de l’évier. Je bouge un peu tout en restant au-dessus de l’évier pour continuer à faire la vaisselle.

Mon ex se penche pour nettoyer la vitre, et je sens son odeur remonter jusqu’à mes narines. Odeur qui me manque déjà terriblement. Je lève un peu les yeux et pose mon regard vers l’écart entre son t-shirt et son torse à cause de sa position. J’ai clairement une pleine vue sur ses abdominaux et je dois user de toute ma volonté pour ne pas jeter des coups d’œil à son torse nu qui se trouve juste sous mes yeux.

Son bras contourne et entoure ma tête lorsque Felix nettoie la partie droite de la fenêtre, me forçant à me coller un peu à lui. Mon cœur, ce traître, bat à vive allure à mesure que le corps de Felix se plaque contre le mien.

Il fait exprès, c’est pas possible.

Le pire, c’est que ce contact me plait.

Felix finit par s’éloigner et j’éteins l’eau qui s’écoulait du robinet. Tandis que mon ex s’emploie à nettoyer la table, je sèche la vaisselle que j’ai frottée. Soudain, un verre s’échappe de mes mains et se brise au sol. Je sursaute et pousse un petit cri en reculant, sentant une douleur piquante se répandre sur la plante de mon pied.

Felix relève immédiatement la tête, un air inquiet peint sur le visage.

- Suhua. Tu vas bien ?

Je grimace.

- Je crois que j’ai marché sur un bout de verre.

Mon ex lâche son éponge et s’approche de moi. Je soulève mon pied, que je ne peux même plus poser au sol.

Le blond commence à se pencher légèrement, un de ses bras orientés vers mes genoux, puis il se redresse. Je comprends qu’il s’apprêtait à me porter.

Il aurait dû.

- Viens.

Felix se dirige vers le salon et m’indique le canapé, pendant qu’il part dans la salle de bain. Il revient avec une pince à épiler, des compresses et du désinfectant.

Il s’agenouille face à moi et me demande de poser ma jambe sur ses cuisses. Je m’exécute et Felix attrape mon pied qu’il oriente de façon à voir le bout de verre. Il prend ensuite la pince à épiler.

- Tu… Enfin, ça va peut-être te faire mal. Si je te fais trop mal, d’ailleurs, dis-le moi.

- D’accord.

Felix grimace en attrapant le bout de verre entre les deux bouts de la pince à épiler.

- Je vais essayer de tirer.

Il bouge l’éclat de verre avec délicatesse, si bien qu’il ne peut pas l’extraire.

- Je suis désolé, je… J’ai trop peur de te blesser.

Wow, tu parles de maintenant ou de notre relation ?

- Tu ne veux pas me faire mal, mais moi je l’ai déjà fait.

Voilà, démerde-toi avec cette phrase ambiguë.

Felix plante son regard dans le mien, et à travers la tristesse et l’inquiétude, j’y lis l’amour qui ne l’a visiblement pas quitté.

Je me demande si moi aussi je le regarde comme ça. Si lui aussi, il se rend compte que je suis toujours amoureuse.

- C’est pas grave. La douleur va partir, non ?

Il faut vraiment qu’on arrête cette discussion pleine de sous-entendus.

Felix tire sur le bout de verre et je gémis de douleur, mais il a retiré l’éclat et ça me rassure. Il s’applique ensuite à désinfecter la blessure, puis il s’assoit à côté de moi.

- Merci…

- Tu sais très bien que je serai toujours là pour toi. Peu importe ce qu’on est.

- De toute façon, je ne sais pas comment je suis censée te regarder autrement.

Je me lève. Cette conversation doit être oubliée. Sinon, je risque de faire une erreur.

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