7 novembre – 12 heures 23

Yokohama

- Et maintenant ?

- Direction le Cosmo World.

Je hausse un sourcil.

- C’est quoi ?

- Un parc d’attractions en bord de mer, dans le quartier.

Je plisse les yeux.

- Felix, tu as peur des montagnes russes.

- Et tu as peur du vide, pourtant tu es montée à la Landmark Tower.

Il a gagné.

Nous quittons donc le MARK IS Minatomirai en direction du Cosmo World. Il y a une grande roue, ainsi que pleins d’attractions à sensation qui ont l’air géniales. Le style du parc est un peu rétro, c’est magnifique. Je prends plusieurs photos seule et avec Felix, dont un selfie raté parce que mon petit ami a éternué et que je le fixais, prête à rire. Le cliché ne ressemble donc à rien, mais je le garde.

Nous regagnons les montagnes russes les plus petites, histoire de commencer en douceur. Felix est tendu, il regarde le parcours d’un œil inquiet. Quand je lui propose de laisser tomber, il refuse. Nous nous mettons donc dans la file et attendons. Je poste sur Instagram la photo du lever du soleil à la Landmark Tower, les photos du musée CupNoodles ainsi qu’une photo que j’ai faite devant un miroir au centre commercial. Mes followers exigent plus de clichés avec Felix, mais je ne compte pas le faire, même si c’est ceux qui reçoivent le plus de likes.

Au moment de monter dans le wagon, je pose mon sac à mes pieds et passe mes jambes dans les sangles pour le maintenir. Nous descendons la barre en métal sur nos cuisses et un homme vient vérifier qu’elle est bien mise.

L’attraction démarre dans un bruit de métal assourdissant, une petite musique en fond. Felix a les mains crispées sur la barre, ses jointures devenant blanches.

- Je te lance un défi.

- Quoi ?

- Ne ferme pas les yeux et ne te tiens pas.

- Suhua, tu es folle.

Alors que nous nous élevons et que nous commençons à distinguer le quartier Minato Mirai 21 et la mer, je bouge un peu pour me coller à Felix.

- Il ne va rien t’arriver.

- Si. Il va m’arriver que je vais ressortir en ayant envie de vomir et…

Felix ne finit pas sa phrase car nous descendons subitement. Le tour fait quelques virages puis ralentit. Mon petit ami est décoiffé, ses lèvres sont pincées.

- Tu vois, c’est fi…

Le wagon repart pour un autre tour et Felix, qui dramatise comme à son habitude, lance :

- Je vais mourir.

- Mais non.

Il marmonne quelque chose en regardant la hauteur à laquelle nous sommes.

- Eh, Felix.

Il tourne la tête vers moi, les yeux écarquillés. Je sens son souffle court, et je vois qu’il essaye de garder une contenance.

Je lui tends ma main, mais c’est mon bras qu’il agrippe. Il s’écarte soudainement de son côté, se retrouvant presque assis sur mes genoux.

- Quoi ?

- Là.

Il montre son siège, où une araignée a décidé de se promener. Énorme.

Merde.

- En plus, l’attraction fait du vent, et en Australie, y a des pluies d’araignées à cause du vent…

Un frisson traverse Felix. Même moi je ne peux rien faire, je suis paralysée. Mon petit ami me lance un regard, les yeux brillants.

- Je veux descendre.

Je grimace.

- C’est pas possible.

L’attraction part dans sa première descente, et les pattes de l’araignée se soulèvent légèrement. Felix pousse un petit cri et tourne la tête, fouettant mon visage avec ses cheveux.

Mon petit ami se crispe, toujours collé à moi. Il marmonne une insulte.

- Respire, Felix, respire.

- Je respire pas, je survis.

Le wagon prend un virage sec, puis ralentit pour de bon. Felix pousse un soupir de soulagement et saute du siège au moment où la barre se redresse. Je fais comme lui, après avoir récupéré mon sac. Un frisson me parcourt quand je pose mes yeux sur l’araignée.

- Je suis vivant, marmonne Felix.

- Et t’as même pas vomi.

Mon petit ami marche comme si ses jambes étaient en mousse, et moi, je ris en silence.

- Tu veux refaire un tour ?

- Suhua, je t’aime, mais je tiens à garder mes organes internes.

Je lève le bras et tapote sa tête, le décoiffant encore plus.

- C’est bien. Tu as été courageux.

Il attrape mon poignet au-dessus de sa tête et le redescend, puis Felix me tire contre lui d’un petit coup sec. Je me fais un croche-pied toute seule tout en me blottissant contre lui.

- Je remonterai plus jamais là-dedans.

- Rassure-moi, y a pas de manoir hanté ici, dis-je en levant légèrement la tête.

- Si.

- Felix.

- On y va ?

- FELIX !

- Je t’aime.

Il dépose un baiser sur mon nez puis s’en va en me tirant derrière lui en direction de la pire attraction inventée sur Terre.

Rien que le fait de faire la queue devant m’angoisse. Felix m’explique que l’ambiance est psychologique : les créateurs ont joué sur les ombres, les apparitions soudaines et les couloirs étroits.

Nous ouvrons la porte en bois qui grince, et nous sommes directement plongés dans le noir. J’attrape aussitôt la main de Felix.

- Tu ne me lâches pas, menacé-je.