Chapitre 72 - Suhua

6 minutes de lecture

25 décembre – 19 heures 28

Sendai

Karina et Robin s’embrassent sur le canapé quand Felix et moi sortons de notre chambre. On ne dit rien, étant très mal placé pour critiquer, et nous asseyons à côté d’eux.

- Bon ! On ouvre les cadeaux ? demande Robin, impatient.

- Ouais, répond Karina en se penchant vers le premier emballage à son nom.

Felix affiche un sourire et je comprends immédiatement c’est quel cadeau, parce qu’on l’a acheté ensemble. Je dissimule mon envie de rire tandis que Karina demande qui l’a offert.

- Moi, évidemment. Ton petit frère adoré.

- Ok, merci otōto, mais te connaissant, je préfère découvrir ce que c’est avant de dire que je t’adore.

Felix se renfrogne tandis que sa sœur déballe le cadeau. Elle vire au rouge quand elle voit ce que c’est et fusille Felix du regard.

- Quoi ?! Je prends soin de toi… Comme le gentil petit frère que je suis. Je t’évite d’être enceinte.

- J’y ai pas pensé, à cette blague-là, souffle Karina. Pourtant, avec le nombre de fois où on vous entend, j’aurais dû. Vous avez dû dévaliser le stock de la pharmacie.

Je ne réponds rien et Felix non plus. De toute façon, nous savons très bien que de nos deux couples, c’est celui de Karina et Robin qui remportent le nombre de fois, si on fait une moyenne de la fréquence et qu’on l’étale sur toute une année.

- Maintenant qu’on a fini de parler de l’intimité des uns et des autres, on passe aux vrais cadeaux ? suggère Robin.

C’est mal connaître la dynamique entre Felix et Karina, de dire ça. Ils passent leur temps à se lancer des piques là-dessus. La dernière fois, Karina a balancé à mon petit ami qu’il n’avait jamais couché avec quelqu’un avant le mois de mai, et que pourtant il avait atteint un nombre de fois légendaire.

Nous ouvrons quand même des vrais cadeaux. Robin se retrouve avec un verre à cocktail, une paire de chaussettes moches et une planche de surf, Karina avec une robe, un parfum, un nouveau porte-monnaie et les fameux préservatifs, Felix avec une veste Chanel, un jeu vidéo et des nouvelles bagues, et moi avec un livre (beaucoup trop) érotique, un collier et un béret.

- Bah voilà ! J’ai fait chauffé du vin, lance Robin. Qui en veux ?

- Je veux bien, répond Karina.

Je décline l’offre et Felix aussi, évidemment. Mon petit ami essaye mon béret et attrape mon livre, qu’il ouvre à une page au hasard.

- Est-ce que j’ai l’air d’un parisien charismatique et sensuel ?

- T’es même pas beau, c’est pas possible.

- Tu mens, tu me trouves magnifique.

- Je confirme ! hurle Karina depuis la cuisine.

- Que je suis charismatique et sensuel ?

- Non, que Suhua te trouve beau.

- C’est faux.

- Tu veux qu’on reparle de la fois où tu lui as sorti « t’es trop beau » en le regardant comme si c’était un dieu grec ?

- J’étais bourrée, réponds-je pour me défendre.

- On est très honnêtes, quand on est ivres, Suhua, sourit Felix.

Je grogne et récupère mes cadeaux pour aller les entasser dans ma valise. Mon petit ami apparaît dans l’angle de la porte et me fixe. Je me relève.

- Quoi ?

- Karina est en train de forcer Robin à regarder The Holiday. Tu veux le voir ?

Je secoue la tête. J’ai vu ce film de Noël avec ma mère quand j’étais en quatrième, et je ne l’avais pas aimé.

Je désigne ensuite la télé face au lit.

- On a qu’à regarder Love actually.

Felix hausse un sourcil et s’appuie contre la chambranle de la porte.

- C’est quoi ?

Je lui résume l’histoire sans lui spoiler tout le film. Je lui explique que c’est un film de deux heures et quinze minutes, ce qui me vaut un « Toujours plus long », qui racontent dix histoires d’amour distinctes toutes situées à Londres pendant la période de Noël, avec des liens entre les personnages.

- C’est super long. Il est déjà vingt heures, et on a même pas mangé.

- Bah on prend à manger dans la chambre, exceptionnellement. Ça finira à vingt-deux heures et quelques, ça va !

- Ok, c’est bon, souffle-t-il. Je vais chercher des nouilles instantanées.

- QUOI ?! m’offusqué-je. On va pas manger des nouilles instantanées à Noël !

Felix hausse les épaules.

- Y a rien d’autres dans la cuisine. Mais le dessert est meilleur, j’ai acheté des bonbons.

Je croise les bras.

- Il faut du chocolat, à Noël.

- T’imagineras que c’est du chocolat.

Je le frappe et il sourit en disant qu’il peut bien en piquer à Karina et Robin, qui ont en fait vidé les stocks. J’accepte et allume la télé pendant qu’il va préparer les nouilles et kidnapper du chocolat à sa sœur et son petit ami. J’installe les couvertures correctement et remplace mes vêtements pour mon pyjama, un jogging noir trop large et un sweat jaune pastel. Je retire aussi mes chaussettes et me jette sur le lit alors que je l’avais organisé.

Felix revient et je l’observe de haut en bas, fixant ses mains. Il dépose les pots de nouilles sur la table de nuit et me défend d’y toucher parce que c’est brûlant, mais aussi parce qu’il veut absolument celui au porc et qu’il me connaît par cœur : je comptais le prendre.

Je m’assois correctement et attrape les nouilles au porc pour l’embêter. Quand il réapparaît, je fais semblant de les manger lentement pour qu’il remarque bien que c’est celles qu’il voulait.

- Suhua Liu !

- Oui ? dis-je de façon innocente.

- Tu as pris les nouilles au porc !

- Il te reste celles au curry et au bœuf.

- J’aime pas le curry.

Il les attrape et observe avec attention les ingrédients pour vérifier qu’il y a bien du curry. Felix plisse les yeux parce que la liste est écrit en tout petit, puis il s’assoit à mes côtés et j’échange nos pots.

- Non, rends-moi celui au curry.

- Faut savoir ! m’énervé-je. Je croyais que tu n’aimais pas.

Felix le prend et tapote la liste d’ingrédients.

- Y a de la betterave.

- Ah. Ok. Merci, alors.

On commence à manger en lançant le film. Felix fait des commentaires toutes les deux minutes pour critiquer les actions des personnages, et même si je lui dis d’arrêter, il continue parce qu’il sait que ça me fait rire.

On mange le chocolat à moitié fondu parce que Felix a eu la bonne idée de le laisser à côté de la cheminée de la chambre, alors on en a plein les doigts et je le force à se lever pour aller chercher des serviettes.

Quand nous avons fini le repas, je me glisse sous la couverture et pose ma tête sur l’épaule de Felix. Il passe son bras autour de moi et me lance :

- Dors pas alors que c’est toi qui as choisi ce film.

- Mais non, mais non…

Pourtant, je somnole déjà. Je finis par m’endormir quand même.

Felix bouge son épaule légèrement et j’ouvre les yeux. Il est vingt-deux heures dix-sept, le film est fini.

- J’ai dormi combien de temps ?

- Quarante-cinq minutes ? À peu près. Je voulais pas te réveiller, mais il fallait bien que j’aille jeter tout ce qui nous a servi à manger.

Je frotte mes yeux et attrape les déchets des mains de Felix, puis je les pose sur la table de nuit. Je remonte ensuite la couverture jusqu’aux épaules de mon petit ami et je m’allonge totalement sur lui.

- On fera ça demain, soufflé-je, déjà en train de me rendormir.

- Dans tous les cas, il faut que je bouge, Suhua. Il faut éteindre le feu et la lumière.

- Pffff…

Je laisse Felix sortir du lit pour jeter de l’eau sur le feu, puis il appuie sur l’interrupteur, nous plongeant dans le noir, avant de me rejoindre dans les draps et de me laisser m’endormir pour de bon.

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