Rêve de Mage
"Mes rêves m'ont ramené à la réalité. Je suis échoué sur les rives de la raison. Je n'ai emmené qu'une chose, ton visage". Christophe Hilmoine
Anton rêve.
Inconsciemment, il sait qu'il est endormi. Ce n'est ni la première fois, ni la dernière qu'il fait ces étranges songes, à la lisière du monde des rêves.
Toujours le même endroit, la même forêt de pierres lugubres, où l'air porte les effluves angoissantes d'un monde en décomposition, tandis qu'il se tient là, pieds nus, au milieu d'un cercle de champignons blancs.
Un rond de sorcières. Signe que la magie est puissante, en ce lieu. Une prison pour certains, une protection pour d'autres. Chacun des champignons semble absorber l'obscurité environnante, la purifiant en une douce lueur, qui éclaire les formes brisées d'arbres que le temps a transformé en pierre.
Un murmure, puis un rire. Des enfants, trois garçons, qui jouent avec des épées de bois dans les méandres silencieux de la forêt, sans sembler percevoir la présence du mage, que l'image fait sourire. L'innocence de l'enfance...
Le premier est un elfe. De longs cheveux couleurs d'or, une peau d'albâtre aux reflets cuivrés, et d'étranges yeux bicolores, l'un de saphir, l'autre d'émeraude. Son grand sourire qui respire le bonheur surprend, quand on connait les elfes et leur capacité innée à s'inventer des règles immaginaires.
Le second est plus pâle, d'un blanc cadavérique. Ses cheveux sont courts et sombres, mélées d'étranges reflets d'acier. Ses yeux sont aussi noirs que la nuit qui les entourent, et il est plus grand que les deux autres. Ses habits, également noirs, semblent absorber le peu de lumière que diffusent la lune et le cercle de champignon.
Le troisième, enfin, semble être le plus jeune des trois. Ses yeux sont d'un gris bleuté, couleur d'épée, tandis que ses cheveux sont légèrement bouclés et ont la teinte exacte du sable. Vêtu comme un paysan, il contraste fortement par rapport aux deux autres. Anton frémit en se rendant soudain compte qu'il lui manque le bras gauche.
Un murmure, puis un frémissement dans l'air, qui refroidit soudainement. Les enfants cessent soudain de jouer. Quelque chose s'agite, dans les méandres ténébreuses du rêve. Quelque chose de gros.
Quelque chose d'énorme et d'invisible se déplace entre les arbres de pierre, chaque pas résonnant comme un coup de tonnerre étouffé. Anton sent son cœur battre plus fort, tandis qu'une sensation de danger imminent l'envahit. Il se concentre, tentant de percer l'obscurité pour apercevoir ce qui approche.
Les trois garçons se rapprochent instinctivement les uns des autres, formant un petit cercle défensif. Leurs visages sont maintenant marqués par la peur, une peur si palpable qu'Anton peut presque la toucher. Le murmure devient un grondement sourd, une mélodie discordante.
Une silhouette émerge enfin de l'obscurité. Grande et semblable à un loup enragé, elle semble faite d'ombres grondantes, au travers desquels deux yeux dorés brillent d'une lueur putride. Anton sent un frisson glacé parcourir son échine.
La créature grogne, tandis que les enfants, pris de panique, partent en courant. Des crocs luisent dans les ténèbres, tandis que le monstre charge, et qu'Anton, impuissant, ne peut qu'hurler sa peur et sa colère, prisonnier du cercle de champignons. Du sang...Encore et toujours du sang.
Le rêve s'estompe , et Anton se réveille en sursaut.
Ses draps sont trempés de sueur et son cœur bat à tout rompre. Les images de la forêt de pierres, des enfants et de la créature d'ombres hantent encore son esprit. Il se redresse, essuyant son front avec une main tremblante, et tente de reprendre son souffle.
"Encore ce rêve," murmure-t-il pour lui-même. "Qu'est-ce que cela signifie ?"
Il se lève lentement, sentant ses jambes vaciller sous lui. Le soleil commence à poindre à l'horizon, ses premiers rayons filtrant à travers les rideaux de sa chambre. Anton sait déjà qu'il ne pourra plus se rendormir. Ces rêves récurrents deviennent de plus en plus intenses, et malgré les remarques acerbes des paladins et des autres archimages, il a un très mauvais pressentiment...
Comme si quelque chose de terrible était entrain de s'éveiller, quelque part.
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