Le marché aux esclaves
"Si le destin souhaite votre rencontre, vous vous retrouverez. Fussiez-vous séparés par des milliers de lieues. Mais si le destin s'oppose à la rencontre, vous aurez beau être là, face à face, vous resterez étrangers l'un à l'autre". Proverbe chinois
Jour d'été. Dans un ciel sans nuage, le soleil est à son zénith, brûlant les dalles de pierres du marché aux esclaves.
Une chaleur étouffante pèse sur la petite place poussiéreuse, où les cris des marchands se mêlent aux murmures anxieux des acheteurs et aux pleurs silencieux des captifs.
Les stands, improvisés à partir de vieilles toiles et de morceaux de bois, forment un labyrinthe précaire de marchandises humaines, elfes, naines ou orcs, où serpentent des maitres richements vétus accompagnés de gardes lourdements armés.
Une silhouette attire l'attention. Une fillette de petite taille, aux étranges cheveux d'un blanc neigeux vient de monter sur l'estrade, tandis qu'un marchand ventripotant, le visage rougi par l'effort et le soleil, harangue les passants face à elle, espérant attirer les riches acheteurs rassemblés autour de l'estrade. "Regardez cette beauté ! Une perle rare ! Parfaite pour les travaux domestiques ou comme compagne. Voyez ses cheveux, ses yeux ! Une rareté parmi les raretés ! Une nomade du clan du ciel, trouvée au Nord. Obéissante, intelligente, elle peut apprendre rapidement vos langues et vos coutumes. Qui commencera l'enchère ?"
Les murmures s'intensifient parmi les acheteurs, tandis que certains nobles s'avançent pour mieux la voir, jaugeant son physique et sa valeur avec des regards avides. Un homme à la barbe grisonnante murmure à son voisin : "Elle pourrait valoir une fortune, un véritable trésor vivant, dans un bordel de la capitale."
Un silence tendu s'installe, alors qu'un homme richement vêtu, en robe de soie pourpre et dorée, s'avance, les gardes à ses cotés formant un cercle protecteur. "Cent dragons d'or. " déclare-t-il d'une voix assurée.
Le marchand esquissa un sourire triomphant. "Cent dragons d'or ! Qui dit mieux ?"
Parmi la foule, les murmures redoublent d'intensité, beaucoup des spectateurs se demandant qui pourrait rivaliser avec une telle offre.
Le marchand attend un instant, puis s'avance pour serrer la main de l'heureux acquéreur. " Vendue pour cent dragons d'or ! Mes félicitations, votre seigneurie, vous n'allez pas..."
- Conseiller Ursus, quelle surprise de vous voir ici !
Le marchand interrompt son geste, son sourire figé dans une expression de surprise béate tintée de frayeur. Tous les regards se tourne vers l'homme qui vient de prendre la parole. Un autre noble, mais celui-ci est différent. Ses habits, bien que flamboyants, sont sombres comme ceux d'un soldat. Il n'est accompagné que par un unique garde, qui a l'air de s'ennuyer fermement.
Le riche acheteur en robe de soie pourpre se retourne lentement, une expression d'irritation profonde marquée sur son visage. "Maréchal," répond-il d'un ton froid. "Je ne m'attendais pas à vous voir ailleurs qu'au palais, auprès du prince. La promenade vous plait ?"
Un petit rire du garde. Le maréchal, lui, reste stoic.
"Ne vous inquiétez pas pour Caliban, il se porte merveilleusement bien et ses tuteurs, moi inclus, ne tarrissent pas d'éloges. Moi et mon ami ici présent sommes en mission officielle," déclare le maréchal, sa voix grave et autoritaire résonnant sur la place. "Le roi a ordonné une inspection des marchés pour vérifier que les lois sur le commerce des esclaves sont respectées. Nous devons nous assurer que tout se passe dans les règles."
Le conseiller Ursus émet un rire sec. "Inspecter, dites-vous ? Avec tout le respect que je vous dois, maréchal, il est bien rare de voir un homme de votre rang s'abaisser à une telle tâche. Le roi et la reine se seraient-il lassés des prouesses de leur héros de guerre ?
"Le roi tient surtout à ce que ses ordres soient exécutés par ceux en qui il a une totale confiance," réplique le maréchal avec un sourire glacé "Et il sait que je ne tolérerai aucune corruption ou abus, contrairement à certains."
Un silence pesant s'installe, acheteurs et marchands observant la confrontation avec une curiosité mêlée de crainte, tandis que sur l'estrade, la fille reste passive.
"Mon seigneur, vous ne trouverez rien d'illégal ici," balbutie le marchand. "Tout est en ordre, je vous assure."
Le maréchal fixe un instant le conseiller, puis reporte son attention sur la fillette. "Et cette gamine, d'où vient-elle exactement ?"
"Elle appartient au clan du Ciel, une tribu nomade du Nord," répond le marchand, suant sous la tension palpable. "Elle est en parfaite santé, docile, et..."
"C'est bien mignon, mais ce n'est pas ce que j'ai demandé," l'interrompt le maréchal. "Je veux savoir ce qu'une sorcière fait ici, sans talisman, et comment un crétin tel que toi a pû la ramener à la capitale sans mourir au passage. "
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