Chapitre 10 : A tout prix pour mes amis

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Je me réveille sur une chaise de dentiste. J'ai les mains attachées aux accoudoirs par des lanières de cuirs, mes pieds et mes hanches sont eux aussi fermement maintenu au siège. Ma tête est comme paralysée. En fait, je ne peux pas bouger une seule partie de mon corps.

Un homme fin et grand habillé d'une chemise blanche et d'un tablier noir, s'approche de moi. Il s'exclame derrière son masque chirurgical :

- Allez c'est partie ! Ça va faire mal, accroche-toi bien mon grand !

Avant que je ne puisse répondre quoi que ce soit, il m'ouvre violemment la bouche avant de l'immobiliser avec un écarteur.

Sa tête à quelques centimètres de la mienne, je ne vois rien de ce qu'il fait. En même temps qu'il me saisit la langue d'une pince il s'exclame :

- Hop. Je récupère ça.

Je tente de rabattre ma langue, il serre douloureusement la pince en disant :

- Non, non, non. Ça va être pénible si tu bouges dans tous les sens !

Je suis terrifié et tire sur mes liens, qui ne bronchent même pas. Il ricane :

- Bon si tu insistes... Ne te plains pas si je déborde.

Soudain j'entends un sifflement, l'instant d'après une terrible douleur envahit l'entièreté de ma bouche avant qu'un liquide chaud ne commence à la remplir. Je me débats comme un fou furieux, sous l'effet de l'incroyable douleur qui transcende tout mon visage.

Après d'interminables secondes de torture, l'homme sadique me montre le petit muscle au bout de la pince. Ma langue bouge encore, comme si, vivante elle voulait s'échapper de l'étreinte de la pince.

Je hurle un son indescriptible en larme. L'homme, lui, pose fièrement la chair sur un plateau d'argent. Il sort de mon champ de vision et revient avec un batônnet noir de la taille d'un doigt muni d'une plaque blanche rougeâtre à son extrémité.

Quand l'instrument pénètre dans ma bouche, je sens la chaleur qui en émane, peu avant qu'il rentre en contact avec mon membre amputé.

La douleur est telle que j'en perds la vue et je ne vois pas les panaches de fumées qui s'échappent de ma bouche.

De violentes claques me ramènent à moi. Je suis pris de nausées et encore tremblant sous le choc de la douleur.

L'homme se tient devant moi, un miroir à la main. A peine j'ouvre les yeux qu'il plante le miroir juste devant moi et s'exclame fièrement :

- Regarde-moi ce superbe travail ! Je suis vraiment fière de moi. J'espère que Monsieur Otarin le sera aussi.

Je vois le visage horrifié de Shinen, la bouche encore maintenu ouverte par l'écarteur, la langue totalement tranchée à la base, la tranche noire.

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Je me réveille en sursaut trempé de sueur. Les murs s'illuminent montrant les eaux bouillonnantes de tout Colfia.

Pour me calmer, je respire lentement, et pense à autre chose que la douleur qui m'a envahi quelque instant plutôt. J'émerge de la couette, et mets quelques instants à me souvenir de la veille, tout en me remettant de la profonde douleur de Shinen.

Je sors doucement du lit pour être agréablement surpris de ne plus avoir de nausée, et d'être plutôt stable sur mes deux pieds. Au même moment, un pan de mur disparait et Manon apparaît en s'exclamant :

- Xander ? Tout va bien ?

- Oui, oui, je la rassure accompagné d'un sourire. Juste une autre vision.

- Encore Itarra ?

- Non... Cette fois... Cette fois c'était Shinen, je réponds encore choqué. Ces barbares... Ils lui ont coupé la langue. Comment peut-on être aussi inhumain ?

- Si on lui a coupé la langue, c'est qu'Otarin a dû probablement le recruter parmi l'Ordre Principale.

- L'Ordre quoi ? Mais pourquoi faire ça ?

- L'Ordre principal. Ils sont les serviteurs les plus intimes du roi. Ils entourent le roi en permanence, même durant la nuit. Ils l'assistent ou plutôt font tout ce qu'il doit faire, ne serait-ce que s'entretenir. Le médecin personnel d'Otarin coupe les langues des membres de l'Ordre à leur arrivée, pour marquer symboliquement la propriété du roi.

- Mais c'est stupide, et sadique, je m'écris horrifié.

- Souvent, ce sont des prisonniers ou des personnes pauvres que le roi a lui-même. Ils deviennent ces esclaves, le moindre signe de rébellion est puni de l'amputation d'un autre membre aléatoirement choisi par le roi. C'est son truc de voir les gens souffrir.

- Comment, tu sais tout ça ? je demande souffrant intérieurement pour Shinen.

- La rébellion espionne le palais, on a des yeux et des oreilles partout ! C'est tout ce qu'on peut faire, car la sécurité est telle, qu'Otarin est intouchable, aucun attentat n'est possible, en tout cas avec les moyens que nous avons.

- Et je suppose que vous avez attendu que le temps fasse le travail, sans succès.

- Oui. Certains avaient parié là-dessus avant qu'on ne se rendent compte qu'il ne gagnait pas une ride avec l'âge, et qu'on ne découvre son horrible machine.

- Et vous lui reprochez quoi de plus que je ne connais pas ?

- Otarin a massacré toute la famille royale.

- Oui je sais, il est vraiment abominable comme homme. Il faut être fou pour jeter des gens dans le vide.

- Il en a choqué plus d'un... Bref... Ensuite il s'est attaqué à tout ce que la royauté avait construit. Avant qu'Otarin ne vienne au pouvoir, tout le monde était plutôt financièrement égal. Il n'y avait jamais eu de grand écart, pas de pauvres à la rue ni de riches avec de l'argent à ne plus savoir quoi en faire. Quand il est arrivé au pouvoir, il a tout changé, il a créé de fausses pénuries pour provoquer de l'inflation et recréer des classes sociales. Pour achever son projet il a créé des impôts et des taxes qui ont rendu très riche les habitants de la capitale mais très pauvre le reste des quatre planètes. Parfois les impôts étaient si excessivement élevés que certains ne pouvaient même pas se nourrir.

- Mais pour quoi faire, quel est l'intérêt de tout ça ?

- La domination, le pouvoir. Il sait que personne ne peut lui tenir tête. Il fait peur, si tu t'opposes, tu pourrais rentrer dans l'Ordre Principal, ou pire... On ne sait jamais ce qu'il a en tête. Et les plus riches sauf quelques-uns le soutiennent dans son mouvement soit pour garder leur place ou pour des raisons idéologiques.

- Mais du coup, je reviens sur les pénuries, c'est vrai ou pas la pénurie d'électronique pour la robotique ?

- Non ! Loin de là. Il a même utilisé ça pour créer de l'esclavage, et retirer de la société tous ses opposants. Otarin n'a pas d'âme. Son seul but sur Colfia est de faire souffrir, il a retiré les robots excavateurs des mines pour les remplacer par des milliers de prisonniers, et personne n'en ressort vivant. Il est même allé jusqu'à publiquement prendre dans les campagnes des jeunes filles et garçons pour sa propre utilisation. Il le refait d'ailleurs de temps en temps quand les plus vieux ne sont plus assez intéressants.

- Et c'est quoi les futurs projets de la rébellion pour mettre fin au règne d'Otarin ?

- Etant le seul producteur d'armes, il possède une puissance de feu bien trop importante pour qu'on ne puisse l'égaler un jour avec ce qu'on arrive à voler où acheter. Donc honnêtement à part la ridicule guérilla que nous menons pour tenter de l'affaiblir, tu es notre seul espoir de vraiment l'atteindre.

- Un maigre espoir, dis-je en me regardant.

- En voyant les tempêtes que tu déchaînes depuis ton arrivée, je suis certaine qu'il n'est pas si maigre que ça. Maintenant que tu es un peu plus en forme, tu veux sortir prendre l'air ?

J'acquiesce, peu convaincu de ce qu'elle affirmait. Je ne sais même pas comment je manie ces océans.

Elle m'accompagne vers le pan de mur qui s'ouvre devant nous. Je suis surpris de découvrir derrière, une vieille femme dans un fauteuil roulant. Elle est entourée de femmes et d'hommes armes à la main, qui me regarde méfiant. Elle s'exclame d'un sourire :

- Bonjour Xander, je suis Orclanne, la reine de la Rébellion.

- Bonjour, je réponds, c'est un honneur de vous rencontrer.

- C'est autant un honneur pour moi de rencontrer un être aussi fantastique que vous. Je ne veux pas vous garder pour moi, ni vous utilisez, mais je constate ici que nous avons un but commun. J'aimerais du fond du cœur que vous rendiez à ce pays la paix et la prospérité d'antan avant de repartir.

- Je ne peux rien vous promettre, madame, mais je ferais tout mon possible pour au-moins vous débarrasser d'Otarin.

- On s'entend là-dessus, sourit-elle. Je te souhaite un bon séjour, nous reviendrons vers toi, quand tu auras récupéré la forme, afin de parler de plans d'actions.

- Merci.

Je pense alors aux autres. Chaque minute que je perds, est une minute de plus de souffrance pour eux. Mais même si c'est dur, je ne peux pas rester bloqué dessus. Il faut que j'avance, que je les oublie le temps de me remettre sur pied. Je me concentre alors sur la visite du camp de rebelle que me propose Manon.

L'étendues des ressources d'Orclanne est tout simplement phénoménale. Ils ont un immense parc de véhicules, des champs à pertes de vue, ainsi que de nombreux quartiers. Manon m'explique que ces habitations abritent des familles recherchées par Otarin, parmi les autres familles de simples ouvriers des entreprises d'Orclanne et des membres essentiels au quotidien de la rebéllion.

Pendant la visite, j'ai dû mal à supporter les regards et les messes-basses à mon égard. Tous se méfie comme si j'étais le diable en personne.

En essayant d'en faire abstraction, j'apprends qu'en fait le camp que nous visitons est officiellement une entreprise de sous-traitance mécanique d'Orclanne.

Le camp est entouré d'une haute enceinte de pierre infranchissable, et l'intérieur de la base est entièrement recouvert d'étranges arbres. Ils ont un haut tronc noir et massif, les branches ne se séparant du tronc qu'à plusieurs dizaines de mètres du sol et s'en éloignant incroyablement loin. Les branches sont recouvertes d'un épais feuillage rouge sang, qui ne laisse passer qu'une lumière tamisé rougeoyante du petit soleil. Ainsi ils offrent, pour peu d'espace occupé à terre, une couverture que seuls les plus hauts bâtiments crèvent, masquant du ciel les actions du camp.

Nous marchons sous les arbres, l'air est agréable, il est chaud et sent bon. Ça me fait du bien, de penser à autres choses que la mort et la douleur, de sortir de l'horreur l'espace d'un instant. Alors que je suis pensif, le regard perdu dans les feuillages des arbres majestueux, Manon me demande :

- Tu connais la limite de tes pouvoirs ? Tu pourrais bouger des océans entiers juste par la pensée ?

- Je... J'ai toujours du mal à croire que je puisse faire ça. Je ne parle pas forcément en termes de puissance, mais normalement sans ma robe ou mon apparence Raptium je ne peux qu'agir sur mon corps.

- C'est-à-dire ?

- Juste liquéfier mon corps, mais je ne peux pas contrôler l'eau d'un simple verre d'eau. Alors l'entièreté de l'eau d'une planète je ne comprends pas.

Soudain, le chemin entouré d'arbre devient flou.

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L'ambiance est étouffante et mon torse nu brûle sous le soleil brûlant qui irradie la mine à ciel ouvert.

En cœur résonne le son à répétitions des centaines de pioches qui heurte la roche et des cliquetis des wagons qui remontent la mine.

Mes yeux se baissent sur mon avant-bras qui me fait affreusement mal. Un homme est en train de bander avec des tissus de fortune, une large plaie ensanglantée qui entaille mon avant-bras. Puis je m'exclame dans le vide :

- Ecoute, Xander, ils n'ont pas encore découvert pour mes pouvoirs mais ils nous ont implanté des puces. Je ne veux pas utiliser mes pouvoirs de peur de vous mettre en danger si j'échoue.

Je fais une petite pause, interrompu par la douleur s'intensifiant brusquement au contact d'un nouveau bandeau de tissus.

- Je ne sais pas pourquoi je ne peux pas communiquer avec vous en revanche. Mais j'ai peut-être compris le principe des visions que l'on voit de nous. Bref, je sais que tu es le dernier qui peut nous sauver. Je ne sais pas trop comment ça marche mais je sais que tu connais des gens qui le savent. Je suis aux coordonnées : Lexus 42 Orna 70 Platu 2. Et Xander sache que j'ai confiance en toi ! Je sais que tu peux le faire.

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Je reviens à moi. Je suis immobile face au visage terrifié de Manon, elle crie, me secoue, mais c'est comme si elle était loin. Je m'écroule à genoux. Je suis donc vraiment tout seul, dans mon état, je ne suis pas à la hauteur.

Pourquoi Seishin m'a-t-elle choisi ? Je ne suis qu'un gamin pleurnicheur. Je ne suis pas à la hauteur. Itarra à ma place aurait su quoi faire. Mais je suis totalement dépassé par les évènements. Jamais je ne pourrais récupérer un état suffisant pour me battre en quelques jours.

Des larmes coulent sur mes joues quand Manon, me prend dans ses bras, en tentant de me calmer avec des mots doux, que je n'écoute pas.

Soudain une idée me traverse l'esprit, quand je repense à mon parcours depuis le début. Si je rentre au refuge je pourrais reprendre mon corps en parfaite santé, comme Itarra à notre arrivée. Je me retire brusquement de l'étreinte réconfortante et m'exclame :

- Il faut que je retourne au vaisseau ! Je pourrais récupérer beaucoup plus vite !

- Oula doucement, Xander. T'es au courant que ton vaisseau est toujours accroché à la forteresse d'Otarin ? Tu veux vraiment retourner au palais ?

- Je ne sais pas ? Vous ne pouvez pas me déposer discrètement ? Ou au moins au plus proche du vaisseau. Je n'aurais qu'à finir la route en flaque d'eau.

- Continuons le chemin, on se dirige vers le centre de commandement. On va voir ce qu'on peut faire. Je vais déjà contacter Orclanne.

On reprend la route pendant que son regard se perd dans le vide. Puis elle me demande :

- Tu te remettrais en état en combien de temps ?

- Ah partir du moment où je suis dans mon vaisseau, une petit heure le temps de faire l'aller-retour.

- Quoi ? Mais comment c'est possible ?

- C'est un peu compliqué à expliquer... Mais on va dire que ça va avec les pouvoirs magiques.

- Et qu'est-ce que tu pourrais nous apporter en plus ?

- Avec mes pouvoirs, je pourrais libérer Griffing, je viens de voir où il se trouve, et après reprendre le palais sera facile.

Après quelques minutes de marche en silence, nous arrivons devant une épaisse porte de métal enfoncée dans la montagne. A notre approche elle s'ouvre, et après avoir traversé de longs couloirs bétonnés on arrive dans une salle recouverte d'écran. Orclanne est là au milieu de dizaines de personnes penchées sur les écrans devant eux. Dès qu'elle nous voit, elle s'exclame :

- Dépêchez-vous, notre fenêtre de tir est courte si tu veux atteindre ton vaisseau ce soir.

Impatient de retrouver ma vitalité, je m'empresse de m'approcher et de l'écouter. Elle m'explique rapidement :

- Je viens d'intercepter une cargaison de tissus d'une de mes entreprises qui allait en direction du palais. C'est notre seule occasion avant le mois prochain. On va te faire monter dans une caisse. En revanche on n'a pas eu le temps de préparer l'opération, tu seras livré à toi-même, que ce soit pour sortir de la caisse, ou pour trouver le vaisseau. Et il faut tu sois prêt à être un peu balloté pendant le voyage. Ça ne va pas être une partie de plaisir.

J'acquiesce. Je suis prêt à tout pour les libérer ! Sachant comment ils souffrent, je peux largement le faire pour eux.

Une question me vient alors :

- Quand je vais revenir avec le vaisseau, où est-ce que je peux me poser ?

- Il a l'air résistant, car depuis que vous êtes arrivé, ils n'ont toujours pas réussi à pénétrer le bouclier d'énergie. Donc réapparait dans l'atmosphère de Colfia. Un vaisseau t'attendra, il faudra faire vite car nous ne serons pas les seuls à te détecter. Tu le déposeras dans un champ et le vaisseau te ramèneras discrètement au camp.

Je hoche une nouvelle fois la tête.

On m'emmène ensuite vers un container rempli de cartons, il est accroché à un immense drone où les pales, des deux énormes turbines, tournant déjà, produisent un vacarme et un puissant souffle soulevant la poussière tout autour.

On m'indique qu'au fond, un peu de place a été fait pour moi. Je liquéfie mon corps déjà épuisé juste par la visite et la petite balade au milieu des arbres. J'en suis exaspéré, hâte de rentrer au refuge. Mes vêtements ne se liquéfiant pas, reste à l'avant sur le pas de porte avant d'être récupéré.

Derrière les cartons, quand je me reforme, je fais apparaître ma robe d'eau pour m'abriter du froid. Peu après, j'entends les portes se fermer, puis je sens le container bouger.

J'essaie comme je peux de me reposer, pour reprendre un maximum de force et ainsi pouvoir me maintenir le plus longtemps sous ma forme liquide. Mais le froid du métal et le ballotement rendent la tâche compliquée.

Finalement après une éternité, le container tremble comme si on venait de le déposer sur le sol. J'entends des voix étouffées que je ne comprends pas. Je sens le container vibrer quelques minutes avant de s'arrêter. Puis les portes s'ouvrent.

J'ai le cœur battant. C'est le moment !

Je liquéfie mon corps et glisse sous les cartons. L'immense flaque d'eau que je forme ne serait pas discrète si je sors comme ça. Je m'infiltre alors dans plusieurs cartons et m'imprègne dans les différents tissus. Je suis déchargé par plusieurs femmes, habillées comme les esclaves qu'on avait vu à notre entrée, supervisées par des soldats.

Une fois un peu éloigné des regards, je quitte les cartons et m'éloigne dans une direction aléatoire. J'espère tellement tomber sur Shinen ou Vestia, je pourrais les libérer et ils devraient mieux connaître le palais que moi, et surtout pouvoir m'aider pour la suite.

Je finis par hasard par tomber sur le grand jardin qui enrobe la tour. En allant au bord du cercle j'aperçois le toit du vaisseau-mère.

J'ai maintenant une direction. Je retrouve une porte, mais au moment où je la franchis, je ressens un gros coup de fatigue.

Non, pas maintenant ! Je cherche au plus vite une cachette, pendant que ma vue se brouille et que mon corps se reforme. Finalement sans réelle solution, je me réfugie dans le jardin et me cache dans les reliefs des murs de la tour.

Je suis haletant, la fatigue tire mes paupières vers le bas, et mon cœur me paraît lourd. Il faut que je résiste. Si je m'endors, c'est la fin.

Mon cœur fait un bon quand j'entends l'ascenseur traverser le sol du jardin et continuer sa montée vers le haut de la tour.

Je souffle quelques instants avant de retourner dans la tour. Je longe les murs en priant de ne croiser personne. Je trouve finalement l'ascenseur.

J'appuie frénétiquement sur le bouton d'appel. Mon cœur bat à mille à l'heure. Je regarde de tous les côtés, terrifié, que quelqu'un surgisse de nulle part et me surprenne. Je n'aurais pas la force de me battre.

Soudain mon sang se glace quand j'entends des voix. Je ferme les yeux, et chuchote :

- Allez encore un petit effort.

Quelques instants plus tard, je suis une mare d'eau. Je vois les gardes approcher. La porte s'ouvre finalement, et je m'empresse de glisser à l'intérieur.

Au moment où les portes se referment, le bras d'un soldat interrompt la fermeture et s'exclame :

- Tiens c'est étrange, il n'y a personne. Pourtant je n'ai vu personne en sortir.

Puis après m'avoir piétiné, l'autre soldat qui l'accompagne s'exclame :

- C'est quoi toute cette flotte ? Encore une de ses chiennes qui a mal fait son travail. On va en foutre partout après !

- Ce n'est pourtant pas compliqué d'essuyer après être passé !

- Comme quoi, les femmes ne sont même pas bonnes à faire le ménage. Otarin devrait réinsérer les robots. Les femmes ne devraient n'être que des machines à plaisir.

Une nouvelle fois, la fatigue m'envahit. Je me concentre, et visualise précisément ce que je veux faire pour réussir le mieux possible pendant que l'autre continue :

- T'inquiète, je vais remonter le problème, et m'arranger pour qu'on s'occupe de la punition.

Je me reforme silencieusement derrière eux. Dès que j'ai récupérer la vue, je saisis le pistolet du holster à la ceinture du garde à droite. Au moment, où celui se retourne, je tire maladroitement. La balle l'atteint sur le flanc un peu au-dessus de la ceinture.

Il s'écroule par terre, en même temps qu'une alarme assourdissante retentit dans tous le palais. J'ai récupéré suffisamment d'énergie avec l'adrénaline pour liquéfier mon corps tout en gardant la structure avant que le deuxième soldat vide son chargeur sur ma poitrine liquide.

Le pistolet toujours à la main, je l'abats froidement d'une balle dans la poitrine.

Le sang des deux corps a giclé sur les parois de verres brisés par les impacts de balles. Les propos qu'ils ont portés me déculpabilise un peu de mon geste, même si je suis horrifié par ce que je viens de faire. Quand je resolidifie mon corps, je manque de vomir. Je m'empresse de tapoter l'écran tactile de l'ascenseur pour sélectionner, l'étage où le Vaisseau-Mère est amarré.

Je m'appuie sur les vitres toujours au bord de sombrer dans les vapes. Je glisse au sol, et saisit le fusil automatique d'un des gardes. L'avantage c'est qu'ils ont l'air de fonctionner comme sur Terre.

Les portes s'ouvrent face à moi à l'étage sélectionné par les gardes, dévoilant une esclave attendant l'ascenseur les bras chargés d'un gros paquet. Elle hurle, et s'éloigne en courant lâchant au passage ce qu'elle portait.

Quelques secondes plus tard, les portes se referment et la navette se met enfin à descendre. Le fusil pointé vers la porte je suis prêt à tirer, si je suis intercepté par des soldats du roi.

Mais je suis soulagé de voir les portes s'ouvrir au bon étage. Je serre les poings au bord de m'effondrer et me remets debout. Je n'ai que pour seule motivation, le sentiment de terreur d'Itarra.

Je sors de l'ascenseur, un bras qui me maintient piteusement contre le mur, et de l'autre le fusil faiblement pointé vers l'avant.

Quelques longues minutes plus tard, j'atteins le hall que nous avions traversé avec les esclaves qui nous attendaient. Je rentre en sens inverse dans la passerelle.

Le chemin paraît si long. La pression descend, la fatigue monte. J'avance si lentement, c'est désespérant.

D'un coup mes jambes cèdent et je m'écroule par terre. Le sol paraît soudain si confortable. Mais je ne peux pas abandonner, pas maintenant.

Je rampe, usant les derniers brins d'énergies qu'il me reste. Soudain, en un éclair, les sensations de l'aspirateur de jeunesse me reviennent. Comme un coup de fouet, j'accélère. La porte du vaisseau étant de plus en plus proche.

Quand je ne suis plus qu'à quelques mètres, j'entends du monde approcher en courant. Je me dépêche et accélère encore un peu le rythme qui s'essouffle.

J'entends des cris me désignant au bout du couloir, mon cœur bat à se rompre. Pas si près du but ! Sur les quelques longues secondes qu'il me reste à traverser, je les entends approcher, et j'arrive finalement à toucher la porte.

Je l'ouvre mentalement, et dans un dernier souffle d'énergie, je me projette dans le couloir. Je les entends, ils ne sont qu'à quelques mètres du vaisseau !

A peine rentré dans le vaisseau, je me retourne et referme la porte.

Elle est heureusement plutôt rapide et se verrouille avant que des bras ou des balles ne m'atteignent. Soulagé et épuisé, les quatre membres tétanisés, j'halète de nombreuses secondes couchées sur la moquette de la navette avant de céder au sommeil que mon corps réclame tant depuis plus d'une heure.

Quand je rouvre les yeux, je suis déjà content de n'avoir comme mauvaise surprise que la moquette imprimée sur mon front. La porte est toujours fermée devant moi. Je me relève, et je suis plutôt en forme par rapport à tout à l'heure.

Maintenant nouvel objectif, retour au refuge. Dans les couloirs du vaisseau, je me sens pour la première fois en sécurité, et non en terre inconnue où tout peut être fatal. C'est tellement agréable. Mais mon cœur se serre quand, à l'ouverture du poste de commandement vide, je sens le parfum de Vestia.

Impatient de les sauver, je m'empresse de m'asseoir sur mon siège et de poser les mains sur les deux sphères.

Le vaisseau Mère m'apparait, accolé à l'immense palais volant, la passerelle nous unissant. J'accélère mentalement, aussitôt je vois la flamme des réacteurs s'échapper de l'arrière du vaisseau.

Mais pour autant le vaisseau n'avance pas. Il reste figé accroché à la passerelle. Déterminé à me décrocher, je lève les mains des sphères et reprends contrôle de mon corps.

Je me lève, et hésite devant le siège d'Itarra. Mais je ne pense pas que détruire la passerelle soit une bonne idée. Je risque d'abîmer le vaisseau. Je monte alors sur le siège de Vestia, et déploie les boucliers au maximum.

Un craquement retentit au même moment, et le vaisseau semble tomber tout en continuant d'accélérer les réacteurs toujours lancé à plein régime.

Une bouffée de chaleur m'envahit. Je me jette sur mon siège, et me rebranche aux commandes. Je relève le nez du vaisseau juste à temps avant d'heurter un des immenses gratte-ciels. Je reprends la direction du ciel. Et soulagé, je m'élance quelques secondes plus tard dans le néant de l'espace.

Une fois bien éloigné des quatre planètes, je stoppe le vaisseau et ouvre le portail vers le refuge. Aussitôt le vortex se manifeste. Pour une fois que tout se passe plutôt bien.

Je lance doucement le vaisseau à travers le portail et le pose délicatement dans le refuge. J'éteins les moteurs et reprends conscience de mon corps.

Quand j'ouvre les yeux, je sursaute en voyant Lucie devant moi. Elle s'exclame :

- Avant que tu ne repartes. J'aimerais te dire quelques choses. Tu as réveillé quelque chose sur Colfia. C'est impossible que ce soit toi qui aies déchainé les océans sur cette planète. Pour autant cela parait extrêmement lié à toi. Il faut absolument que tu trouves cette chose, elle pourrait sûrement t'aider à devenir bien plus puissant que tu ne l'es déjà.

J'acquiesce surpris qu'elle ne me sermonne pas comme au retour du premier essai du vaisseau. Elle achève :

- Et Xander... C'est peut-être dur à entendre mais si jamais la situation est perdue, tue les autres et suicide toi. Si vous restez enfermé pour l'éternité, le monde sera à la merci du Mal.

- Je vais faire en sorte d'éviter ça ! je réponds effrayé par sa demande.

- Penses-y si l'occasion se présente. Et puis une mort rapide et souvent préférable à une longue vie de souffrance.

Je hoche la tête à contre-cœur. Avant qu'elle s'en aille, je lui demande :

- Pourquoi on n'arrive pas à communiquer entre nous ?

- Tout est une question de concentration, Xander, jusqu'à il y a quelques instants seul Griffing semblait être en pleine possession de ses moyens. Mais sachant que vous n'étiez pas en état d'écouter, vous ne receviez pas ses messages. Mais maintenant que tu as repris la forme, ça ne devrait plus être un problème pour toi.

J'acquiesce et elle me salue avant de disparaître :

- Alors bonne chance Xander. J'espère te revoir.

- On se reverra, je te le promets.

Me reconcentrant sur moi, j'ai l'agréable sensation d'avoir retrouvé la vivacité d'avant, je regarde mes mains, et apprécie de voir ma peau redevenue douce et hydraté.

Je liquéfie mon bras, sans ressentir la fatigue approcher. C'est bon. Il est temps de prendre ma revanche.

Mais je me rends comptes que je suis nu sous la robe d'eau, ayant abandonné mes vêtements lors de ma liquéfaction. Je m'empresse d'aller chercher des habits dans ma chambre.

J'opte rapidement pour un pantalon noir et le premier T-shirt qui me passe sous la main. Je ne suis pas dans la mode. J'enfile un sweat de sport et m'empresse de retourner à mon siège au poste de commande.

Je referme les yeux sur les sphères noires, rouvre le portail vers Colfia.

De l'autre côté, je gravite déjà autour de la planète lumineuse. Quelques instants plus tard un petit vaisseau s'approche, s'arrête quelques secondes devant moi et repars. C'est lui !

Je le suis, étonné qu'il ne me mène pas sur Colfia mais sur Lorquia. Je découvre une planète sèche, quasiment un désert de poussière parsemés de bidonvilles crasseux. Comment Colfia peut-elle vivre dans une telle richesse alors que Lorquia est dans cet état-là ?

Plusieurs minutes plus tard nous atterrissons rapidement sur un terrain vague. J'aperçois des attroupements se former rapidement aux alentours du vaisseau.

J'éteins vite fait les moteurs, et cours à travers le vaisseau pour descendre par l'escalier qui se rétracte quand j'atteins le sol.

Il ne faut pas perdre une seconde, les troupes d'Otarin pourraient arriver à n'importe quel moment. Je me précipite vers le petit vaisseau qui a toujours les moteurs allumés. Sa porte s'ouvre à mon approche, et je m'empresse de m'y engouffrer.

A peine je suis rentré dans le vaisseau qu'il s'envole brusquement avant de voler très bas frôlant le dessus des toitures de fortunes. Nous traversons l'atmosphères de Lorquia pour rejoindre rapidement celle de GreenEx et effleurant cette fois les feuilles vertes des plantations s'étalant à perte de vue.

Finalement au bout de plusieurs heures dans le silence complet, nous rentrons dans un immense vaisseau cargo qui nous attends, et qui part à l'instant où nous rentrons.

Décidément, la rébellion a pas mal de ressources.

Je suis dans un compartiment passager totalement à part du poste de pilotage ce qui rend toute communication impossible avec le pilote. Le voyage est interminable, la boule au ventre de se faire prendre et ce silence à rendre fou dans l'obscurité totale. Mais je reste de marbre et je ne bronche pas. Je veux à tout prix sauver mes amis.

Un long moment après, les portes du cargo s'ouvre une nouvelle fois, le petit vaisseau s'en échappe et quelques minutes plus tard en passant à toutes vitesses entres les gratte-ciels puis dans la petite campagne qui entoure le camp nous arrivons à destination.

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