Chapitre 11 : Limites
Quand je descends du vaisseau, je peux voir que tout le monde est sur le pas de guerre. On s'active, on se prépare. Orclanne m'attend avec Manon. Toutes deux ne cachent pas leur surprise en me voyant. Mais Orclanne reste sur l'essentiel et me demande :
- Xander ! Manon m'a dit que tu avais eu une vision pour libérer Griffing. Il y a quelques choses qui permettrait de le localiser ?
Les coordonnées ! J'ai oublié de les noter. Je m'en veux tellement. Mais pas le temps pour ça. Il faut que je fasse confiance en ma mémoire maintenant ! Je lui réponds :
- Oui, il m'a donné des coordonnées, je vais essayer de te les redonner.
Je ferme les yeux et tente de revivre les paroles de Griffing pour mieux m'en rappeler. Soudain ses paroles, me reviennent mot pour mot. Vive la synchronisation mentale ! Je m'exclame :
- Lexus 42 Orna 70 Platu 2.
- Tu es vraiment sûr de toi ? me demande Orclanne d'un ton autoritaire.
- Absolument !
- Très bien vous partez dans dix minutes, vous en aurez pour trois heures de transport, avec un briefing sur la route. Bonne chance Xander. L'avenir de Colfia repose sur tes épaules.
- Merci pour le coup de pression, je lui réponds d'un sourire anxieux.
On m'escorte ensuite vers de gros camions noirs. Ils flottent dans les airs à environ un demi-mètre de hauteur, et ont une remorque blindée qui permet d'abriter des hommes et du matériel.
Durant le voyage, je suis assis face à Manon. Elle me sourit mais paraît tendue. Au bout de quelques minutes, une femme se lève. Elle est blonde, coiffée parfaitement, l'air sérieux et autoritaire.
Un écran descend du plafond, avant qu'elle ne commence à expliquer :
- Voici les premières images de nos drones envoyés aux coordonnées que nous as donné le ...
Elle hésite, ne sachant comment m'appeler, entre sûrement le statut de prisonnier et actuellement face à moi. Mais avant que le malaise ne s'installe, Manon complète :
- Xander, appelez-le juste Xander.
- Très bien, continue-t-elle. Eh bien, il avait raison. Dans la forêt d'Astropija se cache bien une carrière maintenue secrète par les services d'Otarin. Mais aux vues du nombre très important d'ouvriers ça peut facilement mal tourner. Même avec le peu d'armes que nous avons à notre disposition, un dispositif aurait pu permettre la libération de la mine mais la reine veut le moins de victimes possible qu'elles soient alliées ou ennemies pour gagner la cause du peuple. Donc elle a pris la décision de laisser... euh... Xander faire l'opération seul et nous serons là seulement en appuie et pour le nettoyage.
Des cercles apparaissent sur la carte et la femme reprend :
- Voici, tous les points où se tiendront les postes permettant la communication vers l'extérieur. C'est l'endroit où la majeure partie des soldats se situent, mais il y a aussi beaucoup de patrouilles dans toute la carrière.
Elle s'approche de moi et me tends une sorte de jeton lumineux bleu. Elle m'explique :
- Voici ce qui te permettra de rester en contact avec nous. On te montrera aussi la position en temps réel de chaque soldat grâce aux images thermiques des drones, pour que tu puisses tous les maîtriser le plus rapidement possible sans en oublier et mettre en danger tous les civils de la carrière. Orclanne aimerait que tu neutralises les soldats de la façon la moins léthale possible, mais si ça tourne mal je t'autorise à les éliminer.
Puis elle se tourne sans transition vers le reste des soldats et leur explique la marche à suivre dans le cas où je me planterais.
Je ferme les yeux et arrête d'écouter. J'ai le cœur qui bat, et je sens mes mains trembler. J'ai beaucoup de poids sur les épaules, et cette bataille peut représenter la fin de beaucoup de choses. Je n'ai pas le droit à l'erreur. Si j'échoue, la rebéllion continuera d'attendre la fin d'Otarin qui n'arrivera pas, et le mal continuera de détruire les cinq mondes.
Une bataille. Cinq mondes.
Manon me prend les mains et me chuchote :
- Je sais que tu peux le faire. Lance toi, et ne pense plus à rien d'autre.
Elle prend le jeton lumineux encore dans ma main, et me le pause sur la tempe.
Quelques secondes après, en même temps que de la musique se met à résonner agréablement dans ma tête, elle me dit :
- Tiens, ça va sûrement t'aider à te détendre.
Alors c'est avec ça qu'elle communique avec Orclanne ! C'est incroyable !
Plus tard... Ayant perdu toute notion du temps, on s'arrête. La femme qui avait fait le briefing, se plante devant moi et de son air militaire s'exclame :
- Prêt ?
- Oui, je réponds tendu.
- Quand tu sortiras, va tout droit. Tu arriveras devant la carrière d'ici un bon quart d'heure à pied. On ne peut pas s'approcher plus pour éviter de se faire repérer. Tous les drones sont en positions et on suivra ta progression d'ici en temps réel.
Je hoche silencieusement la tête en me levant.
Des hommes m'ouvrent la porte, et m'aide à descendre du camion flottant. Hors du camion climatisé, une forêt dense se dresse face à moi et l'air est beaucoup plus frais.
Je ferme les yeux, inspire un grand coup et dit pour moi-même en ouvrant les yeux :
- C'est parti.
Pour me mettre en conditions de combat, je fais apparaître directement ma forme Raptium. Me préparant pour le combat, je réunis ensuite toute l'eau présente autour de moi.
J'entends les arbres craquer, le bois séchant en quelques secondes, je vois les feuilles maintenant brunes tomber au sol, desséchées. Des millions de petites gouttelettes d'eau volent vers moi depuis les arbres.
Ayant soudain une idée, je rassemble une partie de l'eau pour former un nuage devant moi. Je fais en sorte de le solidifier à mon contact. Je m'assois dessus et le fait léviter.
Je suis aux anges quand je réalise que ça marche. Je vole ! Je m'élève au-dessus de la cime des arbres et flottant sur mon nuage, je survole à tout vitesse la cime des arbres.
En même temps, je continue de me préparer. Je fais graviter autour de moi des anneaux d'eau toujours plus nombreux et toujours plus gros au fur et à mesure que j'aspire l'eau de la verdure que je survole.
Le stress se transforme en adrénaline, en excitation. C'est bon je suis prêt à en découdre ! Je suis prêt à les détruire.
Derrière la musique qui tourne toujours, la voix cette fois plus chaleureuse de la commandante surgit :
- « Bon je ne me suis pas présenté, tout à l'heure, je suis désolé, tu m'as un peu mis la pression. J'en ai oublié les formalités. Je m'appelle Sara. »
- Bonjour, je réponds à voix haute ne sachant comment la communication fonctionne.
Quelques secondes plus tard, Sara s'exclame :
- « Tu approches bientôt de ta destination, avec la vitesse que tu as actuellement, tu atteindras la carrière d'ici une minute »
Perdu dans mes pensées plongées vers le futur, je suis soudain ramené à la réalité par la voix de Sara qui intervient brutalement :
- « Tu dérives totalement, qu'est-ce qui se passe ? Un problème ? »
- Oups, erreur de ma part. Désolé, je n'ai pas fait exprès.
- « Concentration, c'est plus le moment de rêvasser, s'exclame-t-elle avec autorité. »
La première tour de la carrière, ou de la prison tout dépend le point de vue, apparaît devant moi. A son sommet je vois des silhouettes rouges à travers les murs. Ce jeton est fantastique.
Je pense soudain à Griffing, en espérant que Lucie a raison, je l'appelle mentalement :
- « Je suis là Griffing ! »
- « Enfin je commençais à m'impatienter. Il faut que tu détruises absolument la tour centrale. C'est eux qui détiennent la commande des puces. Je pourrais t'aider après. »
- « Compris »
Je vois les deux silhouettes s'approcher, et réalise que je n'ai toujours pas de stratégie pour les neutraliser. De plus, il faut que j'évite de les tuer pour respecter la demande d'Orclanne. J'imagine rapidement la technique.
Je forme deux nuages que je propulse devant moi. Au niveau des vigies, je fais en sorte que les nuages recouvrent l'entièreté de leur corps. Une fois assuré qu'ils sont trempés, je solidifie l'eau qui les recouvre, les transformant ainsi en deux statues de glace.
- Première tour neutralisée, j'annonce.
- « Très bien ! On aurait besoin que tu répètes l'opération sur la tour de gauche pour qu'on puisse approcher. »
Je m'exécute aussitôt en redirigeant mon nuage vers la prochaine cible. Voyant les cibles, je prépare de nouveau mes nuages glaçant avant de les envoyer les immobiliser.
- « Xander, tu es repéré ! s'exclame Sara. »
Je vois une des cibles clignoter. Je me jette dessus, en même temps que je propulse un nuage. Mais quelques secondes après ce sont plusieurs clignotements qui apparaissent.
Merde, merde ! J'ai merdé. Le vol n'était pas une bonne idée, j'étais trop visible. Trop tard pour faire marche arrière. Il faut que je trouve une solution rapidement. Le cœur battant je réfléchis à tout allure cherchant désespérément une solution.
Une idée me traverse la tête. Comme l'avait dit Lucie, la seule limite est mon imagination. En même temps que je me place au milieu du camps, des dizaines de clones de moi se forme avec l'eau qui m'entoure. Je perds la vue de mon corps mais elle est remplacée par celle des dizaines d'autres en même temps.
Je suis un peu confus par les différentes visions simultanées, mais grâce à l'adrénaline, je m'adapte vite et commence à disperser mes doubles.
Je les faits voler avec légèreté et filer à pleine vitesse sur leur cible. Certains fendent l'air à travers les chemins héliocentrique de la carrière, pendant que d'autres se précipitent vers le reste des tours dont la centrale. A chaque fois, qu'un de mes clones rentrent en contact avec un garde, un peu de son eau recouvre sa cible, puis gèle, immobilisant complètement le soldat.
En quelques secondes, je neutralise simultanément la totalité des gardes indiqués par les drones.
- « Griffing c'est bon ! »
- « Xander, on a un problème, s'exclame Sara. Les prisonniers sont en train d'attaquer les gardes figés. Ça va être un bain de sang, si tu ne fais rien. On arrive dans deux minutes mais on va mettre trop de temps à évacuer tous les soldats. »
- Je m'en occupe !
Mais au moment où je déploie plus de clones, je sens mon énergie atteindre ses limites. Je détruis les nouveaux clones instantanément. Je maintiens toujours l'eau qui entourent les gardes. Si je lâche, tout ce que j'aurais fait n'aura servi à rien. J'appelle à l'aide :
- « Griffing, protège les gardes ! Je n'ai pas l'énergie pour le faire ! »
- « Pourquoi les protéger, répond-t-il. Ils nous ont humilié, exploité et souillé sans scrupule ! »
- « Ils le paieront plus tard ! S'il te plaît, Griffing ! »
- « Je m'en occupe »
La terre se met à trembler et les soldats sont absorbés dans la roche. Mon énergie s'épuise, et commence à me provoquer des nausées.
- « Griffing, je ne vais pas tenir longtemps. »
- « Je me suis chargé des gardes. Tu peux retirer la glace ! »
- « Et les tours ? »
Sa réponse met plusieurs secondes avant d'arriver :
- « C'est bon, lâche tout ! »
Je fais disparaître les clones et la glace des gardes. Mais je découvre avec stupeurs que je suis toujours plongé dans le noir.
- « Xander, qu'est ce qui se passe ! demande Sara. Tous les gardes viennent de disparaître. »
- Je... C'est Griffing. C'est pour les protéger. J'ai besoin d'aide. Je suis plongé dans le noir.
- « On arrive. T'es ... Oh wow t'es super haut ! Comment tu veux qu'on t'aide ?
- A ce point-là ?
Je veux faire réapparaître un clone pour me donner de la vision, mais sa création me donne un coup au ventre. J'annule aussitôt mais je suis terrifié, bloqué au-dessus du vide, mon énergie s'écoulant comme le sablier annonçant ma mort. Les larmes aux yeux, je m'écris mentalement :
- « Griffing, aide-moi ! Je ne peux plus voir ! Je suis bloqué en haut. »
- « Ah bah c'est malin. »
- Griffing ! je hurle de rage en pleine crise panique.
Je n'ose même pas bouger. Terrifié de tomber. Griffing s'exclame alors :
- « Saute, je te rattrape ! »
- « Quoi ? C'est une blague ? »
- « Nan je suis sérieux ! Fais-moi confiance ! »
Aveugle comme je suis, c'est ma seule solution. Je respire fort, mon cœur battant si fort que je le sens dans ma gorge. Je fais totalement confiance à Griffing. Pour rien au monde il me laisserait tomber dans le vide. Il sait ce qu'il fait !
Je prends une nouvelle inspiration et fait disparaître le nuage de vapeur. Je commence une chute interminable. Rien ne semble m'arrêter. Le pire. C'est que je ne peux pas voir le sol s'approcher.
Je hurle de terreur, pendant plusieurs secondes avant que je ne retombe sur une surface de roche brut. Etrangement le choc n'est pas violent et semble être amorti. Je sens même que nous continuons de tomber même si je suis plaqué sur la pierre par un puissant ralentissement.
Puis recroquevillé, totalement tétanisé par la chute j'entends la voix calme de Griffing :
- Donc c'était vraiment sérieux. T'as vraiment perdu la vue, me dit Griffing surpris.
- Nan, nan, c'était pas une blague, je réponds à bout de souffle. Tu m'aides à me relever ?
- Yep, mais dis-moi, tu ne pouvais pas te transformer en flaque d'eau ?
- Et si je n'avais plus d'énergie et que je m'étais retransformé avant ?
- Oui, c'est vrai, me dit-il en me prenant le bras pour me relever.
Mais une fois debout, mes jambes cèdent et une nausée m'envahit. Je lui souffle alors :
- Attends, en fait je vais rester assis, je ne me sens pas bien.
Je sens qu'il m'assoit contre un mur en me demandant :
- Ça va mieux là ?
J'acquiesce et lui demande :
- Du coup, t'as fait quoi des gardes ?
- Je les ai tous regroupé dans une prison de roche en haut de la carrière. Ils sont tous en sécurité.
Soudain la voix affolée de Manon s'exclame :
- Xander ! Est-ce que ça va ?
- Juste un petit coup de mou, et j'ai perdu la vue.
- Comment ça perdu la vue ? Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Ce sont mes pouvoirs, j'ai expérimenté des choses. Mes clones m'ont rendu totalement aveugle.
- C'est bien tu découvres tes limites Xander, soupire Griffing. La prochaine fois, il vaut mieux éviter de le faire en plein combat.
- Je suppose que vous êtes Griffing, le salue Manon. Moi c'est Manon, ravie de vous rencontrer.
- Merci d'avoir pris soin de Xander, réplique Griffing.
- C'était normal, renchérit-elle. Je suis désolé de n'avoir pu sauver que Xander parmi tous vos amis.
- C'est déjà très bien, la rassure-t-il.
Soudain Manon change totalement de sujet en s'exclamant :
- Bon il faut qu'on y aille. La reine veut faire voir tes yeux au plus vite. Xander tu vas être capable de marcher ?
- Si vous m'aidez un peu, sûrement, dis-je en commençant à me relever.
Griffing m'agrippe par le bras et m'aide à marcher tout en me guidant jusqu'au camion. Déjà la petite pause m'a fait du bien mais mes jambes restent tremblantes, heureusement que Griffing est là.
Après une bonne dizaine de minutes d'ascension, Griffing me dépose enfin sur le plancher d'un camion. J'entends les portes claquer et le camion démarre presque aussitôt.
Dans l'obscurité et le calme laissé par le moteur silencieux du camion, je m'endors sur le plancher en métal du camion.
Je me réveille, mais je ne suis plus dans le camion. Je suis sur un matelas plutôt dur, sous une légère couverture, et mon visage est sans cesse palpé de mains gantés. Ce sont deux femmes qui discutent de ma vue :
- Tu as vu les résultats ?
- Oui. On dirait que le cerveau renie le nerf optique !
- C'est grave ? je demande.
Elles poussent un cri de surprise avant de me répondre :
- Disons que la voie naturelle de la vision est définitivement hors d'usage. Mais à Colfia nous avons des technodoc qui font des prothèses pouvant vous faire retrouver la vue.
- C'est génial, je m'exclame.
- Vous n'aviez pas ça dans votre monde ?
- Non, Colfia est bien plus avancé technologiquement.
- Il ressemble à quoi ?
- Mon monde ?
- Oui.
- C'est compliqué à dire comme ça, dis-je en réfléchissant. Déjà on n'a qu'une planète, la Terre.
- La Terre ? Comme la terre ?
- Oui, dis-je en rigolant. Notre ciel est bleu, et il y a cinq grands continents séparés par d'immenses océans qui occupe la majorité de la surface.
- C'est fantastique, s'exclament-t-elles ! A quoi ressemble ces océans...
J'entends une porte s'ouvrir et Manon s'exclame :
- Bonjour ! Alors comment il va ?
- Le nerf optique est comme déconnecté. C'est la première fois que je vois ça. J'ai appelé Alex, pour qu'il regarde, explique l'une des infirmières.
- D'accord, acquiesce Manon.
- C'est vrai, que vous avez fait une attaque sur une carrière d'Otarin ? demande l'autre. Comment ça s'est passé ?
- Les nouvelles vont vite à ce que je vois, soupire Manon. Essayez de garder ça pour vous. Mais oui, on vient d'attaquer l'une de ses carrières secrètes. On a subi aucunes pertes, et chaque soldat du roi a survécu et sont actuellement en détention au campement. En revanche le transport des ouvriers prend un peu plus de temps à la vue de leurs nombres.
- Il y aura assez de place au campement ? demande la première.
- On a essayé d'en renvoyer chez eux un maximum, c'est un peu complexe. Mais bon espérons que c'est la dernière fois que nous avons à le faire. Normalement avec Griffing et Xander de notre côté, toutes ces horreurs devraient bientôt s'arrêter.
J'entends la porte s'ouvrir une nouvelle fois, et un homme s'exclame :
- Bonjour, bonjour.
- Vous avez fait vite, s'exclame une des infirmières !
- Quand j'ai appris sur qui j'allais travailler, j'ai fait au plus vite ! Ce n'est pas tous les jours que l'on peut aider un être aussi fantastique que...
- Xander, termine Manon.
- Oui, c'est ça Xander, reprend l'homme. Je me présente, je suis le technodoc d'Orclanne, je m'appelle Alex. On m'a dit que tu avais rencontré un problème aux yeux.
- Son cerveau ne semble plus accepter les signaux électriques provenant du nerf optique, explique une énième fois une infirmière.
- En effet, constate-t-il. Et à partir de quand, tu as perdu la vue exactement.
- C'est quand j'ai fait apparaître des clones de moi-même, je réponds. C'est un peu bizarre dit comme ça, mais j'ai fait en sorte de voir à travers leurs yeux.
- Mais plus les tiens du coup, réplique Axel. Tu pourrais en faire apparaître un, pour que je vois l'effet que ça provoque sur tes nerfs ?
- Bien sûr.
Je tends mes bras autour de moi pour tenter de déterminer si l'espace est libre avant de finalement demander :
- Je peux avoir de la place à ma droite, s'il vous plait.
Après quelques instants et des bruits de chaises, Manon me donne le feu vert. Je visualise alors un clone d'eau. Je sens l'air s'assécher légèrement, sous les soupirs d'émerveillements des spectateurs. Dès qu'il s'achève, je retrouve les couleurs de la vie, avec joie.
J'observe fasciné le corps imposante d'Axel, l'entièreté de son bras droit est métallique tout comme ses yeux et surtout comme une bonne partie de son crâne. Ses cheveux sont une multitude de tubes flexibles munit aux extrémités d'une grande variété d'outils.
Il souffle contemplant mon clone avant de se repencher sur les écrans :
- Déjà... Wow. C'est extraordinaire.
Regardant mon corps allongé avec une solution, je lui demande :
- Ça abîme mon corps ou pas ?
- Non, mais j'ai toujours du mal à comprendre pourquoi ton cerveau n'accepte plus les entrées Mais il y a moyen que je te fabrique une prothèse qui passera outre.
- Ne t'embête, je le rassure. Si ça ne l'abîme pas je peux juste faire ça.
D'une pensée je liquéfie mes yeux, et d'un coup je retrouve la vision de mon corps couplé à celle du clone.
- Tu es un être fascinant Xander.
- J'aurais aimé y penser avant je t'avoue, je lui réplique. Merci de m'avoir aidé.
- C'était avec plaisir. N'hésite pas si tu as besoin pour une prochaine fois.
- Pas de problème.
Je fais disparaître mon clone dans un nuage de vapeur et me relève.
Je remercie les infirmières et me dirige vers la sortie, accompagné de Manon.
Dehors, je demande :
- Du coup, on attaque quand le palais ?
- Chaque chose en son temps, Xander. Tu es notre dernier espoir, il faudrait éviter de te perdre bêtement.
- D'ailleurs, il est où Griffing ?
- Il a visité ses nouveaux appartements, et maintenant il doit être en train de parler avec Orclanne.
- Lui aussi est impatient de passer à l'action.
- Il culpabilise, répond lourdement Manon. Il est le seul qui n'a pas souffert. L'impuissance face aux visions de vos souffrances l'ont profondément atteint.
On marche de nouveau sur le joli chemin sous les arbres, loin de toute activité de la rebéllion. Elle me demande :
- Tu vas faire quoi après tout ça ?
- Je ne sais pas ça dépendra des autres. Mais je pense que Vestia voudra rester pour remettre un peu d'ordre.
- Mais toi, tu veux quoi ?
- Déjà, libérer mes amis. Mais après j'aimerais passer du temps avec eux, retrouver l'atmosphère rassurante du refuge et du vaisseau.
- Ce n'est pas une atmosphère rassurante ici ?
- Ce n'est pas ça, je soupire. Cet endroit est trop associé à Otarin et à toutes les douleurs qu'on a subi. J'aime être dans mon cocon, dans ma zone de confort.
- Prendre des risques, ça fait du bien de temps en temps. Sortir de sa zone de confort.
- C'est vrai, j'acquiesce.
Soudain le ciel s'assombrit d'un coup, comme si on avait éteint la lumière. Puis dans un craquement assourdissant accompagné d'un éclair blanc il redevient normal. Je sursaute et lève la tête au ciel surpris. Mais l'épais feuillage des arbres m'empêche de voir le ciel.
Curieux quand une trainée sombre assombrit de nouveau le campement, je fais léviter un clone pour observer le ciel. Au-dessus de la cime des arbres, je suis bouchée-bée par le spectacle. Une gigantesque faille s'étalant sur plusieurs kilomètres de long entaille le ciel. En contraste avec le ciel jaune clair, elle est totalement noire et provoque une gigantesque ombre.
Puis d'un seul coup, une nuée d'espèces d'insectes volant se met à sortir de la faille en quantité terrifiante. Et tous foncent sur la base. En quelques secondes, ils sont descendus au sol et commence à s'attaquer à tout ce qui bouge.
Je reste, quelques secondes, paralysé et stupéfait par l'horreur. Puis je me reprends. Je me reconcentre et fais apparaître mon apparence Raptium et absorbe en urgence toute l'eau qui m'entoure réduisant en cendre par la même occasion les arbres à proximité.
Je ferme les yeux, je me reconcentre et génère des dizaines de clones.
Je créé des pointes d'eau autour de chacun de mes clones et les lances combattre, défendre le camp pendant que je saisis la main de Manon en lui hurlant :
- Cours !
Elle pousse un cri de surprise et s'exclame n'ayant pas vu le début du massacre :
- Xander ! Qu'est-ce qui se passe ?
- Il faut qu'on aille dans le bunker d'Orclanne au plus vite !
Pendant ce temps-là, mes autres clones se battent, au milieu du sang qui recouvre déjà une bonne partie du sol. Les insectes de la taille de panthères avec d'immenses ailes de mouches et monté d'une tête de piranha, qui arrachent à ses victimes d'énormes morceaux de chairs avec leurs dents brillantes. Ils ont aussi à la place d'une fourrure féline, une carapace parsemée de pointes résistantes au peu d'armes du camp.
Mais à chaque fois que je parviens à en exterminer un en les transperçant d'une pointe de glace par le cou, l'une des seules parties tendres de leurs corps, des dizaines d'autres apparaissent.
D'un coup des pics de roche sortent subitement de terre et transperce une dizaine de monstres.
Des globes de roches se forment et protègent une partie des passants, mais le reste est toujours sauvagement attaqué.
Rapidement mes clones sont dépassés puis attaqués. L'afflux continue d'être toujours aussi important et mes attaques sont dérisoire aux vues du nombre dantesque.
Mes doubles sont déchiquetés et étrangement les crocs ne passent pas à travers mes doubles composés d'eau. Un a un je perds chacun d'eux. En quelques minutes, mes clones sont tous massacré.
Je cours à bout de souffle vers l'épaisse porte de métal incrusté dans la montagne. Soudain j'entends derrière nous s'approcher un puissant bourdonnement.
Je lâche aussitôt la main de Manon et me retourne. Un frisson glacial me parcourt quand je vois une vingtaine de monstre se ruant sur nous à une dizaine de mètre seulement.
Je régénère des clones que je lance au combat et forme un mur de glace juste devant moi. Je tente de geler les monstres, mais ils semblent insensibles à la glace qu'ils brisent dès qu'elle se forme.
J'ai un puissant haut le cœur quand les bêtes heurtent d'un coup mon mur, le faisant exploser presque instantanément. A cinq avec mes clones, nous luttons, mais plus le temps passe plus l'infériorité numérique devient conséquente.
Au bout de quelques minutes, je me retourne et vois soulagé Manon atteindre les portes qui s'ouvrent à son approche. Le combat perdu d'avance n'ayant maintenant plus d'importance de continuer, je m'évapore en même temps que je fais disparaître mes clones.
Mais je ne peux pas pour autant à rester à rien faire, je retourne vers les bâtiments principaux du camp. Et redisperse des clones.
Le combat est compliqué, mais je ne me bats plus pour le gagner. Chaque monstre tué est insignifiant aux vues du nombre impressionnant qui continue de sortir de la faille. Alors je fais mon maximum pour protéger ceux qui sont encore en vie et vulnérable.
Je suis choqué quand une femme passe devant la vision d'un de mes clones, elle hurle couverte de sang. L'instant d'après, une dizaine de monstre lui saute dessus, comme des chiens enragés. Je me jette dans la mêlée avec plusieurs, égorge chacun des monstres les uns après les autres. Mais quand j'en viens finalement à bout, plusieurs longues minutes plus tard, il ne reste même plus la tête, mais seulement un tas de boyaux, de chair et de sang mélangé au sol sablonneux.
Je suis tétanisé. Elle est morte. Morte dans d'atroce souffrance. Par ma faute ? Aurais-je pu faire mieux ? Mon cœur s'emballe.
- « Je peux t'aider ! »
D'où vient cette voix féminine ? Je ne la reconnais pas.
- « Tu m'as réveillé, tu m'as ressuscité. Je peux t'aider à les sauver. »
- « Qui es-tu ? je réponds confus. »
- « Cléo. Mais ça n'a pas d'importance maintenant. Laisse-moi prendre le contrôle. »
Je ne sais pas quoi penser. Et si c'était le Mal ?
- « D'autres meurt, pendant que tu réfléchis. »
C'est la dernière solution. Je ne peux refuser, je m'en voudrais de ne pas avoir essayé.
- « Comment je te donne le contrôle ? »
- « Concentre-toi sur ma voix. »
Je m'exécute, pendant qu'elle continue :
- « Je sens l'énergie de Nélia en toi. Je ne sais pas qui tu es, ni même comment son énergie est si fortement ancré dans ton corps, mais tes intentions semblent bonnes ! »
Pendant qu'elle me parle je me sens quitter mon propre corps et je me sens attiré dans les entrailles de la planète.
- « Ma sœur avait dû sentir notre fin. Je dois continuer ce qu'elle a commencé et finir de purger l'énergie de Cladior. »
Mais de qui parle-t-elle ?
Soudain ma vision dévoile une gigantesque sphère noire aux fissures violettes. Une fissure m'aspire, et je pénètre dans la sphère sans que je ne puisse rien faire d'autres.
Etais-ce un piège ? Suis-je tombé dedans ? Où suis-je ?
Je me retrouve dans un univers de violet. Le même que celui à notre arrivée dans le refuge. Puis tout s'obscurcit.
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