Chapitre 13 : Passage en force
Deux heures plus tard, le laser se dévoile enfin derrière le mur de bâtiment.
Enfin ! Enfin nous y sommes. Peut-être trop tard, mais je ne le laisserais pas faire plus de mal qu'il n'a déjà fait. Y penser, me replonge presque dans la vision d'Itarra, juste assez pour que je ressente une nouvelle fois son mal-être et sa douleur.
Enragé par la colère, mon cœur s'accélère, ma mâchoire se serre, mes muscles se tendent. Je ne veux qu'une chose... La mort d'Otarin
Griffing penché sur le combat demande à Manon :
- On est d'accord, qu'il n'y a pas moyen d'y accéder par en bas ?
- Oui. Mais...
- Tu veux vraiment venir avec nous ? l'interrompt-il.
En sortant une arme de poing du rangement centrale, elle s'exclame avec détermination :
- Je suis sûre.
- T'avais un plan ? continue-t-il prenant son apparence Raptium.
- J'avais prévu de nous infiltrer dans un vaisseau de transport allant au palais.
- Ok. Donc c'est maintenant ou jamais pour nous laisser, ajoute encore une fois Griffing en la regardant.
- Je viens ! s'exclame-t-elle tendu. Et je ne changerais pas d'avis !
- Ok, alors accroche-toi. Je n'ai pas de temps à perdre.
La carrosserie se met à grincer, l'avant de la voiture se lève et s'envole vers le palais. Manon pousse un cri de surprise, tandis que nous sommes poussés au fond de nos sièges. Je souris devinant le plan frontal de Griffing avant de faire apparaître mon apparence Raptium.
- Mais ils ont renforcé les défenses anti-aériennes de palais depuis votre arrivée, s'écrit Manon.
- Xander, je te laisse t'en occuper, souffle Griffing concentré.
- Ok pas de problème, j'acquiesce.
- J'aurais dû m'y attendre, soupire Manon tendu ses mains anxieusement ancrées dans les accoudoirs.
Je ferme les yeux me replaçant confortablement dans le siège. Puis j'inspire profondément et fais le vide pour me concentrer le plus possible.
Fin prêt, je sonde les alentours à la recherche d'eau. Je rassemble ainsi toute l'humidité qui entoure la voiture pour former un premier bouclier fait d'une immense sphère d'eau.
Je continue de rassembler l'humidité ambiante, l'altitude me facilitant la tâche, et crée un épais nuage de vapeur autour de ma sphère protectrice
Quelques minutes plus tard, maintenant bien loin de la route et encore une bonne centaine de mètre du palais. Un vaisseau émerge de la coupole dorée du palais et fonce vers nous. Griffing souffle :
- Pas de pitié, Xander. On n'a pas le temps.
- Nous avons déjà bien trop souffert pour qu'il me reste encore une once d'empathie pour eux. Chacun a maintenant choisi son camp, je réponds.
Le vaisseau est maintenant suffisamment proche pour que je puisse discerner ses formes. Il a un fuselage effilé, avec à l'avant un cockpit vitré formant une pointe, le tout est porté par deux réacteurs qui s'oriente indépendamment du reste pour pouvoir manœuvrer le vaisseau.
Soudain se déploie de chaque côté de la carlingue une sulfateuse.
N'attendant pas plus longtemps, je transforme une partie de la vapeur d'eau en des dizaines de pointes de glaces.
De la même façon que mes clones, je vois à travers eux, et les guidant je les envoie sur le cockpit. Le pilote, surpris n'a pas le temps d'esquiver la nuée de projectile mortel et je vois les vitres exploser avant que tous mes pics se fichent dans le corps du soldat. Aussitôt l'aéronef se met à vriller violemment avant de piquer du nez.
Quelques secondes plus tard, le crash du vaisseau dans une tour produit un violant craquement qui fait vibrer les vitres de la voiture.
- J'espère qu'Orclanne se trompe, soupire Manon.
- On aura l'avis du peuple, réplique Griffing. La chute d'un tyran nécessite que le sang coule. Attendre n'aurait fait qu'augmenter le nombre de sacrifice nécessaire.
Au moment où il termine sa phrase, un tir nourrit de balles heurte ma barrière d'eau, me coupant le souffle.
Déstabilisé, plusieurs balles parviennent à traverser le bouclier et s'arrête par miracle dans le toit de la voiture.
Je me reconcentre et renforce mon lien avec le bouclier pour le rendre imperméable aux tirs. Les munitions s'enfoncent dans le bouclier d'eau qui les stoppe brusquement leur inertie, diffusant l'énergie vers l'arrière de la sphère générant des vaguelettes.
- Xander ? Tu tiens ? s'assure Griffing.
- J'ai été surpris, mais ça va le faire.
Je peux d'ailleurs apercevoir, la mitrailleuse tirant depuis une ouverture dans la base du palais. Trop loin pour le moment, je ne peux qu'encaisser ses attaques.
Plusieurs secondes plus tard et plusieurs dizaines de mètres plus haut au-dessus du sol, nous pouvons maintenant apercevoir les détails de la coupole dorée. Au même moment, d'autres ouvertures s'ouvrent les unes après les autres.
Mon rythme cardiaque se met à accélérer quand je vois d'une alvéole, un missile partir.
J'envoie à son contact une partie de la vapeur d'eau qui enveloppe la voiture. Le cœur battant je me dépêche de le recouvrir d'une couche d'eau pour en prendre contrôle.
Il est rapide et quand je commence à dévier sa trajectoire, il n'est qu'à quelques mètres de la voiture. Je l'entends siffler à ma gauche derrière la vitre avant de s'éloigner rapidement.
Vengeur, je lui fais faire un demi-tour, avant de l'envoyer, passant à nouveau à côté de nous vers l'ouverture d'où il a été lancé.
A l'approche du missile, la bouche se referme, et il explose contre la paroi dorée. En revanche, le feu n'a cessé d'accroitre grâce aux nouvelles tourelles qui se mettent en opérations les unes après les autres.
- Bien joué, souffle Griffing.
- Griffing ? Tu comptes rentrer comment dans le palais ? s'inquiète Manon.
- Par les jardins.
Comme une réponse de la part d'Otarin, un escadron de cinq vaisseaux de combat identique au premier, émerge de la coupole, et fonce vers nous.
Préparant ma défense, je forme une centaine de pics que je répartis en cinq groupes. Les contrôlant tous en même temps, je les lance sur chaque cockpit.
Les pilotes tentent une esquive, mais sur les cinq, j'arrive à transpercer le cockpit de trois.
Pendant que je reforme des pics pour les deux restants, une idée me vient. Toujours en envoyant une pluie de glace meurtrière sur les deux menaces, j'absorbe l'eau des cadavres des pilotes. Leurs corps se désintégrant en une poussière s'envolant au vent, je les remplace par des clones d'eau.
Un des vaisseaux percute un gratte-ciel avant que je ne puisse en reprendre le contrôle. Mais j'arrive à redresser les deux autres et foncer vers le palais.
Pendant que je commence d'un côté à pilonner les ouvertures de la coupole dorées, j'ai toujours des difficultés à détruire les deux vaisseaux restants qui tente de détruire mon bouclier d'eau avec leurs sulfateuses.
Tous en esquivant mes pics les deux vaisseaux voltigent autour de la voiture de deux côtés opposés. Puis totalement synchronisé, les deux ventres des vaisseaux s'ouvrent et de chacun un missile s'en échappe.
Je divise aussitôt mon nuage en deux parties, et fonce sur les projectiles, je parviens tout juste à les dévier de la voiture et les projette sur mes deux assaillants.
Cette fois j'arrive à les avoir grâce à l'effet de surprise, et leurs propres missiles explosent à leurs contacts.
Les ondes de chocs, font éclater les vitres de la voiture. Je sursaute, et rouvrant les yeux, je lâche ma barrière d'eau un instant, laissant des dizaines de balles cribler la voiture.
Manon pousse un cri de surprise, elle ne semble pas la seule surprise car la voiture se met à chuter quelques instants avant de reprendre de l'altitude.
Le souffle court, je referme les yeux et me reconcentre tant bien que mal sur ma tâche, mon cœur battant à tout rompre.
Heureusement, les mitraillettes sont de moins en moins nombreuses à tirer, car soit les postes de tir sont détruits soit fermés pour s'abriter des tirs des vaisseaux que je contrôle.
Alors qu'on arrive au niveau des jardins, deux missiles sifflent et explosent les deux vaisseaux que je contrôle. Les carcasses fumantes se mettent à chuter pendant que tous les postes en état se rouvrent et se remettent à nous tirer de dessus.
Une des carcasses, rebondit sur le toit d'un immeuble avant de transpercer les vitres d'un immeuble voisin et de s'y engouffrer. La seconde, explose contre un immeuble déjà en flamme qui commence à s'écrouler.
Dans un premier temps, je suis soulagé par notre altitude qui empêchent une partie des tireurs de nous atteindre, mais dans un deuxième temps des tirs provenant de la tour commence à ricocher sur mon bouclier.
A l'approche des jardins, Griffing s'exclame :
- Surtout, Manon tu restes derrière nous quoi qu'il arrive. Tu connais l'étage du trône ?
- Oui, je vous guiderais.
A l'approche de la voiture, le dôme de verre s'ouvre pour nous laisser passer. Il s'exclame finalement avant de poser en catastrophe la voiture dans les jardins :
- Allez. C'est maintenant que les choses sérieuses commencent.
Le feu ennemi ne s'arrête pas pour autant, les balles percutent la surface du dôme provoquant un bruit assourdissant comme une tempête de grêle.
On s'empresse de sortir de la voiture, et de courir vers la porte de la tour. Hors de la voiture, j'entends un puissant craquement. Quand je lève la tête, je vois une gigantesque fissure parcourir le dôme avant que celui-ci n'explose.
Mon bouclier toujours autour de nous, je nous protège d'une pluie de balle et d'éclats de verre. La voiture, maintenant vulnérable, explose quelques instants plus tard sous les impacts de balles.
Manon presse frénétiquement le bouton ouvrant la porte, mais rien ne se passe. Elle hurle sous le vacarme des impacts sur mon mur d'eau faisant un pas en arrière :
- Elle est fermée, impossible de l'ouvrir.
Griffing s'avance, à son approche les portes se mettent à grincer, puis s'enfonce dans la tour.
Derrière, cinq gardes organisés en V pointent leurs armes sur nous, la pénombre du couloir se confond avec la couleur de leur uniforme obscur.
Avant qu'ils ne puissent faire quoi que ce soit, ils sont empalés par des pics d'acier subitement sorties du sol.
Griffing semble imperturbable et s'élance dans le couleur slalomant entre les pieux dégoulinant de sang. Après quelques seconds figés par la violence, je m'empresse de le suivre pour m'abriter des tireurs.
Piétinant dans les flaques de sang, je le rejoins avec Manon devant la porte de l'ascenseur.
Griffing avait déjà appuyé sur le bouton pour l'appeler. A son arrivé, deux gardes nous pointent à travers les portes vitrées.
Aucun des deux n'a le temps de tirer que leurs armes se retournent vers eux. Ayant perdu le contrôle de leurs propres fusils, les deux soldats le visage défiguré par la surprise et la peur s'entretuent.
Le sang gicle sur les parois vitrées de la navette en même temps que la mélodie signalant l'ouverture des portes retentit.
Les portes s'ouvrent et laissent tomber les corps inertes des deux gardes juste devant nous. D'un geste Griffing les écarte vers le couloir en contrôlant leurs vêtements.
Je ne peux m'empêcher de lâcher un regard sur les cadavres aux poitrines déchiquetés avec un frisson d'horreur. Et s'ils étaient obligé de faire ça ? Et s'ils ne l'avaient pas mérité ? Mais avions-nous mérité de mourir ?
Dès qu'on est entré dans l'ascenseur, Manon appuie sur un bouton :
- Allez ! Direction la salle du trône.
La regardant je lui forme tout autour d'elle une épaisse couche d'eau, asséchant sévèrement l'air. Elle me demande surprise :
- Pourquoi tu fais ça ?
- Je te protège du feu.
Je croise le regard douteux de Griffing, qui me terrifie. Et si on perdait contre Vestia et Shinen ?
Soudain l'ascenseur s'arrête. Manon se tourne vers le panneau de contrôle avant de s'exclamer :
- Ils viennent d'arrêter toute la ligne. On est bloqué.
Un sourire s'esquisse sur le visage de Griffing, avant que la navette se remettent à monter dans un crissement assourdissant.
Manon se penche contre la vitre pour voir l'extérieur avant de déclarer :
- Griffing, les freins sont enclenchés. Desserre-les tu vas économiser de l'énergie.
Aussitôt le crissement cesse. Il la remercie d'un regard avant de se concentrer sur la suite.
Quelques secondes plus tard, regardant le paysage derrière les vitres ensanglantés, j'aperçois un vaisseau se positionner face à nous.
Mon sang se fige quand je vois le missile sortir de son ventre.
- Attention ! je hurle.
J'ai tout juste le temps de propulser Manon hors de la cabine, la suivant de près avant que la cabine n'explose.
Nous maintenant dans le vide je vois la cabine s'écraser sur la pelouse noire du jardin. D'un geste vengeur, je forme trois pics de glace et les lance sur le vaisseau.
Le pilote fait l'erreur de garder sa position pour nous tirer dessus, mes pointes de glaces cribles sa poitrine deux secondes plus tard alors que les balles des sulfateuses se criblent dans un mur de glace flottant devant nous.
Le vaisseau commence à chuter avant de percuter la tour de plein fouet, il roule sur la paroi avant de finir sa course dans un puissant vacarme sur la pelouse des jardins faisant trembler tout le palais.
Je regarde autour de moi, la menace disparue, à la recherche de Griffing. A-t-il réussi à s'en sortir ? Où est-il ?
- Xander, viens là, s'exclame-t-il à travers le trou béant formé par l'explosion dans la tour.
Je souris de soulagement et m'empresse de le rejoindre. Je sens mon énergie commencer à s'épuiser et nous ne sommes toujours pas arrivé au roi.
J'ai mal géré ? Je dois absolument économiser mon énergie à partir de maintenant.
L'étage où nous nous trouvons a été soufflé par l'explosion, le plancher est noir de suie et recouvert de feuilles éparpillés parmi les gravats et la poussière.
Mais ce qui reste d'encore debout nous permet de savoir que nous sommes dans un laboratoire. Aux vues des plans sur les murs et des armes en pièces sur les paillasses, ils développaient les armes d'Otarin.
Manon reprenant son souffle s'exclame :
- Merci, Xander. Ça commence à devenir vraiment dangereux.
- Mais il est trop tard pour faire marche arrière, soupire Griffing.
- Ce n'est pas ce que j'ai dit, réplique-t-elle. Ce n'est pas ma première opération. Je suis consciente des risques.
- Il nous reste combien d'étage ? demande Griffing froidement.
- Une petite dizaine, soupire Manon.
- Et je suppose qu'il n'y a pas d'escalier ? je demande.
Elle me fait signe que non.
- Si Xander nous fait une protection d'eau ça devrait le faire par l'autre ascenseur.
Mais j'arrive à court d'énergie ! J'avoue :
- Je commence un peu à fatiguer, tu ne peux pas nous protéger ?
- Déjà ? répond-il inquiet. Je m'en occupe alors.
On se dirige de l'autre côté de la sphère pour saisir l'autre ascenseur. Mais il est lui aussi bloqué, impossible de l'appeler. Griffing soupire alors :
- Bon l'avantage c'est qu'il n'aura plus de renfort.
D'un geste il ouvre les portes dans un puissant crissement. De l'autre côté, le vent siffle bruyamment, rendant la vue sur le vide encore plus impressionnante.
Manon lâche :
- On est au 72ème étage. Il est au 80ème. On a huit étages à traverser.
- Je note, s'exclame Griffing.
Puis après quelques secondes, pensif. Ses yeux démoniaques brillant d'une terrible rage se ferment en même temps qu'il nous rapproche contre lui d'une douceur étrangement maternelle.
Tout autour de nous le sol se relève en même temps que le plafond le rejoint formant un cocon métallique. Puis plongé dans le noir je sens que la navette improvisée s'anime.
Un puissant craquement se fait entendre avant que je ne ressente dans mes mollets la pression de la montée.
Puis d'un coup, la pression s'arrête, un craquement plus bruyant se fait ressentir avant que les parois à ma droite ne s'ouvrent.
On est bien arrivé dans la salle du trône. La totalité de l'étage est dénué de mur, excepté les deux portes d'ascenseur, opposés l'une à l'autre de l'étage, toutes les parois extérieures sont vitrées. Il semble y avoir une sorte de filtre car l'on peut voir tout Colfia sans être gêné par les nuages ou quelconque brouillard.
Le plafond voûté est animé d'une vue en trois dimensions du petit soleil au milieu de GreenEx, Lorquia et Platerra sur un sombre fond étoilé. Dans un autre contexte, j'aurais été absorbé par cette pièce fantastique. Mais maintenant ce n'est pas le moment, je ne suis pas là pour ça.
Un beau tapis rouge nous mène vers le roi assis sur son trône, un large siège de bois, d'or et de satin rouge. Vestia est couché à ses pieds comme une chienne. Shinen est à sa droite, droit et sans émotion lui aussi doté du même collier que celui de Vestia
Je suis malgré tout, soulagé de voir, la sombre dague d'Itarra, accrochée en trophée au-dessus de la tête du roi. C'est déjà un problème en moins à s'occuper.
Entre eux et nous une vingtaine de garde nous pointent leurs canons sur nous. Le roi soupire presque agacée par la situation :
- Et bien... Vous n'avez pas du tout la mentalité colfienne. J'avoue que je me suis trompé à votre sujet. Je ne pensais pas que vous vous ramènerez après ma démonstration. Mais bon l'avantage, c'est que je vous tiens tous les deux. Bientôt je n'aurais vraiment plus aucun problème.
Griffing enragé s'écrit :
- Tu vas payer pour ce que tu as fait.
- C'est ridicule, nie le roi. Itarra a dit la même chose avant qu'elle ne se transforme en tas de cendre.
Sur ces provocations, le plancher grince violemment devant Griffing. Les armes des gardes explosent dans leurs mains en blessant plusieurs.
Alors que le plancher commence à se déformer, Manon hurle de douleur se tenant la gorge. Griffing s'arrête aussitôt.
Otarin lançant deux colliers devant nous, s'exclame :
- Rendez-vous ou elle meurt.
- « Je n'arrive pas à sentir leurs puces ! s'exclame mentalement Griffing. »
- « Griffing... je commence en repensant aux paroles de Lucie. Si tu ne neutralise pas les puces il n'y a qu'une seule autre solution. »
- « Je... Je ne peux pas... Ils ont déjà trop souffert par ma faute, je ne peux pas en rajouter, tremble-t-il. »
Manon se met à hurler de plus belle.
- J'ai pas toute la journée, s'impatiente Otarin. Dépêchez-vous ou la fille meurt !
Je regarde, perturbé Manon. Le visage rouge elle me regarde pourtant le regard ferme : L'abandon n'est pas une solution.
Griffing fixe profondément Vestia. Il semble avoir perdu sa furie meurtrière. Moi j'ai l'impression de regarder Manon pour la dernière fois. Ma gorge se serre.
- « Griffing ? »
- « Prêt ? répond-il. »
Je hoche la tête.
Aussitôt le sol s'hérisse de pointes qui fauche et massacre tous les gardes ainsi que Shinen. Mais Vestia s'est brusquement relevé, des pics de métal s'arrêtant à quelques centimètres de son visage.
- « Je ne peux pas... Je suis désolé, souffle Griffing. »
D'un regard, je vois Manon récupérer son souffle, écroulée sur le sol, haletante. Mais c'est loin d'être fini. Vestia est encore debout.
Vestia fait apparaître son apparence Raptium, et d'un coup je suis pris d'une violente bouffée de chaleur. Pour m'esquiver de cette sensation beaucoup trop forte, je me liquéfie. Instantanément je suis vaporisé formant de force un nuage de vapeur.
Griffing à côté de moi, forme un rocher noirci, je me tourne de l'autre côté pour m'assurer que tout va bien quand je vois derrière ma protection d'eau le corps carbonisé de Manon s'effondrer sur le sol.
Reprenant ma forme physique, je me retourne fou de rage au moment où un énorme vaisseau passe derrière le trône d'Otarin. Les fenêtres disparaissent pendant que le trône, le roi et la reine sont absorbé par une sorte de champs de force.
Je hurle de colère les larmes aux yeux, leurs jetant des pointes de glaces que Vestia vaporise.
Dans un dernier espoir, je parviens quand même à agripper avec l'humidité de l'extérieur la dague d'Itarra et de la faire voler vers moi.
Le vaisseau reparti, le silence retombe dans la salle du trône. De la magnifique salle, il ne reste rien. Les vitres sont pour la plupart brisé, le sol est totalement ravagé par un mélange d'acier et de corps massacrés.
En pleurs, la dague entre les mains, je fais disparaître mes apparences, et me laisse tomber à genoux prêt du corps inerte de Manon.
Itarra et Shinen reviendront, mais pas elle. Elle est partie pour toujours. Je ne reverrais plus son sourire, ses beaux cheveux ou même son regard perdu dans le vide quand elle parle avec Orclanne.
Tout est ma faute. Si j'avais été plus réactif. Si j'avais utilisé mes pouvoirs plutôt que paniquer dans la machine d'Otarin avant qu'elle ne s'enclenche, j'aurais pu nous sauver avant d'impliquer Manon. Si j'avais réagi plus vite à ses femmes qui avait irruption dans la salle de banquet. J'aurais pu changer les choses. J'aurais pu éviter tous ce que les autres ont vécu !
Je tremble de rage, j'aimerais tellement anéantir Otarin, lui faire payer pour Itarra, Manon et tous les autres. Mais je ne peux rien faire pour l'instant. La colère me paralyse, mon corps est ankylosé, chaque membre tremblant. Je ne peux même pas fermer le poing.
Je ferme les yeux. Les beaux souvenirs de Manon, le rappel de son souffle, de son contact rassurant, attise encore un peu plus la flamme de ma rage.
Je referme ma main droite engourdi sur le manche du poignard d'Itarra, espérant un peu de réconfort. Si seulement elle était là... Elle aurait trouvé une solution, elle aurait pu changer les choses...
Soudain je sens le manche battre au rythme de mon cœur, j'ouvre les yeux surpris.
- Itarra ? je souffle.
A chaque battement, l'énergie de la dague pénètre dans mon poignet un peu plus fortement et remonte jusqu'à mon cœur.
L'énergie est emplie de colère, de revanche, et ne demande qu'à s'en échapper. Fermant une nouvelle fois les yeux, l'énergie d'Itarra me réconforte. Pour tenter d'augmenter cette sensation rassurante et agréable, je pose la lame sur ma poitrine.
Le flux d'énergie qui nous lie, devient peu à peu un besoin puis une nécessité. Je sens mon cœur battre de plus en plus fort. Si fort qu'il semble essayer de se réunir de l'autre côté de ma peau avec la lame qui réagit de la même façon.
Enivré par le besoin de répondre à cet appel, je liquéfie ma poitrine et réunit les deux entités.
Quand mon corps se referme, je ressens Itarra. Ce n'est plus juste une énergie. C'est elle ! Je ressens sa colère, sa détermination à anéantir celui qui l'a détruite. Nous formons qu'un, nous sommes deux à contrôler mon unique corps.
Je fais réapparaitre ma forme Raptium. Elle est différente.
Les écailles bleu cyan qui recouvrait ma précédente forme ont disparu pour laisser place à un enchevêtrement de lames noires. Les courtes poignées émergeant de mon corps s'animent à chaque mouvement comme si elles faisaient partie intégrante de mon squelette.
En contraste avec le reste sombre de mon corps, ma tête est formée d'un masque blanc en forme de crâne, où de l'arrière s'échappe une épaisse fumée noire laissant une longue trainée derrière moi semblable à une longue chevelure.
Je me retourne sur le vaisseau qui s'éloigne, enragé et déterminé. Il est loin mais je le vois c'est tout ce qui compte. D'un regard, je me téléporte sur celui-ci.
Griffing surpris demande mentalement :
- « Xander, t'es passé où ? »
- « Je suis parti régler mes comptes. »
- « Quoi ? Mais t'es sur le vaisseau ? »
- « Oui, répond froidement Itarra. Va libérer les esclaves d'Otarin, je m'occupe de lui. »
Des images du palais apparaissent dans nos esprits avec tous les endroits où sont emprisonnés tous les membres de l'Ordre Principales et les prostituées du roi.
- « Itarra ? s'exclame Griffing. »
- « Pas le temps. Laisse-moi tranquille, j'ai besoin de me concentrer. »
Sur ces mots froid, Griffing n'insiste pas. Je me concentre de nouveau sur la recherche d'un moyen d'entrer dans le vaisseau. Avec la rapidité de réflexion d'Itarra, je trouve rapidement une solution.
Je me téléporte sur la vitre du cockpit, avant de nouveau de me téléporter à l'intérieur les pilotes. Je ne leur prête pas attention et ouvre la porte de sortie du cockpit.
Je saisis à mes hanches quelques-unes des poignées apparentes pour en décrocher une lame dans chaque main. Aussitôt arrachées, un panache de fumée noire s'échappe des cavités laissé par les morceaux de fer noir. Puis quand la fumée a disparu le squelette de l'apparence s'est totalement reformé.
Quand la porte s'ouvre, je vois deux gardes monter la garde à la porte du fond. Avec une précision inouïe, je lance mes couteaux et leur perfore leurs deux crânes, avant qu'ils ne puissent déclencher l'alerte.
Saisissant d'autres couteau je passe invisible, je devine qu'Otarin est au fond du couloir. Mais je veux être sûr de ne pas être déranger quand je serais avec lui. J'ouvre la porte coulissante à ma gauche.
Mon cœur fait un bon quand je débarque dans la salle de pause où cinq soldats qui étaient en train de discuter autour d'une table tournent tous la tête vers la porte qui vient de s'ouvrir.
Ils ne me voient pas, mais je me rue sur eux. Comme pour évacuer ma colère et ma rancœur, leur attribuant la faute pour ne pas être du bon côté.
Je saute sur le premier, l'égorge avec le même couteau que je lance en pleine poitrine au garde le plus éloigné. Pendant que j'attrape un nouveau couteau, de l'autre main je poignarde le voisin du premier avant de me téléporter dans le dos du quatrième qui se jette sur son arme. Mais je lui lacère le dos au moment où il se baisse pour la récupérer et s'écroule au sol. Le dernier commence à s'enfuir, mais je me téléporte entre lui et la porte avant de le poignarder mortellement jusqu'à ce qu'il s'écroule en arrière.
J'ai le cœur battant, mais les cinq meurtres n'ont pourtant pas rassasié ma soif de vengeance. Laissant derrière moi les cadavres, je sors de la pièce et pénètre dans la salle d'en face.
C'est une salle de réunion vide comme la grande salle de bain, l'infirmerie, un immense dressing et le grand bureau qui suivent dans le couloir.
Finalement, j'arrive enfin devant la porte gardée des deux soldats où j'entends derrière la voix d'Otarin :
- C'est catastrophique ! On vient de perdre le palais et un atout. Tu es maintenant dans un trois contre un. Tu penses toujours réussir à me défendre ?
- Itarra était ma faiblesse, mais maintenant qu'elle est morte, je suis la plus puissante, répond Vestia d'un ton monotone.
Je me liquéfie et passe sous la porte.
- Ahhh, râle-t-il. Pourquoi est-ce si compliqué ? Pourquoi n'ont-ils pas réagi à ma menace ? Vestia j'ai peur ! J'ai perdu ma machine, j'ai perdu le contrôle. Mon image va en prendre un coup. Et si les gens réalisent que je ne suis pas intouchable ? J'ai besoin d'un câlin.
Alors qu'il se jette sur elle, je me reforme derrière lui. Vestia m'aperçoit et lance une flamme dans ma direction. J'ai juste le temps de me téléporter sur le lit pour l'éviter. Je m'écris d'une voix mêlée de la mienne et de celle d'Itarra :
- Les rôles s'inversent on dirait.
Je me téléporte de nouveau pour éviter une nouvelle langue de flamme qui vient enflammer le lit.
- Comment est-ce possible ? Tu étais morte, s'écrit le roi.
- Si l'empathie de Xander ne me freinait pas, tes tripes s'étendrait déjà sur le sol.
J'esquive encore une flamme avant de disparaître, cette fois invisible. Mes pieds liquéfiés glissant sur le sol, je suis totalement silencieux. Je glisse derrière Vestia et pose une lame sur sa gorge.
Aussitôt Vestia se transforme en flamme, la puce tombant au sol.
- C'est fini, je souffle réapparaissant.
Je me téléporte devant lui, mais au moment où je m'apprête à lui perforer la cuisse, pour le tuer lentement. Un craquement puissant fait trembler le vaisseau.
Quelques instants plus tard, une silhouette noire apparaît subitement dans la chambre, lévitant au-dessus du sol. Une voix sifflante s'exclame :
- Tuez-le et je détruis l'entièreté de ce monde !
- T'es qui toi ? réplique Vestia agressive prenant sa forme Raptium.
- Ce n'est pas important, souffle-t-il.
La colère d'Itarra prend le dessus. Vif, je perfore les deux artères fémorales du roi avant de lui trancher la gorge et de lancer à l'ombre de ma double voix :
- Tu peux toujours essayer. Il est hors de question qu'il sorte d'ici vivant.
- Vous êtes minable, tonne-t-elle avant de s'évaporer.
Otarin, lui, crache bruyamment du sang. Le trouble disparu, je me jette sur lui. N'ayant plus d'échappatoire, je stop les hémorragies en refermant avec de l'eau les artères percées. Puis sans hésiter je plonge ma main dans sa cuisse et arrache tout ce que j'agrippe. Arrêtant en même temps les saignements pour le maintenir en vie, prolongeant de quelques douloureuses minutes ses derniers instants.
Le roi se révulse et hurle de douleur. Il tente de retirer mes mains, mais à peine les siennes s'approchent que des pics de glaces fusent, transpercent ses paumes et se plantent dans le plancher de bois. Alors qu'il hurle de douleur, je m'exclame :
- Tu ne me toucheras plus jamais !
- Je suis désolé. Je te promets, je ne le ferais plus. J'arrête d'utiliser les femmes. Je ferais tout ce que tu veux.
Les jambes vidées de leurs contenues, je saisis de ma main droite une lame à mon épaule gauche et lui tranche l'abdomen. Ses tripes gluantes s'en échappe alors qu'il perd conscience.
Je lui tranche sauvagement les joues pour le réveiller. Je rapproche mon visage à quelques centimètres du sien, et quand il rouvre les yeux, je lui souffle :
- Il est trop tard pour t'excuser. Tu m'as dénudé, violé, humilié et brûlé vive. Tu penses vraiment que je peux te pardonner maintenant. Je ne te laisserais pas, ne serait-ce que rater tes derniers moments.
Je relâche l'eau qui empêchait l'hémorragie et le sang se remet à former une flaque. En même temps que son corps se refroidit, comptant précisément les secondes qui lui restent à vivre, je bloque sa respiration d'un bouchon d'eau dans sa gorge.
Il se met aussitôt à suffoquer en s'agitant pour tenter de dégager l'obstruction qui reste irrémédiablement en place. Ses mouvements s'affaiblissent. Et quand le sang a terminé de s'échapper, l'asphyxie est terminée.
Je me relève, et réalise seulement maintenant ce que je viens de faire.
Le roi est méconnaissable, le visage en sang, sa bouche s'ouvrant jusqu'aux oreilles, ses intestins sortent de son ventre étalé tout autour de lui comme le contenue de ses jambes vides qui se mélange à l'immense flaque de sang. Au sein de ses cuisses évidées je peux apercevoir ses fémurs ensanglantés.
Et moi, je suis à genoux dans la flaque putride, mon apparence Raptium rougit par le sang.
- C'est bien. J'avais un doute si c'était vraiment Itarra, maintenant j'en ai plus, lâche Vestia.
Je me tourne vers elle, et lui souffle encore essoufflé par le massacre :
- J'en avais vraiment besoin. Il devait souffrir comme j'ai souffert.
- Là je crois que c'est bon, soupire Vestia.
Après un bref instant de silence à contempler le cadavre vide du roi. Vestia demande :
- Les pilotes sont toujours en vie.
- Oui, les derniers.
- J'ai besoin de rentrer au refuge, souffle Vestia. Demande-leur de nous déposer à notre vaisseau sur Lorquia. Je vais chercher de quoi m'habiller dans le dressing.
Je hoche la tête en me relevant. Me préparant à toute éventualité, je saisis des couteaux à mes cuisses avant de rentrer dans le cockpit.
- Votre roi est mort, je m'exclame fortement. Déposez-nous sur Lorquia à mon vaisseau. Opposez-vous ou tentez de me trompez et vous mourrez sur le champ.
Aussitôt les deux pilotes capitulent et font bifurquer le vaisseau vers Colfia.
Toujours aux aguets du moindre fait et geste des pilotes qui nous accompagne. Je garde tendu mes couteaux à la main tout le long du voyage.
Ce n'est qu'une fois de nouveau dans le vaisseau, la porte fermée derrière moi que j'arrive à faire redescendre la pression. Calmé, je fais disparaître toutes mes apparences.
Je suis surpris de découvrir que nos deux corps ont fusionnés. J'ai maintenant les cheveux, les bras et les jambes d'Itarra. Le mélange est plutôt étrange mais en tout cas dévastateur.
Dans les couloirs du vaisseau, Vestia me demande en me dévisageant de la tête au pied :
- Comment avez-vous fait pour finir comme ça ? Comment Itarra as-tu pu revenir à la vie ?
- J'ai assimilé l'arme d'Itarra, et nous avons fusionné.
- Lucie, ne nous en avait pourtant pas parlé ? Comment as-tu su ?
- Je ne sais pas. Je l'ai senti.
- Tant mieux. Ça a permis de mettre un terme à tout ça.
Je m'assois à mon poste de commande, et lance le vaisseau vers le palais royal pour accoster sur autre passerelle que celle que j'ai endommagé en partant.
A notre sortie de vaisseau, beaucoup de monde nous attends. Malgré la grande victoire d'aujourd'hui le ton est loin d'être à la fête. Orclanne est là, entouré de ses gardes. Griffing est là aussi le visage fermé.
Je m'approche d'Orclanne, les larmes aux yeux :
- Je suis vraiment désolé, je n'ai rien pu faire. On n'aurait pas dû l'emmener.
- Xander, elle était parfaitement consciente du risque. Elle me l'a dit, elle souhaitait vraiment vous suivre, et participer à la chute d'Otarin. Malheureusement elle n'y aura pas survécu. Tu as achevé son rêve de liberté. Tu n'as plus à t'en faire.
- Mais j'aurais tellement souhaité la protéger pour qu'elle puisse le voir se réaliser, je pleurs.
- On ne peut malheureusement pas sauver tout le monde, me souffle-t-elle en me prenant dans les bras.
Vestia, reste en retrait, tête baissée couverte de culpabilité. Orclanne répond :
- C'est la première fois qu'elle avait autant d'affection pour un homme. C'est pourquoi j'ai vraiment envie que tu participes à ses obsèques.
- J'y serais, je vous le promets, j'acquiesce.
Elle se tourne vers les autres et leur demande :
- Je peux vous proposez des chambres ce soir, si vous le souhaitez.
Vestia s'avance et répond :
- Je veux vraiment aider Colfia à se relever. Mais je pense que nous avons tous besoin d'un peu de repos. Et nous devons rentrer au refuge pour ramener Itarra et Shinen.
- Nous reviendrons dans trois jours, le temps de récupérer et de souffler, continue Griffing. Et je suis sûr qu'entre vos mains, Colfia ne peut que mieux se comporter.
- J'attendrais votre retour avec impatience, répond Orclanne. Vous êtes nos héros.
D'un geste nous les saluons, et rentrons dans le vaisseau.
Dès que la porte du vaisseau se ferme, je sens une tension s'installer. Nous sommes tous les trois silencieux, têtes baissées, n'osant pas rencontrer le regard des autres.
Le silence et le malaise remut aussi des souvenirs difficiles, réveillant les images du corps calciné de Manon s'écroulant au sol, mais aussi le corps nu d'Otarin et ses mains baladeuses remontant le corps d'Itarra, ainsi que les remords de Vestia et la douleur de Shinen.
Le mélange me donne un vertige, et je dois m'appuyer contre un mur et prendre une grande inspiration pour continuer à marcher.
Je m'efforce de penser à autre chose, de relever la tête, pour chasser de ma tête ses souvenirs oppressants. La tâche est difficile, mais j'arrive tout de même à rester suffisamment concentré pour ramener tout le monde au refuge sans encombre.
Dès que j'ai coupé les moteurs, je sens Itarra me quitter, mon corps parcouru d'un grand frisson.
Quand je rouvre les yeux, Lucie n'est pas là et tout le monde est déjà en train de sortir du poste de commandement. Epuisé je rejoins silencieusement ma chambre les images de Manon me hantant.
Après une bonne douche chaude, je me glisse sous les draps.
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