Chapitre 14 : Fraîches blessures
Mais dès que je ferme les yeux, je vois les visages de Griffing et Vestia décomposés par les éléments. Leurs douleurs se ressentaient juste en les regardant.
Et si c'était ma faute ? Si c'était à cause de moi qu'on s'était fait prendre ? J'aurais pu empêcher ses filles de nous paralyser ! Seulement si j'avais été plus réactif et moins la tête dans les étoiles.
Comme une réaction en chaîne, ma culpabilité m'envahit, faisant bouillir le sang dans mes oreilles. Elle ne fait qu'augmenter quand je revois Itarra se faire traîner hors de la salle de réception. Puis nue sous les mains d'Otarin, ses émotions me dévorant tout entier.
J'essaye de penser à autre chose, mais pendant plusieurs heures mes tourments me maintiennent éveillé.
Quand finalement la fatigue prend le dessus, mes doutes ne font que changer de dimensions.
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Je suis dans la salle du trône, Otarin est là sur son trône, Itarra devant lui, Vestia derrière elle. Au moment où elle passe le collier autour du coup d'Itarra, sa tête se retourne vers moi, horrifié en criant :
- Xander ! Qu'est-ce que tu regardes ? Aide-moi !
Je tente de bouger, mais je suis figé, je ne peux que regarder Itarra s'effondrer. Avant qu'elle ne touche le sol, l'environnement change.
Je suis face à Shinen, attaché sur le siège de dentiste la bouche ouverte par l'écarteur. Je tiens dans la main la pince, avec la langue s'agitant. Celle-ci se met à hurler :
- Pourquoi tu m'as fait ça ? Tout ça c'est de ta faute !
Surpris, et terrifiée, je lâche la pince, et recule brusquement. Je tape violemment dans un mur, et quand je me retourne j'aperçois Manon, sous sa protection d'eau.
Soudain, celle-ci s'écoule à ses pieds quand une énorme langue de feu passe devant moi et carbonise le corps hurlant de douleur de Manon.
Je tente de la protéger, de la saisir, de la sortir de là mais son corps disparait pour laisser place à une grande cuisine noire et moderne, illuminé par une gigantesque baie vitrée.
Je me relève, intrigué, pour découvrir que je suis au milieu un énorme studio au sein de la tour du palais.
Un claquement régulier attire mon oreille et mon sang se glace quand je vois le lit à baldaquin tourné vers la vue panoramique. Doucement je m'en approche, le battement régulier s'intensifiant.
Au moment où je dépasse la tête de lit et découvre la scène des vertiges et des nausées m'empoignent fortement.
Itarra est là, enchaînée, comme je l'ai vu et revu, ses yeux sont fermés tandis que des larmes coulent sur ses joues. Un homme est en pleine action par-dessus elle, concentré sur son mouvement de va-et-vient.
Soudain Itarra semble s'apercevoir de ma présence, elle tourne la tête avant d'hurler d'une voix terrifiante :
- Tu m'as abandonnée Xander ! Tu m'as tuée ! Pourquoi ?
L'homme relève la tête vers moi, souriant. Mon cœur s'arrête quand je découvre que l'homme, ce n'est d'autres que moi, salissant violemment le corps d'Itarra.
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Je me réveille en sursaut, trempé de sueur. J'ai la gorge nouée, les larmes coulant à flot. Je suis désolé. Je suis tellement désolé.
Une profonde envie de vomir, me saisit tandis que ma tête se met violement à tourner. Je sors aussitôt de sous la couette et titube vers les toilettes avant d'y vider mon estomac torturé.
Je suis tremblant, paralysé par ce cauchemar, m'affalant contre le mur, je respire. Et mets quelques instants à récupérer ma lucidité.
Ce n'est qu'un cauchemar ! Ce n'était pas moi ! Ce n'était pas de ma faute. Ce n'était pas totalement de ma faute. C'était de ma faute ? Je sais plus.
Et si ça l'était ? Et si ce n'était qu'un signe de Lucie pour me montrer mes erreurs ? Je suis le pire !
Tremblant je me relève, sortant de la salle de bain, la vue de mon lit me donne la chair de poule. Renvoyant des flashs du cauchemar.
Décidé à partir le plus loin possible de ces visions d'horreur, je fais apparaître ma robe d'eau et sort de la chambre.
J'erre dans les couloirs sans but, me haïssant, me maudissant. Pourquoi suis-je autant un incapable ? Pourquoi suis-je si nul ? Manon est morte, par ma faute, j'aurais pu mieux faire !
Je tombe par hasard sur la salle à manger. Mon estomac criant malgré ma gorge serré, je décide d'y entrer. Je tombe nez à nez avec Griffing la mine fatiguée, le regard vide, fixant un panier rempli de pomme.
Il m'aperçoit et souffle :
- Ça va ? Tu as une mine terrible, Xander. Viens t'asseoir.
Je n'ai pas la force de répondre et m'assois à côté de lui. Il me demande insistant :
- Qu'est-ce qui se passe ?
Une réponse apparait dans mon esprit. Ou plutôt une question, qui finalement monopolise toute ma concentration :
- Est-ce que tu m'en veux ? je demande les larmes recommençant à couler.
- Pour quoi ? Xander, eh, respire, me dit-il en me prenant dans ses bras.
Il m'enserre quelques instants avant de continuer, avant de me demander :
- Xander. Grâce à qui nous sommes là ? Grâce à qui, Otarin est mort ?
La question me déstabilise faisant d'un coup de vent, le ménage d'un tas de méprise de moi-même. Je réponds :
- Moi, mais... Manon, si...
- Tu ne pouvais pas savoir. Tu as déjà plus que je n'aurais fait pour elle. Arrête de t'en faire. Tu te montes la tête pour rien. Itarra, Shinen et Vestia sont sortie de cette enfer grâce à toi. Tu ne peux en aucun cas t'en vouloir pour quoi que ce soit.
Soudain je me sens débile, vidé de mes idées, de mes pensées toutes réduites à néant par les propos de Griffing.
Je savoure encore quelques secondes l'étreinte de Griffing, avant de m'en défaire doucement.
- Ça va mieux ?
Je hoche silencieusement la tête, avant de saisir un jus de pomme et de m'en servir. Le silence retombe dans la salle à manger quelques minutes avant que Griffing ne l'interrompe :
- Et puis pour le coup, Manon, c'est de ma faute. Je suis désolé, j'aurais dû t... j'aurais dû neutraliser Vestia. Mais c'était si dur. Je ne me sentais pas légitime de le faire. Je n'ais fait que vous observé sans pour autant souffrir comme vous l'avez subi chacun de vous. Et tu vois, c'est toi qui m'as libéré de la carrière, c'est toi qui as sauvé le camp de rebelle et a tué le roi, en récupérant Itarra et libérant Vestia.
- Mais tu as sauvé des gens au camp ! je réplique. L'ascenseur, la voiture, sans toi rien n'aurait été possible. Je n'aurais pas eu le cran de faire ce qu'on a fait ensemble.
- Mais tu aurais trouvé un autre moyen, Xander. Et elle aurait peut-être été meilleure !
Cette fois je ne sais pas quoi répondre. Et un silence s'installe. Puis quelques minutes plus tard, il souffle plein de remord :
- Je suis désolé.
Les larmes aux yeux, je lui réponds :
- Je ne peux pas t'en vouloir. Si seulement, j'avais réagi plus vite, nous n'aurions même pas rencontrez Manon. Otarin était à quelques centimètres de moi, et je pouvais le tuer et me libérer. Mais mes émotions m'ont figé, paralysé comme toi. Alors je ne peux pas t'en vouloir.
- Merci.
Je saisis une brioche et réconforte mon estomac serré. Griffing me demande alors :
- Otarin, il a fini comment au final ?
- Je pense qu'il a eu son compte.
Les images du cadavre presque dépecé, me reviennent subitement manquant de m'étouffer avec le jus de pomme.
Je lui explique rapidement ce que lui a fait subir Itarra sans trop rentrer dans les détails. J'en profite pour lui parler de l'ombre qui est apparu. Puis le silence retombe.
On reste silencieux quelques instants avant qu'il ne se lève et s'exclame :
- Bon je vais aller me recoucher. Bonne nuit.
- Merci, bonne nuit à toi aussi.
Il s'arrête sur le pas de porte et s'exclame :
- Et surtout Xander, garde en tête que c'est grâce à toi qu'on est là. C'est toi qui as fait la différence. Quoi que tu penses, quoi qu'on te dise, c'est toi notre héro. Tu ne peux pas t'en vouloir pour toutes tes erreurs.
- Merci, dis-je ému.
- Bonne nuit, me salue-t-il avant de quitter la pièce.
J'ai le cœur serré, c'est la première fois que je semble compter. Que la seule personne à me ridiculiser et me rabaisser c'est moi. Ses mots m'ont fait chaud au cœur.
La fatigue absente, je n'ai aucune envie d'aller me recoucher. Alors je me dirige vers la salle d'entraînement.
Au milieu de l'immense pièce, je me sens vide. Une nouvelle fois abandonné. Manon était tellement présente, tellement à l'écoute, elle a été la mère que je n'ai jamais eue. Mais Otarin me l'avais sauvagement volé !
Je me revois un instant devant le cadavre carbonisé. Enragé, par cette vision de Manon brûlée vive, je fais apparaître ma forme Raptium. Je m'élève en faisant léviter l'eau de mon propre corps. Puis j'absorbe toute l'eau de la pièce.
Je vois les feuilles et l'herbe brunirent. J'entends les écorces et la terre craquer. L'eau s'accumule autour de moi, elle forme une sphère de plus en plus grosse.
Quand sa taille à atteint une dizaine de mètre de diamètre, la salle d'entraînement n'est plus qu'un morceau de terre desséché parsemé de profondes fissures.
Je lance de toute mes forces l'eau contre la paroi de la salle. Celle-ci rebondit, les émotions m'envahissent, je perds mes moyens et je tombe sur la vague que j'ai provoqué.
La terre tellement desséchée, qu'elle n'absorbe plus l'eau et une couche de plusieurs centimètres se forme à la surface. Je suis à genoux, en pleurs mes apparences disparues, pensant à ce que j'ai perdu à tout jamais.
- Xander ? s'exclame Vestia.
Elle s'approche de moi, vaporisant l'eau sur son passage provoquant bruyamment des nuages de vapeur d'eau derrière elle. Elle s'assoit devant moi et lâche doucement :
- Je suis vraiment désolé pour cette femme. Je...
- Elle s'appelait Manon. Et je sais, je lui réponds. Otarin vous contrôlaient. Ce n'est pas toi qui l'as tué mais Otarin.
- Je suis vraiment désolé. J'aurais tellement aimé que ça se passe mieux. Je ne pensais pas que ça pourrait aussi mal tourner. Je m'en suis tellement voulu quand je vous ai vu tous les trois.
- J'aurais tellement aimé mieux réussir, je soupire. Si seulement j'avais mieux anticipé, mieux réagis, si j'avais été plus réactif, j'aurais pu éviter tellement de morts.
- On ne peut pas réécrire l'histoire. Tu as fait tout ce que tu as pu et grâce à toi on est là !
Encore une fois ces paroles me réconfortent, et enterre encore un peu plus mes pensées haineuses.
Elle fait une pause, des larmes commençant à couler sur ses joues, puis continue :
- Toi, tu as peut-être fait des erreurs mais tu n'as pas rien fait. Le plus dur pour moi ça été de voir les conséquences de mes actes et d'en être même parfois le propre bourreau. J'ai tué Itarra et cette Manon. Tout ça parce que je croyais tellement en mon monde que je nous ai emmené aveuglément dans un piège alors qu'on n'était pas préparé.
- Mais on l'a tous choisi, je rétorque. Tu ne nous l'as pas imposé.
- J'ai déjà tenté de renoncer plusieurs fois à mes pouvoirs, continue-t-elle, mais Lucie a refusé.
Je suis surpris par ses propos. Mais avant que je ne pose plus de questions elle continue :
- Je ne supporte plus de ressentir vos souffrances dès que je ferme les yeux et de savoir que j'en suis à l'origine.
Je la prends dans les bras et la rassure :
- Tu as commis une grosse erreur mais tu n'étais pas seule. On était tous là. Moi j'en ai fait plein, si seulement j'avais réagi plus vite au buffet ? Si seulement j'avais mieux réfléchi pour protéger Manon ? Toi, tu n'avais pas d'issues possibles. Moi j'ai eu beaucoup de chance.
- Ta créativité ne fait pas partie de cette chance. Peu d'entre nous aurait pu s'occuper d'une base entière occupé par des gardes ennemis. Même si tu t'es retrouvé bloqué au milieu du vide.
Je souris, en pouffant, avant de répondre :
- Je n'étais pas seul, pour autant. J'étais bien entourée.
Je repense à Manon. Encore. Le voyant dans mon regard, Vestia souffle :
- J'aurais vraiment aimé la rencontrer Manon.
J'acquiesce tristement. Elle décide pour changer de sujet, d'à son tour de raconter son point de vue.
Après que les femmes l'ont retirée du banquet, elle a été emmenée dans une chambre. Toujours comme un pantin désarticulé, on l'a déshabillé et revêtu du thème de la maison.
Quand Otarin est revenu télécommande à la main, il l'avait joué fine. Il lui avait dit que si quelque chose lui arrivait, elle ne serait qu'une poupée de chiffon jusqu'à la fin de ses jours pour son successeur.
Il s'est empressé de l'explorer, de la toucher, de la questionner à propos de la pierre sur son front. Elle ne répondait que le minimum voire mentait pour ne pas lui révéler ses pouvoirs incapables de l'éliminer sans être paralysé et sûrement exploité par la suite.
De la même façon qu'Itarra, il avait eu des rapports avec elle sans qu'il ne lui demande son accord. De peur de perdre de nouveau le contrôle, elle s'était laissé faire, endurant les mouvements désastreux et douloureux de cet homme qui ne pensait qu'à lui.
Elle répète ensuite à quel point les visions de nos douleurs l'ont atteint et brisé psychologiquement. Comme moi elle a remis toute la faute sur elle, mais elle n'avait eu personne pour la contredire.
Elle n'a cessé de souffrir de voir Otarin s'en prendre sous ces yeux à Shinen et Itarra.
Et puis il y a eu l'apparition de ses colliers, puis des puces, où elle a cette fois totalement perdu le contrôle. Elle était devenue un robot, qui répondait seulement à Otarin et même plus sa propre conscience.
Elle raconte à quel point s'en prendre deux fois de suite à Itarra et à n'importe qui pour l'unique raison qu'Otarin l'avait demandé l'avait traumatisé.
Je vois pour la première fois ses yeux embués de larmes, déchirée par ses souvenirs.
Je la comprends. Je la prends dans mes bras. La chaude étreinte me fait du bien, et me donne l'amour dont j'avais besoin. Elle est sincère et touchante. J'espère que ça lui fait autant de bien, adoucissant, j'espère, ses douleurs.
Epuisé par le mouvement d'eau et la discussion, je me lève et l'aide à se relever. Je la remercie de m'avoir écouté et lui souhaitant bonne nuit retournant dans ma chambre.
Comme calmé par les discussions, mon repos est paisible et cette fois réellement ressourçant.
Quand je me réveille, j'ai hâte de retrouver les autres, mais à mon arrivée la salle à manger est vide. Alors après un petit déjeuner, rapide je vais voir la salle d'entraînement de nouveau fleurie, mais elle aussi est vide. Je n'ai pas le cœur de m'entraîner seul alors je retourne dans ma chambre et lance l'ordinateur.
Je ressens le besoin d'écrire ce que je ressens, et ce que j'ai vécu.
Quelques heures plus tard, plongé dans l'écriture c'est Vestia qui appelle :
- « Vous venez manger un bout ? »
Je me lève aussitôt et me dirige vers la salle à manger. Il y a déjà Shinen, Griffing et Vestia qui m'attendent. L'atmosphère est très calme voire silencieuse. Personne ne sait vraiment où se placer et comment lancer une discussion. A part prendre quelques nouvelles de chacun, personne ne sait trop quoi dire.
Finalement après avoir attendu Itarra plusieurs minutes, on passe à table salivant devant les plats décorant la table.
Le repas continue sur le même ton qu'à mon arrivée, pas de discussion, tout le monde est silencieux. Mais ça ne me dérange pas car j'ai la tête ailleurs. Je pense à Itarra. Je m'en inquiète. Comment va-t-elle ? A-t-elle besoin d'aide ?
Finalement c'est Griffing qui brise la glace à la fin en proposant qu'on aille s'entraîner ensemble. Suivant les autres je commence l'après-midi avec eux dans la salle d'entraînement.
Au milieu de la salle, Griffing propose :
- Ça vous dit un deux contre deux ?
- Pourquoi pas, répond Vestia en train de s'échauffer. C'est quoi les équipes ?
- On pourrait se mettre ensemble ? demande-t-il à Vestia. Tu en penses quoi ?
- Oui, si tu veux.
Il se tourne vers nous d'un regard interrogateur.
J'acquiesce appuyé de Shinen silencieux. Je suis surpris que Shinen nous suive dans un combat. Colfia l'a bien changé lui aussi.
Nos deux groupes se positionne à chaque extrémité de l'arène. Je regarde Shinen revêtant son apparence Raptium. Etablissant rapidement une stratégie je lui expose :
- Bon je m'occupe de la défense, tu t'occupes de l'attaque. Comme ça chacun se concentre sur sa tâche sans être perturbé.
Il acquiesce sans un mot. Il n'a pas retrouvé sa langue ?
Griffing commence le compte à rebours et lance le duel.
Aussitôt j'absorbe l'eau qui nous entoure et nous enveloppe dans une bulle de glace qui flotte légèrement au-dessus du sol. Elle est surtout utile contre Griffing car je sais maintenant qu'elle est totalement inefficace contre Vestia. Puis une idée me traverse la tête. Je demande à Shinen :
- Tu as besoin de tes yeux ou pas ?
Il secoue la tête.
Je tente une stratégie pour contrer Vestia en enfumant l'intérieur de la bulle d'une vapeur d'eau. Invisible, elle ne pourra pas enflammer nos corps.
Je ferme les yeux et prends la vision sur la surface de la couche de ma sphère de glace. Voyant ainsi tout autour de nous, je commence à la faire glisser sous les arbres pour éviter de rester statique.
Mais la seconde d'après c'est inutile. Un souffle de feu rase toute la forêt qui nous dissimule.
Je réagis aussitôt, j'aspire toute l'eau envolé et remplace la forêt disparue par une épaisse brume.
En réponse, je sens des pointes de roches sortirent du sol et transpercer mon brouillard. Je m'empresse de nous élever pour éviter l'attaque. Soudain Shinen s'exclame :
- Ils sont sous terre. Je viens de les sentir traverser l'herbe.
Il a retrouvé sa langue !
Dans le sous-sol, ils sont difficilement attaquables par nous deux. Mais eux aussi sont dans la même situation. Craignant qu'ils surgissent de nulle part je nous élève et fixe la sphère au plafond, me libérant ainsi de l'effort de nous faire léviter. Je peux maintenant me concentrer totalement sur la brume.
Je tente une approche, en imprégnant toute la brume dans le sol, et tenter de les repérer. Je sens l'eau lentement pénétrer la roche.
Quand soudain tout le terrain se replie sur lui-même emportant toute la brume encore présente. Le terrain n'est maintenant qu'une étendue de roche parsemés de pics acérés.
- Tout ce qui était vivant a brûlé, déclare Shinen.
- Ce n'est pas passé loin.
- Ils ont dû dépenser énormément d'énergie. Ça ne devrait plus être bien difficile.
- Oui, mais encore faut-il qu'ils sortent de sous terre.
- Ouvre un peu ta sphère, je vais essayer ma dernière découverte.
Je m'exécute avant de le regarder sortir sa main recouverte d'écorce blanche par l'ouverture quelques secondes avant de la rentrer. Je referme la sphère et lui demande surpris :
- C'est tout ?
- Je n'ai pas besoin de retourner des montagnes pour être fatal. Parfois il suffit juste d'être le plus malin.
Je réfléchis pour tenter de deviner ce qu'il a fait. Quand je me souviens d'un coup :
- C'est la même chose que ce que tu as fait à Manon ?
- Malheureusement oui. Et j'en suis désolé, mais je ne contrôlais pas ma volonté. Le pollen. Je peux en créer à volonté et le contrôler comme je le veux. Il peut être totalement invisible et inodore. C'est de cette manière qu'un Ortien venait à bout de chacune de ses victimes, en bloquant les voies respiratoires de ses victimes.
- C'est flippant.
- J'aurais préféré le savoir après avoir échappé au contrôle d'Otarin.
- Maintenant l'histoire est écrite et puis ce n'est pas de ta faute, je le rassure. Je ne t'en veux pas.
- Sans toi, je serais toujours son esclave, j'ai compris les valeurs de l'équipe. Et je te remercie pour tout ce que tu as fait.
Je rougis avant de lâcher modestement :
- Après j'ai eu de la chance. Et puis je suis sûre que tu aurais fait la même chose à ma place.
Son visage se crispe avant qu'il ne réponde :
- Je le ferais, je te promets. Cette épreuve m'a bien changé, et j'ai compris ce que voulais dire Itarra la dernière fois. Je dois être prêt à tuer pour vous protéger.
La roche s'ouvre, Griffing et Vestia en sortent sur une plateforme de pierre. Aussitôt ils se tiennent la gorge et commencent à tousser. Quelques secondes plus tard, crachant du sang, Vestia et Griffing s'écroulent.
Je me tourne vers Shinen avant de le féliciter:
- Bravo. Mais c'est vraiment terrifiant.
Je hoche la tête. Au même instant, nous sommes téléportés dans la petite salle. Griffing et Vestia sont déjà là assis sur le banc visiblement mal au point.
- Ça va ? je leur demande inquiet.
- Une seconde, souffle haletant Griffing.
- Vous étiez où ? demande Vestia. On a tout brûlé ?
- Collé au plafond, je m'esclaffe.
- Bien joué, applaudit Griffing se levant enfin. C'était toi Shinen à la fin ?
Il acquiesce silencieusement, avant de lâcher :
- Je suis désolé pour la douleur. Je souhaitais seulement remporter la partie.
- Pas de problème, c'est le jeu, s'exclame Vestia. Tu as bien évolué, c'est génial.
On passe quelques dizaines de minutes à parler du duel, tout en réfléchissant à ce qui étais bien et ce qu'on pouvait améliorer. Puis après nous revenons à la salle à manger, pour boire un coup. On continue de parler de tout et de rien pendant de longues heures. L'atmosphère se détend, ça fait du bien. Griffing et Vestia retrouve le sourire. Puis quand la fatigue commence à pointer chez Griffing et Vestia nous retournons dans nos chambres.
Encore suffisamment en forme, je prends une douche rapide pour retirer la crasse et la transpiration de l'entrainement et continue l'écriture de mes souvenirs. Ce ne sont que quelques heures plus tard que la fatigue me rattrape. J'abandonne l'ordinateur et rejoins mon lit.
Epuisé, je n'ai pas la force de réfléchir et m'endors rapidement.
Cette nuit encore est dénué de tout rêve, et elle passe en un éclair. Quand les murs de ma chambre s'illuminent j'ai l'impression qu'il ne s'est passé que quelques secondes.
Je me lève tranquillement, m'habillant confortablement de mon jean préféré et du premier T-shirt qui vient. Je pense qu'aujourd'hui encore sera une journée tranquille.
Une fois habillé, je traverse mon mur d'eau. Je débarque dans le couloir en même temps que tout le monde, sauf Itarra. On se salue, mais avant de les suivre, je me retourne vers sa porte toujours fermée. Ça n'a vraiment pas l'air d'aller. Je lance aux autres :
- Partez sans moi, je vous rejoins.
Ils acquiescent et s'en vont. Maintenant seul dans le couloir, je m'approche de sa porte. Je ne sais pas vraiment quoi faire, ni trop quoi dire. Mais je ne veux pas la laisser comme ça.
Je ne sais pas encore vraiment comment fonctionne la mécanique de nos portes, alors j'avance timidement ma main vers celle d'Itarra. Je suis surpris de la voir traverser la sombre fumée noire.
Sachant que l'accès est géré mentalement par Itarra, je m'avance et rentre dans sa chambre. A l'intérieur, je suis plongé dans le noir complet. Immobile sur le palier, je souffle silencieusement :
- Itarra ?
Mon appel perdu dans le vide, je continu hésitant :
- Je venais voir si ça allait ? Mais si je dérange, je peux y aller.
Soudain sa voix émerge de la pénombre :
- Xander. Comment arrives-tu à être encore debout après tout ce que tu as vécu ?
Je reste un peu hébété sur la question puis je réponds hésitant :
- Je passe rapidement à autre chose, et je me concentre sur le futur même si ce n'est pas toujours facile.
- Comment oublier quand tu le revois dès que tu fermes les yeux ?
- Parler peut aider.
- Je ne sais pas si je n'en ai ni la force ni l'envie.
- Tu ne veux pas venir manger un peu avec nous. Ça pourrait aider à te changer les idées ? Non ?
- Je... Je n'en ai pas envie. Je ne pourrais pas tenir le regard des autres.
Je ne réponds pas tout de suite, réfléchissant un peu, toujours immobile devant la porte. Je lui lance :
- On a tous vécu une petite partie ta douleur. On comprend tous ce que tu ressens. Tu n'as pas à avoir honte. On est loin de se moquer de toi ni de te juger.
- Vous l'avez vécu ?
- Comme tu as ressenti la mienne. Vestia est totalement dévastée, mais elle se remet doucement. Elle a très mal vécu le fait d'avoir était en partie responsable de notre souffrance, de ta souffrance.
Aspirant un peu d'eau, je façonne une petite brume pour sonder la pièce. Je continue :
- Griffing aussi s'en veut de ne pas avoir pu agir avant, mais on a tous été impuissant.
- Ce n'est pas votre faute ! hurle-t-elle.
Surpris et intimidé, je fais un pas en arrière. Elle continue :
- J'aurais dû suivre mon instinct et le tuer dès son premier mensonge. Mais je ne sais pas. J'ai été trop conne je n'ai rien fait.
Je la repère finalement, à droite du lit, adossé à lui. Elle continue après une brève pause, mais cette fois avec de gros sanglot :
- Tu sais le bracelet ? Ils me l'ont enlevé juste après m'avoir déshabillé.
Je me rapproche d'elle doucement. Elle continue avec de grandes difficultés :
- J'aurais pu tous les anéantir. Mais j'étais face à ces gens, toute nue, j'ai perdu ma force, la force de résister.
Après une brève pause, elle hurle de toutes ses forces :
- Je me déteste.
Elle est haletante, la tête recroquevillée entre ses genoux quand je m'assois à côté d'elle. Je ressens ses larmes couler sur ses joues alors qu'elle me souffle :
- J'aurais pu terminer tout ça bien plus tôt que tu ne l'as fait. Mais j'en ai été incapable... Juste parce que j'étais... nue. Comment peux-tu encore t'asseoir à côté de moi ? Je t'ai fait tellement souffrir !
- Parce que je n'aurais pas aimé être abandonné à ta place, je lui souffle. On a tous commis des erreurs. J'aurais sûrement pu faire mieux, et Griffing comme Vestia. Mais maintenant que tout est fini ça ne sert à rien de retourner le couteau dans la plaie, il faut se concentrer sur la suite.
- Je ne sais pas si j'ai la force de continuer.
- Tu vois. Avant que Seishin me choisisse je n'avais plus la force de continuer. J'avais un peu comme toi perdu le goût de la vie dans la douleur. Mais depuis qu'elle m'a choisi j'ai fait un choix. Je pars du principe que je suis mort en haut de cet immeuble.
- Mort ?
- Pour tout recommencer, si j'étais prêt à mourir, je n'ai plus rien pour m'arrêter. Au pire ce sera ce que j'ai voulu.
- Et ça marche ?
Je pouffe, me grattant la tête :
- J'ai changé. Juste le fait que je sois là est un changement. J'aimerais parfois évoluer plus rapidement, avoir moins peur, et plus confiance en moi. Mais ça me reste difficile.
Je fais une pause, pensant au passé avant de reprendre :
- Ça m'a permis de survivre à mes parents, mais aussi de retrouver le goût de la vie en vous rencontrant, des gens sur qui je peux compter, qui m'aiment, me respectent et surtout qui me permettent d'avoir une raison de vivre.
- Tu nous aimes vraiment ? Tu m'apprécies vraiment ?
- Bien sûr ! Je t'admire même. Tu es tout ce que je voudrais être. Tu es courageuse, réactive, et si forte. Tu sembles avoir peur de rien, et ne pas sentir la douleur, je trouve ça fascinant. Tout le monde a des défauts.
Je la sens se rapprocher de moi et appuyer l'épaule contre la mienne, avant de demander :
- Tu le penses vraiment ?
- Oui. Si je ne tenais pas à toi, je ne serais pas là. Je m'inquiète pour toi, et je sais qu'après ce que tu as vécu, ça doit être difficile.
- Tu vois. Je n'aurais jamais pensé que ce serait un homme qui me réconforterait.
- Il faut bien une première fois à tout. Et puis tous les hommes ne sont pas comme Otarin.
- C'est dommage que les hommes comme toi soit si rare.
- Ce n'est pas parce que nous sommes discrets que nous n'existons pas. Otarin n'est qu'un homme parmi les milliards d'habitants de Colfia.
- Tu as sûrement raison. Mais personne ne pourra m'approcher comme il l'a fait avant que je ne lui fasse confiance.
- Ça me fait plaisir, je lui réponds en souriant.
Je sens un pouffement léger, mais elle ne répond pas. Nous restons là, l'un contre l'autre dans le noir complet à attendre. J'aime son contact mais je ne fais rien de plus pour la prendre dans mes bras et tenter de la réconforter. Brisée comme elle est, j'ai peur de la brusquer. Si elle le veut, elle fera le premier pas.
Puis quelques longs instants plus tard, elle s'exclame :
- Je crois que tu as raison. Je vais faire comme tu dis. Je vais partir du principe que je suis morte des flammes de Vestia.
Encore une fois nous restons silencieux. C'est Itarra qui brise de nouveau le silence :
- Toi non plus, tu n'as plus rien... Qu'est-ce que tu feras après ?
Je réfléchis avant de répondre :
- Je n'y ai pas encore vraiment réfléchi. Mais je pense que je suivrais l'un d'entre vous. Je ne crois pas avoir envie de retourner vivre seul sur Terre.
- Tu préfères suivre Shinen dans sa grotte avec ses plantes ?
- Nan, je réponds en rigolant. J'avais plus pensé à Vestia ou Griffing. Peut-être que Sternifica démuni du Mal pourrait être sympa et puis il est vraiment cool.
- Je t'avoue qu'il faut encore que j'apprenne à le connaître.
- Mais après on rencontrera peut-être du monde à travers nos voyages.
Je fais une triste pause repensant à Manon avant de reprendre :
- Des gens comme Manon, pourront sûrement nous accueillir après et combler le reste de nos vies.
- Quand on a fusionné, j'ai senti ta colère, ta tristesse et surtout l'amour que tu avais pour elle. Qui était-elle ?
- Elle faisait partie des gens qui m'ont sorti du palais d'Otarin, elle s'est occupée de moi avec tellement d'attention. Elle a toujours été là quand ça n'allait pas. Mais je n'ai pas eu le temps de la remercier.
- Je suis désolée. Si seulement j'avais mis un terme à tout ça avant ça ne serait pas arrivé.
- Mais je ne l'aurais peut-être jamais rencontré.
Un blanc reprend place dans la sombre pièce. C'est Itarra qui le brise de nouveau :
- L'amour que j'ai ressenti. Ce n'était pas une romance. C'était plus de l'affection maternel.
Je hoche la tête dans le noir.
- J'aurais aimé passer plus de temps avec elle. Je me sentais tellement bien quand elle était à côté.
- C'est quoi le meilleur moment que t'as passé avec elle ?
Des larmes coulent sur mes joues pendant que de douloureux souvenirs traversent mon esprit.
Je revois son sourire, son visage tendu dans le camion vers la carrière. J'entends de nouveau le son de sa voix quand j'ai perdu la vue. Je ressens l'étreinte rassurante qu'elle m'avait offerte quand j'avais compris que j'étais le dernier à pouvoir faire quelque chose. Je réponds finalement quelques secondes plus tard :
- Quand elle m'a prise dans ses bras.
Après une petite pause, je reprends :
- Je ne pourrais pas vraiment expliquer pourquoi mais c'était si sincère, si puissant. Ça me fait tellement de bien.
Elle se redresse et semble se tourner vers moi en soufflant :
- C'est aussi l'un des meilleurs souvenir de mon père. C'était sa façon de montrer son amour, et de combler le manque de ma mère.
Le silence refaisant surface, je tente :
- Est-ce que je peux te prendre dans mes bras ?
Avant que je n'aie le temps de faire quoi que ce soit, je la sens se placer à califourchon sur mes jambes, passer ses bras autour de mon torse pour me serrer contre elle. La tête contre son épaule elle me souffle :
- Merci d'être venu. Ça m'a vraiment fait plaisir.
- Merci aussi de m'avoir écouté.
On reste, de longues minutes, enlacé l'un contre l'autre. Le moment est incroyable enivré de son odeur et de sa chaleur, apaisant la douleur qui me hante depuis la perte de Manon.
C'est Itarra qui met fin à l'échange en se relevant. Je lui demande :
- On va manger ?
Elle accepte pendant que le plafond s'illumine d'une douce et chaude lumière tamisée. Je peux voir Itarra debout devant moi, habillé de la même façon que lorsque l'on s'est rencontré pour la première fois.
Je lui tends une main, qu'elle saisit et m'aide à me relever. Ensuite, ensemble, on sort de la chambre et nous dirigeons vers la salle à manger.
Quelques mètres avant d'entrer, je veille à bien sécher mes larmes et retrouver le sourire pour éviter les questions que je préfère esquiver. Itarra semble déjà avoir fait de même car son visage a repris ses traits fermés.
A peine Vestia nous aperçoit qu'elle se lève et s'approche d'Itarra. Itarra d'un geste la maintient à distance et d'un ton plutôt neutre accompagné d'un léger sourire :
- Tout va bien, merci.
Itarra s'assoit silencieusement à côté de Griffing, et moi en face sur la dernière place libre. Griffing la regarde inquiet et interrogateur.
Le silence est lourd, et je ne le supporte pas trop. Je l'interromps en lançant :
- Maintenant qu'on est tous réunis, ça serait cool de regrouper tout ce que l'on sait sur le Mal.
Tout le monde acquiesce dont Itarra curieuse. Avec Griffing nous réexpliquons tout ce qui s'est passé, ainsi que tous les faits que nous connaissons à propos du Mal et nos théories. Je leur parle aussi de Cléo et de ce qu'elle a fait pour sauver le camp. A ce sujet je m'exclame :
- D'ailleurs, quand on va retourner sur Colfia, j'aimerais aller la chercher.
- Tu as raison, répond Vestia, en plus elle pourra sûrement nous apporter plus d'informations sur l'origine de nos pouvoirs et sur le Mal. Tu auras le temps d'y aller pendant que je vais remettre de l'ordre sur Colfia.
J'acquiesce avant qu'elle ne s'exclame d'un grand sourire :
- Bon ça vous dit encore un entraînement ? J'ai pas envie de rester sur une défaite.
- On peut, dis-je avec un sourire plein de défi. Mais c'est pas pour ça que tu vas gagner.
- Je t'attends sur le terrain, Xander. C'était un coup de chance hier.
- Tu veux faire un duel ? je lui demande. Juste toi et moi.
- Je suis partante, dit-elle en se levant.
Je me lève pour la suivre dans la salle d'entraînement quand Griffing pose innocemment :
- Mon monde avait beau être primitif, mais on utilisait l'eau pour éteindre le feu.
- C'est moi qui vais l'éteindre tu vas voir ! réplique Vestia moqueuse.
Je ne réponds pas et commence à réfléchir à une stratégie.
Devant la porte seulement Vestia et moi rentrons. Face à face, nous faisons apparaître nos formes Raptium. Mis d'accord à l'avance on attend le coup d'envoi de Griffing. Je n'ai pas le droit de commencer à manipuler l'eau avant, alors j'attends avec anxiété le départ. Je veux gagner !
Griffing lance le compte à rebours, puis lance le duel.
Aussitôt pendant que j'aspire toute l'eau présente dans l'arène, je liquéfie mon corps pour m'abriter des pouvoirs de Vestia.
Mon eau se vaporise d'ailleurs, quand toute la zone s'enflamme. Mais je ne fais que changer d'état, et ne prend donc aucun dégât.
Je forme ensuite avec l'eau à ma disposition un épais brouillard dans tout l'arène. Je profite de mon état pour glisser dans la brume sans effort. Comme une araignée sur sa toile, je me dirige vers la position de Vestia que je ressens à travers ma vapeur.
Mais à quelques mètres d'elle, des pointes de glace dressées tout autour de moi, elle disparaît. Je m'arrête confus toujours en lévitation.
Je me reconcentre et sonde ma brume à sa recherche. Je pressens soudain une petite masse de chaleur glisser à la surface de la terre.
Cette fois je ne perds pas de temps, et je forme mentalement une prison, autour de l'élément, constitué de quatre épais murs de glace.
Aussitôt je sens mon adversaire, tenter de faire fondre les murs mais j'ai juste le temps de renforcer et réparer les parois fumantes avec le brouillard environnant.
Mais alors que j'épaissis les murs, pour contrer une future attaque, une puissante déflagration retentit et ma prison explose et c'est carrément toute l'arène qui prend feu. Mon eau simplement repoussée vers le plafond je réalise quelque chose.
Relâchant la prise sur la brume une pluie se déverse sur le terrain brûlé. Je restructure mon corps sur le sol sans pour autant rematérialiser mon corps. Ma forme Raptium n'est que de l'eau.
Dès que Vestia m'aperçoit elle se rematérialise, et m'incendie aussitôt de puissantes langues de feu. Concentré à garder l'eau dans la structure actuelle, le feu ne fait que glisser sur les écailles de mon apparence démoniaque.
Je m'approche d'elle toujours sous son feu incessant avec un grand sourire aux lèvres. Je me paye même le luxe de former une dague de glace.
Je vois le visage confus de Vestia quand je ne suis qu'à quelques mètres. Les lancées de flammes s'arrêtent mais je sens l'eau de mon corps commencer à bouillonner.
L'effort paraît facilement contournable pendant quelques instants. Mais la chaleur qui parcourt mon corps d'eau s'intensifie à telle point que je dois m'arrêter pour me concentrer pleinement à garder la structure de mon corps en place.
Pour mettre fin au duel de puissance, je fais apparaître une dizaine de pointes de glace derrière elle. Une fois formée, je lui lance à pleine vitesse sur elle. Elle pleinement concentré sur moi et ne les voit pas arriver. Relâchant l'effort pour garder ma structure, je disparaîs en vapeur.
Dès qu'elles se plantent dans son dos, l'irradiation s'arrête et elle s'écroule. Connaissant ses dernières volontés enflammées, je ne tente même pas de m'approcher. Je reforme une vingtaine de pointes et les envois achever Vestia.
Quelques instants plus tard nous sommes téléportés dans la petite salle. Griffing souffle :
- C'est bien ce que je disais, l'eau a l'avantage sur le feu.
- Carrément, réplique Vestia me tapant sur l'épaule. Tout ce que je faisais semblait inutile. Mais je vais trouver une solution !
- T'as déjà essayé d'enflammer de l'eau ? demande ironiquement Griffing.
- Rien n'est invincible, continue Vestia déterminé, je trouverais un moyen.
- Si tu veux, je lui réponds d'un sourire. Mais bien joué à toi dans tous les cas.
- C'est impressionnant comment tu as développé tes pouvoirs Xander, répond-elle. Bien joué.
Itarra enchaîne aussitôt en pointant Griffing et Shinen :
- J'ai besoin de me défouler. Ça vous dit moi contre vous deux.
- T'es sûr de toi ? demande Griffing.
- Oui, acquiesce-t-elle avec un regard déterminé.
Griffing jette un regard inquisiteur à Shinen qui hoche la tête. Tous s'élancent donc dans l'arène, Itarra d'un côté, pendant que Vestia et moi s'avançons vers la vitre pour regarder le duel.
Les trois combattants font apparaître leurs apparences de combats. Cette fois c'est à moi de lancer le combat.
A mon feu vert, des pics de roches surgissent de terre tout autour de Griffing et Shinen ainsi que toute la zone où est Itarra, qui se téléporte de justesse pour esquiver l'attaque.
Mais je ne vois pas où elle a pu aller. Griffing l'ayant aussi perdu de vue ne perds pas de temps et forme un bouclier de roche autour d'eux pour se protéger de toute attaque et laisse Shinen s'occuper de la partie offensive.
Soudain des lianes surgissent de terre à quelques mètres du dôme de pierre et s'accrochent à quelque chose d'invisible qui semble disparaître quelques instants plus tard les lianes se resserrant dans le vide.
Des images envoyées par Shinen surgissent mentalement. Je vois les pas invisible d'Itarra écraser des brins d'herbes. Aussitôt d'immenses blocs de roches sortent du sol tout autour de l'invisible adversaire. La cage se remplit ensuite de pics, mais apparemment dans le vide, car aucune goutte de sang ne teinte les pointes.
D'autres images surviennent, mais on peut voir les pas disparaître aussitôt les images envoyées. Si ça continue comme ça, ce n'est pas près de se terminer.
C'est Shinen qui finalement trouve une solution. De gigantesques arbres émergent du sol et leurs feuillages s'épaississent tellement qu'ils masquent totalement la lumière de la salle. Ingénieux. Car maintenant plongé dans l'obscurité totale, Itarra ne peut plus se téléporter. L'avantage revient maintenant à Shinen.
Les vitres qui nous séparent de la salle, s'éclaircissent et nous fournissent une vision claire sur l'arène pourtant obscur. Juste à temps pour voir Itarra sur le dôme de pierre.
Malheureusement pour Griffing il ne semble pas ressentir sa pierre et ne sent pas la présence de son adversaire. Il fait d'ailleurs l'erreur fatale quelques minutes plus tard d'ouvrir le dôme, pour chercher l'invisible qui semble avoir disparu.
Griffing sort, ne tenant sûrement plus en place, entouré de pics et de panneau de roche pour se protéger de toutes attaques.
Mais il se retourne d'un coup surpris quand les arbres de Shinen disparaissent en cendre, et que la lumière revient.
Shinen se tient toujours comme avant mais il a les yeux ouverts. Il s'exclame :
- Je ne la sens plus comment est-ce possible ?
- Je ne la vois pas non plus, réplique Griffing. Mais tu n'aurais pas dû faire disparaître tes arbres on avait l'avantage.
- Tu as raison, mais rentre dans ton dôme, on ne sait jamais d'où elle pourrait arriver.
Au moment où Griffing se rapproche de Shinen pour rentrer dans le dôme. Dague à la main, Shinen lui tranche la gorge, avant de se retransformer pour redevenir Itarra.
Quand ils se téléportent dans la salle d'attente avec nous, Griffing fixe Shinen d'un air surpris avant de s'exclamer :
- Pourquoi tu as fait ça ?
- Mais pourquoi tu as ouvert le dôme ? réplique Shinen.
- Mais tu ne voyais rien ! Il fallait bien que je sorte voir ce qu'il se passait !
- Mais du coup elle est rentrée ! C'est elle qui t'a eu pas moi ! Elle a pris mon apparence.
Griffing s'arrête, comprend et se tourne vers Itarra et lui dit :
- Bien joué. Je ne m'y attendais pas du tout.
- Dommage que tu ne ressentes pas ta pierre comme Shinen et Xander. Je n'aurais eu aucune chance, répond Itarra.
- Il faudrait que j'essaye, oui, soupire-t-il.
- C'est bien, s'exclame Vestia, on évolue bien. On va être prêt à retourner sur Colfia.
- Après il faut pouvoir l'appliquer sur le terrain, réplique Itarra.
- Pour éviter que ça se reproduise il faudrait, qu'on se divise pour éviter de tous tomber dans le même piège, souligne Griffing.
- Bon après, on devait être en terrain ami, je réplique.
- Ça ne se reproduira plus, achève sèchement Vestia. J'ai fait une erreur, et j'en suis profondément désolée.
- Je ne t'en veux pas, lâche Itarra. Tu n'as pas besoin de t'excuser.
- Je suis d'accord avec Itarra, la soutient Griffing. On a tous commis des erreurs ce jour-là. Tu n'as pas à t'en vouloir.
Pour la réconforter Griffing prend dans ses bras Vestia qui a les larmes aux yeux. Avec Shinen et Itarra nous les regardons sans vraiment savoir quoi faire. Puis quelques secondes plus tard, Vestia se retire de l'étreinte et s'exclame :
- Merci. Merci beaucoup.
On se retrouve de nouveau, dans la salle à manger et après s'être hydraté, c'est Vestia qui propose de jouer aux cartes.
Ce n'est pas un jeu de carte comme sur Terre, et les cartes étaient bien différentes. Et le jeu, je ne connaissais pas. Mais les règles étaient plutôt simples à comprendre et très vite, les cris et les rires ont commencé à remplir la pièce.
Même Itarra s'y plait, rigole, et est vraiment présente dans le jeu. Toute l'après-midi, on joue ensemble, se fait des blagues en racontant nos vies.
Ses nouveaux souvenirs s'assoient sur les sombres précédents, les étouffant discrètement.
Après un bon repas tout le monde regagne sa chambre. Mais au fond du couloir, quand il ne reste plus qu'Itarra et moi. Elle s'exclame :
- Je peux venir avec toi chercher cette Cléo ?
- Oui pas de problème, je dis en me retournant.
- Je n'ai pas vraiment envie de passer trop de temps dans ce palais.
Je hoche la tête comprenant les raisons avant d'ajouter :
- Par contre j'aimerais avant qu'on y aille assister à l'enterrement de Manon.
Elle acquiesce avant de rentrer dans sa chambre.
Quand les murs me réveillent, je suis soulagé de voir Itarra sortir en même temps que moi. Pendant le repas, Griffing lance :
- Bon je crois qu'on a commencé à faire le tour des duels. On se connaît trop pour que les combats deviennent intéressants. Lucie a dit qu'on pouvait modeler l'arène comme on voulait, on pourrait un peu changer les choses.
Lucie apparaît et s'exclame :
- Oui et vous pourriez très bien décider de simuler l'attaque du camp et de vous battre une nouvelle fois contre ces monstres.
- Génial, s'exclame Vestia. Je pense qu'on sera amené à les revoir, en plus. Pour le dernier entraînement ce serait génial, de tous se battre du même côté cette fois. !
Je réalise soudain, que les deux jours sont passés super vite et que demain est déjà le troisième jour promis par Griffing.
Nous terminons rapidement le repas pour aller dans l'arène et se battre contre l'ennemi qui nous a tellement donné du fils à retordre.
Quand nous entrons, le décor a totalement changé. La salle semble s'être agrandi, et je reconnais instantanément le sol sablonneux, les arbres et les bâtiments du camp cette fois désert.
Je lève la tête pour voir le ciel encore jaune et dégagé de Colfia. Quand soudain la lumière du jour disparaît et de la même manière que pour l'attaque. La lumière revient dans un craquement assourdissant accompagné d'un flash aveuglant.
Aveuglé sous l'intensité du flash je ne vois pas les quelques secondes où la faille s'ouvre au-dessus de nos têtes.
Quand je retrouve de nouveau la vue, la nuée a déjà commencé à se déverser sur la simulation du camp.
Je revêts aussitôt mon apparence Raptium. Comme d'habitude, en tant que personne super organisé, je commence seulement à réfléchir à comment je vais me battre. Je repense aux techniques de Cléo, et en imagine une rapidement.
J'aspire l'eau de plusieurs arbres qui s'effondre en poussière, alors que les premières vagues sont absorbé dans le sol.
- Elles ne respirent pas, indique calmement Shinen.
La masse est telle que les monstres marchent sur ceux qui se font aspirer formant un pont organique.
Dans le but de les faire imploser de l'intérieur comme l'a fait Cléo, je tente de leur faire ingérer de l'eau. Je forme alors devant nous avec l'eau que j'ai récupérée, un mur d'eau.
Mais je suis dépité, quand les premiers le traversent, aucun n'a absorber d'eau.
Je fais disparaître aussitôt le mur, pour rétablir la visibilité, pendant que Griffing nous entoure d'une ligne de pics acérés orientés vers les agresseurs.
Sur le coup, plusieurs s'empalent, mais peu après d'autres les cassent à pleines dents ou sautent par-dessus.
Itarra se jette dessus et commencent à enfoncer ses couteaux sur les parties non couverte par leurs carapaces. Mais même si elle fait un carnage, c'est totalement dérisoire par rapport à ce qui continue d'arriver.
Déterminé à réussir, je lance directement ma vapeur dans la gueule ouverte des bestioles, j'arrive donc avec succès à en faire exploser quelques-uns mais l'effort me demande tellement de concentration et de temps par cible que c'est trop inefficace pour être viable.
C'est au tour de Vestia de se lancer dans la masse. Son corps entier prend feu, puis une sphère de feu se forme autour de sa poitrine puis grossi de plus en plus pour totalement la recouvrir. Des insectes se jettent dedans et n'en ressortent pas. La masse d'insecte bifurque et la nuée se jette sur la boule de feu.
Quelques instants plus tard, la quantité astronomique qu'avale la sphère montre que Vestia réussit à éliminer la menace.
La sphère s'élève et grossit de plus en plus absorbant de plus en plus de monstres. S'étant éloigné, elle est à une centaine de mètre et pourtant la chaleur commence à me chauffer fortement le visage.
Alors que le combat semble remporté, la boule de feu s'éteint d'un seul coup avant que Vestia ne tombe et s'écroule au sol. Aussitôt elle est recouverte de la nuée mortelle qui la massacre en un instant.
Le corps de Vestia disparu, les monstres se tournent de nouveau vers nous. Griffing après avoir fait reculer Itarra nous enferme dans une épaisse sphère de pierre protectrice.
Je contrôle toujours l'eau à l'extérieur et tente de trouver une solution pour venir à bout de cette masse qui ne cesse de grossir. Je tente de nouveau de les geler mais c'est toujours sans effet.
La situation s'inverse totalement et alors que quelques instants plus tôt nous prenions l'avantage grâce à Vestia, notre bunker est maintenant assiégé et violemment attaqué.
Avant que notre protection cède, Griffing nous enfonce profondément dans le sol.
Je commence à perdre espoir quand soudain Itarra s'exclame :
- Shinen tu contrôles tout ce qui est vivant, non ?
Il hoche la tête et semble se concentrer fortement. Mais quelques secondes plus tard, essoufflé il souffle :
- Ils sont trop nombreux et le peu que je contrôle se fait anéantir au moment où je les retourne contre les leurs.
D'un coup un éclair me vient. Ce n'est qu'une question d'énergie !
Je fais apparaître un poignard de glace dans mes mains. Mais j'ai beau essayé je n'arrive pas à le faire. Je me dirige vers Itarra et lui demande :
- Tue-moi !
Je vois dans son regard qu'elle comprend précisément ce que je veux faire. Shinen lui s'exclame :
- Mais pourquoi ? Tu abandonnes déjà ?
- Prend nos armes et fusionne avec elle ! ordonne Itarra.
Elle se retourne vers moi en faisant apparaître une de ses dagues dans la main, et me dit :
- A trois, tu me l'enfonces aussi.
J'acquiesce, elle aussi est actuellement inutile. Notre énergie sera plus utile à Shinen.
- Un... Deux... Trois.
Je lui enfonce en plein cœur, en même temps qu'elle me le transperce. Les yeux dans les yeux, les mains sur la poitrine de l'autre. Une sensation de chaud me traverse comme la douleur que je noie dans les effets que me procure le visage d'Itarra.
Au moment où le voile noir de la mort s'élève doucement, Griffing s'exclame :
- J'ai le katana de Vestia !
Je suis, quelques secondes, plongé dans le noir avant que des yeux de Shinen, je vois l'écorce blanche de l'ensemble de sa forme Raptium. Je ressens la surprise de Vestia de rouvrir les yeux, l'énergie débordante d'Itarra, et la concentration de Shinen.
Nous ne formons plus qu'un. Et notre énergie semble sans limite.
Aussitôt je ferme les yeux, et saisissant la vision d'un arbre, je regarde la masse de monstre en train de creuser le sol pour rejoindre Griffing et notre corps.
Mentalement je les arrête. C'est impressionnant de tous les voir s'immobiliser d'un coup. Alors que je commence par impulsivité à les entre tuer, je les renvois tous dans la faille. La nuée s'envole formant un énorme essaim effrayant. La tête de la masse vient à peine de rentrer dans la faille qu'elle se referme dans un craquement assourdissant.
Dans une folie meurtrière, je me téléporte sur l'herbe sous la nuée maintenant immobile dans le ciel de nouveau jaune, grâce à la vision de l'arbre. Je peux d'ailleurs apercevoir notre splendide apparence Raptium.
L'écorce blanche est maintenant rougeoyante d'où s'échappe de fin filet de fumée noire. De ma tête s'écoule jusqu'à mes pieds en cascade un sombre liquide enflammé.
Reprenant ma vision physique, je projette la nuée sur moi, tout en tendant les mains devant moi. De puissantes flammes sortent de mes mains pendant qu'aspirant toute l'eau à proximité je projette des pointes acérées.
Devant moi commence une puissante pluie de cadavre la tête brûlée, ou défiguré par des pointes. La masse se désépaissit mais pas suffisamment rapidement, et à la dernière seconde face à moi, je les projette à pleine vitesse face au sol.
Leur vitesse emmagasinée depuis la chute libre depuis la faille était devenue impressionnante alors le choc écrabouille les premier, les suivants sont écrasés par les suivants qui sont brûlé vif.
Griffing sort de terre avant de s'exclamer :
- J'ai eu l'impression de manquer la fête.
Je me retourne vers lui avant de répliquer avant un grand sourire :
- Nous tu ne nous as pas manqué.
- Faites les malins ! Sans moi vous n'aurez ni Vestia ni survécu suffisamment longtemps pour appliquer vos stratégies.
Je me rapproche de lui et en posant une main sur son épaule je lui dis :
- Mais oui je sais. Tu as bien joué aussi.
Quelques instants plus tard, nous nous téléportons à l'entrée de la salle d'entraînement cette fois tous dissocié des uns des autres. Vestia lâche :
- C'est incroyable ! On est si puissant tous réunis.
- J'avoue, c'est enivrant, je la soutiens.
- J'ai pas pu essayer moi, feint humoristiquement Griffing.
- T'inquiète, ça viendrait sûrement, je lui lance. Et puis on pourra refaire des entraînements comme ça.
- Je suis quand même vidé, souffle Shinen. J'avais déjà dépensé beaucoup d'énergie avant qu'on ne fusionne.
- Oui, allons se reposer. Demain est le grand jour.
On passe de nouveau une après-midi à parler et à jouer. C'est vraiment agréable, chacun fait découvrir sa culture, ses jeux, sa vie. On se rapproche les uns des autres. J'ai pour la première fois de réels amis avec qui j'aime passer du temps. D'ailleurs le temps passe rapidement et la soirée passé nous retournons dans nos chambres respectives.
Epuisé par le combat, je ne tarde pas à m'endormir après avoir pris une bonne douche chaude.
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