Chapitre 15 : Dernier au revoir
Le lendemain matin, quand les murs s'illuminent, je me lève en pensant à la journée qui nous attends.
Ce sera sûrement aujourd'hui que se déroulera l'enterrement de Manon.
Après m'être lavé, je cherche dans ma penderie. Mais rien ne me semble convenable pour ce genre d'évènement.
Désespéré et mon apparence me tenant vraiment à cœur, j'invoque Lucie qui apparaît presque aussitôt devant moi. Je lui demande avec timidité :
- Dis-moi Lucie. Ce serait possible de me faire des habits pour un enterrement ?
- Bien sûr Xander.
- Oh, c'est incroyable, merci beaucoup Lucie, tu me sauves la vie !
- Je ne pense pas quand même, réplique-t-elle.
Sur mon corps apparaît un smoking simple entièrement noir. Me regardant dans le miroir mes cheveux longs mal coiffés font encore tâche. Mon cœur se serre quand je pense à la dernière fois qu'ils ont été coupés.
Comme si Lucie l'avait senti, je sens mes cheveux se démêler, et mes boucles naturelles se reformer. Je suis stupéfait devant cette image de moi que je n'aurais pensé avoir un jour. Je me trouve pour la première fois réellement beau.
Fin prêt et splendide, en tout cas de mon point de vue. Je remercie chaleureusement Lucie et sort de la chambre.
Itarra est habillée de sa tenue habituelle, Vestia a troqué son tailleur rouge contre un noir plus sombre et plus discret avec des lunettes de soleil masquant une bonne partie de son visage.
Je pense que même si elle ne le montre pas, elle a toujours honte de ses erreurs et a peur d'affronter son peuple.
Griffing n'est pas habillé de vêtements de son monde, mais d'un costume noir soigné ressemblant beaucoup à ceux de Colfia tout comme la façon dont sa barbe et ses cheveux ont été brossé et coiffé en queue de cheval.
Shinen lui, est habillé d'un large et long manteau vert sapin foncé avec un pantalon noir et d'un polo vert clair.
C'est Griffing qui brise le silence :
- Wow, je suppose que j'ai pas été le seul à demander conseil à Lucie.
- Elle a plutôt bon goût, ajoute Vestia.
L'ambiance est encore froide ce matin. Tout le monde se regarde sans ne savoir quoi dire. Alors impatient je brise le silence :
- On y va ?
Vestia hoche la tête et s'élance dans le couloir. Nous la suivons jusqu'au poste de commandement. Tout le monde installé, je prépare le vaisseau avant de le lancer à travers le portail vers Colfia.
Quelques instants après notre arrivée dans l'atmosphère de la planète, des aéronefs se pointent rapidement tout autour de nous. Sous le Vaisseau-Mère, les bâtiments s'illuminent de nos cinq visages, et des centaines de feux d'artifices explosent.
- J'avais pas besoin de ça, maugrée Itarra.
- Au moins ils ne m'en veulent pas, se rassure Vestia.
Au fur et à mesure que nous nous approchons du palais, la clameur de la foule au sol monte jusqu'à nous de plus en plus fortement. Notre escorte s'épaissit elle aussi, des centaines de personne nous saluant à travers les vitres de leurs cockpits.
Certains vaisseaux font des figures autour de nous projetant derrière eux des nuages de fumée colorée. Nous arrivons en héros.
A côté de cette ambiance festive et euphorique, je peux apercevoir sur la tour blanche d'immenses zones sombres aux endroits des explosions, mais la paroi déchiquetée a été réparé et les ascenseurs semblent fonctionner de nouveau.
Des grues sont dressés sur trois gratte-ciels à la tête arraché, leur base noircie par des incendies.
Au niveau du palais, je m'approche de la passerelle qui se déplie devant nous et me m'y amarre une nouvelle fois sans accrocs.
Quand nous arrivons devant la porte latérale on peut entendre derrière une foule impatiente de nous voir descendre.
Quand Griffing ouvre la porte, le brouhaha s'arrête aussitôt.
La passerelle est pleine à craquer, devant nous se dresse fièrement Orclanne entouré de ses gardes et de dizaines de journalistes. J'entends souffler dans mon dos Itarra :
- L'angoisse !
C'est Griffing et moi qui nous avançons vers Orclanne. Elle s'exclame souriante :
- C'est un honneur de vous revoir. Notre peuple est impatient de vous remercier.
- C'est formidable, répond Griffing, mais tous ces moyens n'étaient pas nécessaires.
- Ce n'est rien pour ce que vous avez fait, le rassure Orclanne. Suivez-moi !
Nous la suivons traversant la foule devenue bruyante. Je suis surpris de voir des regards presque déçus. A quoi s'attendait-il ? A ce que nous ressemblions à des démons ? Des esprits ?
Et puis un homme se démarquant de la foule me demande :
- Où sont vos pouvoirs ?
Une femme s'écrit à son tour :
- Est-il vrai que vous avez ramené la femme exécuté sur la place publique ?
Surpris de la question sur Itarra me suivant, je me retourne pour constater qu'elle n'est plus là. Les deux premiers journalistes ont comme brisé la glace et des dizaines de questions se mettent à fuser. Toutes sont portées sur nos pouvoirs, Itarra, ou même sur Vestia et son opinion sur ses actes. Certains évoquent les dizaines de mort civil, tués dans l'ascension vers le palais.
Les questions ravivant certaines douleurs encore trop fraîches, nous ne répondons pas et nous nous empressons de suivre Orclanne.
C'est enfin quand les portes de l'ascenseur se referment que le silence revient et que l'atmosphère étouffante des journalistes disparaît.
- Je suis désolé, mais avec la situation tendue je ne pouvais pas les empêcher de venir vous voir, s'excuse Orclanne.
- Ce n'est pas grave, la rassure Vestia. Vous en êtes où dans la reconstruction de Colfia ?
- On a remis en route une grande partie de la robotisation encore intacte. La remise à niveau du soin et des services sur Colfia est déjà presque terminée mais Lorquia a pris un retard sanitaires considérable et la situation est laborieuse.
- Et sur un point de vue politique ? demande Vestia.
- Ma prise de pouvoir est un peu contestée même si je me suis entouré de plusieurs représentant de l'opposition. Nous attendions d'ailleurs ton arrivée pour revoir le futur du gouvernement de notre peuple.
- Je ne veux pas reprendre le pouvoir, on est d'accord ? s'assure Vestia.
- Ce n'est pas la question. Mais en tout cas ils vous remercient chaudement de les avoir libérés.
- Et Manon ? je demande surpris.
- Ils ne sont pas au courant, comme ils ignorent toujours l'attaque du camp. Je voulais aussi éviter d'attirer les projecteurs sur son enterrement, et garder l'intimité qu'elle souhaitait.
- Il se déroule quand ? je continue curieux.
- Ce soir dans le secret de son entourage le plus proche.
Je hoche la tête.
- Vous avez réussi à vous remettre de l'attaque du camp, demande Griffing ?
- Nous avons perdu la quasi-totalité de nos soldats et une grande partie de nos membres. Sans vous, la rebéllion se serait écroulé.
- Et qu'avez-vous fait des partisans d'Otarin ? demande Vestia.
- Son entourage est en cours de jugement.
Les portes de l'ascenseur s'ouvrent sur un long couloir vitré qui traverse l'étage. Des dizaines d'hommes et de femmes s'affairent autour de montagnes de feuilles et d'immenses écrans affichant des graphiques évoluant perpétuellement. Je m'arrête un instant absorbé par les courbes mouvantes avant qu'Orclanne ne demande :
- Itarra n'est pas revenu avec vous ? Elle peut être sûre qu'elle est maintenant en sécurité ici à Colfia !
Alors qu'elle prononce ces derniers mots je sens une main anxieuse et invisible se poser sur mon épaule. Je m'empresse de répondre :
- Elle ne sentait pas bien. Elle est restée dans le vaisseau.
En même temps que les autres se tournent vers moi surpris, Orclanne réplique :
- Elle va bien ? Nous avons des médecins, si elle a besoin.
- Non, je pense que ça va aller. Ne vous inquiétez pas, au pire elle nous appellera.
- Très bien, hoche Orclanne avant d'entrer dans une pièce.
Autour d'une table ovale, deux femmes et trois hommes s'arrêtent de débattre en nous apercevant certains plutôt tendu.
- Voici la cellule politique du programme de rétablissement de Colfia, explique Orclanne.
- Quelles sont vos idées ? demande Vestia.
- Moi je suis pour le retour de la monarchie ! Avant Otarin, ça fonctionnait très bien, s'exclame une femme.
- Mais pourquoi ne pas tenter quelque chose de plus moderne ? De nouveau ? Nous avons la technologie que nous n'avions pas lors de la création de l'ancienne politique. Pourquoi ne pas donner le pouvoir au peuple ? contredit une autre femme.
- Mais donner le pouvoir aux foules donne la possibilité à la manipulation du pouvoir en influençant les opinions publiques. Otarin a déjà développé plusieurs techniques, réplique un homme. Il faut un gouvernement fort, mais qui peut être élu par le peuple.
- Mais ce qui reviendrait à juger un candidat réellement sur quoi ? Comment pourrons-nous juger son aptitude à régler les problèmes de notre société ? s'exclame un autre.
- Voilà au point où nous sommes bloqués depuis deux jours, résume Orclanne.
- Je vois, réfléchis Vestia.
- On parlait de compétence à gouverner, commence Shinen. Mais en quoi descendre d'une famille nous les octroies ?
- L'environnement, réplique le troisième homme. Grandissant dans un environnement royal, on apprend à régner en même temps qu'on apprend à lire contrairement à des gens qui se disent apte du jour au lendemain.
Alors qu'un débat commence avec Griffing qui s'y mêle, je me retire discrètement. Ce sujet ne m'intéresse pas et je n'ai pas l'expérience pour avoir les arguments qui défendront mes idées.
Orclanne m'emboîte le pas, et s'exclame discrètement :
- Pas trop ton truc la politique ?
- Non. Ce serait tellement plus simple si les gens pensaient aux autres...
- Je comprends. Mais si tu veux en attendant ce soir tu peux aller rejoindre la famille de Manon et la voir une dernière fois.
- Oui, j'aimerais bien, j'accepte timidement.
En me tendant un jeton lumineux similaire à celui de l'assaut de la carrière, elle me souffle :
- Je m'en doutais. Il t'y mènera.
Je hoche la tête, le posant sur ma tempe. En même temps qu'elle retourne autour de la table où le débat est intense, une ligne bleue se dresse devant moi.
Elle me ramène vers l'ascenseur qui m'emmène au sommet de la tour du palais. En haut, la pièce est spectaculaire. C'est une immense sphère, où à part une partie du côté de l'ascenseur faite de métal, est totalement fait de verre. Ce qui offre une vue époustouflante.
Quand les portes s'ouvrent, les quelques personnes présentent dans la pièce se retournent surpris de voir arriver quelqu'un à cette heure-là. Elles sont silencieuses et regroupés autour d'un lit.
Je ne sais pas trop si je suis le bienvenu mais je m'approche du lit funéraire. A mon approche, ils me laissent passer, sans un mot.
Sur le lit, repose le cadavre calciné de Manon. Malgré un hologramme qui l'entoure pour l'afficher sous son plus beau jour, je suis horrifiée par son état.
Sur sa tête, sa peau a fondu laissant par endroit des trous dévoilant l'os de son crâne, et l'intérieur de sa bouche totalement carbonisé. Les dents qui lui restent bien que jaunis ressortent fortement par rapport à la sombre dépouille, attirant grandement le regard.
De sa belle queue de cheval, il ne reste plus que quelques cheveux à moitié fondu sur sa tête. En descendant le regard, je peux voir que rien n'a été épargné. Ses quatre membres atrophiés recroquevillé sur eux-mêmes complètent une image terrifiante, qui me donne un frisson d'effroi.
Sous l'horreur de la scène, je suis pris d'une bouffée de chaleur, et le sol commence à tourner.
Je titube en arrière avant d'attraper une chaise et de m'y effondrer, le souffle coupé.
Un homme se penche au-dessus de moi, et me demande :
- Vous allez bien ?
- Je..., je commence difficilement. Je ne me rappelais pas l'avoir laissé dans cet état.
- Vous pouvez la ramener à la vie ? s'exclame une femme.
Je secoue la tête les yeux emplis de larmes, avant de répondre :
- Si je pouvais, je ne serais pas là.
Je reste là quelques instants à la contempler, le cœur brisé. Puis me reprenant, je sèche mes larmes et me redresse. Une jeune femme qui s'était assise à côté de moi entre temps, me demande :
- Vous la connaissez d'où ?
- Elle m'a sauvé la vie, je réponds. Et elle m'a soutenu quand ça n'allait pas. Elle a cru en moi jusqu'au bout même quand j'étais désespéré. J'aurais aimé lui rendre la pareille.
- Manon était tellement dévouée pour Colfia, soupire le premier homme. On ne l'a pas vu depuis deux ou trois ans. Et depuis nous n'avions que des nouvelles ponctuelles par message, jusqu'à ce qu'Orclanne nous appelle.
- Je suis désolé, je lâche.
Un blanc s'installe dans la pièce. Je l'interromps au bout de quelques minutes :
- Vous ne savez probablement pas qui je suis du coup ?
- Si, Xander, répond l'homme. Depuis votre départ, on entend parler que de vous. On ne connaissait juste pas vos liens avec Manon.
- Ah oui c'est vrai, je réponds me rappelant de notre arrivée. Et vous êtes la famille ?
Tous hochent la tête. L'homme me tend la main et se présente :
- Téhin, je suis le père.
Je lui sers la main, en même temps que la femme déclare en me tendant à son tour la main :
- Malie, la sœur.
Je rencontre la mère, la grand-mère, et ses deux meilleures amies d'enfance. Mon cœur se serre en même temps que je serre les mains de la famille. Leurs douleurs se couple à la mienne et noue ma gorge.
Finalement j'aurais aimé qu'elle soit présente en ce moment difficile, mais c'est impossible. Elle ne le sera plus jamais.
Une larme coule de nouveau quand je pense à elle me serrant dans ses bras.
Je croise le regard de Malie, qui elle aussi a les yeux embués. J'ai l'impression d'étouffer dans cette atmosphère pesante. Je lâche me levant :
- J'ai besoin de prendre l'air.
- Je peux t'accompagner ? Malie me demande.
- Oui bien sûr.
Elle m'accompagne jusqu'à l'ascenseur. Quand les portes se ferment, nous sommes silencieux tous les deux quelques longues secondes avant qu'elle demande :
- Tu veux qu'on aille dans un bar ?
- Si tu veux.
- Tu en as un en tête ?
- Non, je connais pas du tout. Je ne suis pas d'ici. Mais je te peux te suivre.
De nouveau le silence s'installe, avant qu'elle demande presque en chuchotant :
- Tu étais là quand elle est morte ?
Sa question me surprend, je me tourne vers elle et lui demande à mon tour :
- Tu n'es pas au courant de ce qui s'est passé ?
- Orclanne nous a juste dit qu'elle est morte en combattant Otarin mais c'est tout. Tu as l'air d'en savoir beaucoup plus.
Je prends quelques instants avant de lui répondre, des souvenirs douloureux me revenant en tête :
- Elle est morte sous mes yeux.
Je fais une brève pause avant de continuer :
- Je savais qu'Otarin avait réussi à contrôler Vestia. Alors quand Manon a décidé de nous accompagner je l'avais protégé d'une surface d'eau.
- C'est Vestia qui l'a tuée !
- Non ! Elle n'était que le pantin d'Otarin. C'est Otarin qui l'a tuée. Je ne connaissais pas toutes les capacités de Vestia, et...
Ma gorge se serre quand je revois Manon tomber dans mes bras inertes :
- Son corps s'est désintégré dans mes bras sans que je ne puisse rien faire.
Malie s'écroule par terre, et se met à pleurer à grand sanglot. Je culpabilise. Ais-je bien fait de tout lui dire ? Je m'empresse de m'accroupir à ses côtés, et je tente de la rassurer :
- Je suis désolé. J'aurais tellement aimé empêcher ce qui s'est passé.
- Je sais que tu as fait tout ce que tu pouvais. On a pu récupérer ses implants. Je suis la seule à y avoir eu accès pour le moment.
Elle fait une courte pause en séchant ses larmes avant de répondre :
- Ma sœur à toujours détesté les hommes depuis qu'elle est née à cause d'Otarin. Et pourtant tu es là. Tu lui as comme redonné une raison de croire en la masculinité qu'Otarin a tant ternis. En fait la plus grande crainte de Manon avant l'assaut, c'était que tu te sacrifies pour elle et que vous tombiez sous la main d'Otarin. Donc. Je sais que tu as tout fait pour elle, je l'ai vu dans tes regards qu'elle a enregistré.
- C'est l'une des personnes que j'ai le plus aimé de toute ma vie, elle a su me donner l'amour que je n'ai jamais réussi à obtenir de ma propre famille. Je m'en veux tellement de l'avoir laissé nous accompagner.
- Tu n'as pas à t'en vouloir. Manon était une personne extrêmement têtue, elle serait venue que tu le veuilles ou non. Et puis tu as réalisé son rêve le plus chère : destituer Otarin !
- J'aurais aimé qu'elle le vive.
- On ne peut malheureusement pas tout avoir.
Je hoche la tête en même temps qu'elle se redresse effaçant d'une main toute trace de ses pleurs. Cette fois elle ne brise plus le silence jusqu'à ce que les portes s'ouvrent de nouveau devant un grand hangar où pleins de petits vaisseaux y sont garés.
Je la suis à travers le parking spatial désert jusqu'à une petite navette noire, longue et effilée avec des finitions rouge sang. A notre approche deux portes s'ouvrent dans la longueur de la navette. A l'intérieur rouge foncé, quatre sièges nous font face.
Je la suis à l'intérieur, et m'installe sur un des fauteuils recouverts d'un velours doux et moelleux.
Une fois assis, les portes se referme sur nous, et Malie ordonne :
- Bar Ménéhor !
Aussitôt la navette décolle avant que les parois ne deviennent translucides. Je suis fasciné par le spectacle qui s'offre à moi quand nous émergeons de la coupe du palais.
Je n'ai pas trop de sujet à lancer, donc je garde le silence comme Malie. Nous naviguons dans les airs entres les immenses gratte-ciels jusqu'à quelques minutes plus tard entrer dans le hangar d'un immense building.
A l'ouverture des portes nous sommes accueillis par des serveurs sur un tapis rouge. En me voyant, les quelques passants sont discrètement écartés pour libérer le tapis. Quelques instants plus tard c'est le patron lui-même qui débarque entourer d'assistants. A notre rencontre il s'empresse de dire :
- Bienvenue Xander. Nous vous préparons notre meilleure suite, mais elle ne sera disponible que dans quelques minutes. Veuillez pardonner le dérangement mais nous ne nous attendions pas à vous voir arriver.
- Ce n'est pas grave, je m'exclame. Nous pouvons attendre sans problème.
- Merci beaucoup de votre compréhension. Je vous laisse nous accompagner à l'intérieur en attendant.
Quand nous commençons à les suivre, Malie me chuchote à l'oreille :
- C'est incroyable ! C'est la première fois que je viens ici. Il n'y a que les célébrités qui peuvent venir dans ce bar.
Je la regarde surpris et lui demande :
- Mais ça va être super chère. Je n'ai pas d'argent !
Elle sourit et s'exclame :
- Orclanne m'a donné carte blanche, pour l'enterrement de Manon mais je n'ai rien dépensé.
Je lui renvoie un sourire de soulagement avant que nous rentrions dans un grand bar disposé en U autour d'une scène où se produit un pianiste jouant une musique douce de salon. Après nous avoir offert un premier verre au bar, on nous mène dans un grand salon au-dessus de l'entrée et face à la scène.
Le salon est fait en sorte que nous soyons bien visibles de tout le monde.
Je m'assois sur le grand canapé rond qui enroule la table face à Malie. Avant de partir le directeur nous annonce :
- Vu que vous êtes un client plutôt spécial je vous offre toutes vos consommations.
- Merci beaucoup, je m'exclame d'un sourire gêné.
- Ce n'est rien, par rapport à ce que vous avez fait pour nous.
Puis on nous laisse ainsi avec la carte des menus directement affiché par le jeton lumineux que m'a donné Orclanne.
Maintenant tranquille, je lui lance avec un sourire :
- Ça fait quoi de se sentir comme une star ?
- C'est presque gênant, chuchote-t-elle. Tout le monde nous regarde.
- C'est un peu le principe, je réplique d'un souffle moqueur.
Je jette un rapide regard sur les boissons et n'arrivant pas à comprendre les ingrédients des différents cocktails, je finis par lancer :
- Je connais pas du tout ce qui a dedans. Je te laisse choisir pour moi.
- Je t'avoue que j'ai l'embarras du choix.
- Prend. On va goûter.
Un grand sourire se dessine sur son visage. Quand elle termine de commander mentalement je lui demande :
- Tu fais quoi dans la vie ?
- J'étais directrice artistique. Je faisais des dessins animés pour les enfants.
- Pourquoi « j'étais ? ». Tu as arrêté ?
- Disons qu'il faut que je m'y remette.
- Ah ? Qu'est-ce qui s'est passé ?
- J'ai essayé de défendre les valeurs des femmes à travers des histoires en les tournant suffisamment bien pour éviter la censure, tout en étant compréhensible par les enfants. Ça me tenait à cœur de défendre les femmes et de montrer que nous pouvions faire autre chose que baiser et faire la cuisine.
- Je comprends. Mais du coup, je suppose que tu t'es fait attraper ?
- En quelques sortes... J'ai eu une promotion qu'un collègue convoitait. Pour libérer le poste, il a vendu la mèche aux autorités. J'ai été arrêté. Heureusement Otarin et ses compagnons ne m'ont pas trouvé à leur goût. J'ai donc été uniquement une esclave du palais. C'est d'ailleurs pour cette raison que Manon s'est engagé dans la rebéllion.
- Et elle n'a jamais réussi à te faire sortir de là ?
- Ayant fait de la propagande anti-Otarin. Ils craignaient que la rebéllion tente de me récupérer. J'ai donc été pucé et on me faisait porter un collier qui enregistrait chacun de mes moindres mouvements, ce que je disais, ce que je voyais et ce que je pouvais entendre.
- Tu as seulement été libéré il y a trois jours ?
- Oui, je t'en remercie énormément ça été un calvaire. Mais en voyant d'autres filles je m'estime heureuse.
- Maintenant que tout ça est terminé j'espère que ça ne se reproduira plus.
- J'espère aussi... souffle-t-elle.
Décidément difficile de trouver un sujet de discussion joyeux. Otarin a vraiment détruit tout Colfia.
Je suis surpris de voir déjà entrer les serveurs charger d'une dizaine de verres colorés de différentes couleurs. Après nous avoir déposé les verres sur la table, les serveurs s'empressent de repartir.
Malie demande en saisissant un verre au hasard :
- Et toi tu fais quoi dans la vie ?
- Je sauve l'univers.
Elle rigole avant de demander de nouveau :
- Tu pourrais me montrer tes pouvoirs ?
- Bien sûr.
Je liquéfie discrètement mon bras devant elle et passe mon autre main à travers. Elle est ébahie.
- C'est incroyable, s'exclame-t-elle.
Ne sachant vraiment comment répondre je lui réponds d'un simple :
- Merci.
- Tu es né avec ?
- Non, j'ai été choisi pour sauver les cinq mondes.
- Il existe cinq mondes différents ! T'as pu en visiter combien ?
- Deux pour l'instant. La Terre ma planète natale et Colfia.
- Elle ressemble à quoi ta planète ?
Ainsi la discussion démarre, je lui décris comme je peux la Terre et ses habitants ainsi que son ciel bleu et sa faune en passant par la flore et les océans.
Le temps passe extrêmement vite pendant que nous nous perdons dans nos discussions tout en sirotant les cocktails qui sont tout simplement incroyable.
Soudain Malie s'arrête en plein milieu d'une phrase. Elle reste immobile quelques secondes avec le même regard dans le vide que celui de Manon avant de s'exclamer :
- C'est passé si vite ! Les funérailles commencent dans dix minutes !
Je lui emboîte le pas quand elle se relève et se dirige vers la sortie. Sur la route, nous croisons le directeur qui demande surpris :
- Tout va bien ? Qu'est-ce qui se passe.
C'est Malie qui répond :
- On était absorbé par vos cocktails, on n'a pas vu l'heure passé, on va être en retard à un rendez-vous.
- Merci pour tout, je le remercie fortement. Votre bar est juste incroyable.
- Merci beaucoup, ça me touche vraiment, répond-il. Laissez-moi vous raccompagnez.
D'un clin d'œil, il nous entoure d'une dizaine de videurs avant de continuer :
- Votre venue à fait du bruit et l'entrée est un peu encombré, on va vous escorter jusqu'à votre navette.
On hoche la tête, et accompagné de notre escorte, nous sortons du bar. Une importante foule se presse à l'entrée, les videurs les écartent et nous mène jusqu'à notre navette. A peine nous rentrons dans le vaisseau que Malie s'empresse de le renvoyer au palais.
Sur la route, je lui dis :
- En tous cas merci pour tout. C'était sympa.
- Merci à toi aussi de m'avoir permis de découvrir ce bar. C'était vraiment cool !
- Ça nous a permis d'égayer un peu cette journée, je termine.
Elle hoche la tête. Un peu tendu par la cérémonie, je lisse mon costume de mes mains et le réajuste du mieux que je peux. Je veux faire bonne impression et faire honneur à la mémoire de Manon.
A notre arrivée, nous sommes attendus par des gardes du palais qui encore une fois repoussent les journalistes un peu trop oppressants.
Dans l'ascenseur, la pression monte. J'ai toujours du mal à me dire que Manon est partie.
A notre arrivée, la mère de Manon est en train de faire un discours prêt de la dépouille de sa fille. Nous nous glissons discrètement parmi la vingtaine de personnes présente. Après plusieurs discours de la famille dont un de Malie qui me touche beaucoup, vient la crémation des restes.
Malie me l'avait expliqué, sur Colfia on ne peut pas se permettre d'enterrer les morts car il n'y a pas assez de place sur la planète. Tous les défunts sont donc incinérés.
Un four est apporté à côté du lit, à côté de Manon.
Quand ils commencent à la glisser dedans, je me rends compte que je ne reverrais même pas son corps. Je me rends compte qu'elle va disparaître pour de bon ne laissant que des souvenirs qu'on ne peut revivre et qui indéniablement seront amené à s'effacer au fil du temps.
Mon ventre se serre, des larmes se mettent à couler abondamment sur mes joues. Je me contiens pour ne pas attirer l'attention, mais le trou que laisse Manon derrière elle me fait vraiment mal.
Je vois les nuages se noircir violemment, la pluie battante frapper durement le verre de la sphère.
Une main invisible vient serrer tendrement la mienne. Elle me réconforte pendant que le four se met en route.
Tremblant je peux voir le corps noir de Manon, disparaître en quelques instants derrière les flammes. Je craque, je m'éloigne en même temps que de grêlons de plus en plus gros se mettent à frapper le sommet de la tour.
Je m'isole dans l'ascenseur, quand les portes se referme, Itarra apparaît et me prends dans ses bras en disant :
- Ça va aller. Malie te l'as dit. Tu as réalisé son rêve et tu as fait tous ce que tu as pu pour la sauver.
- Je sais, je sanglote. Mais ça fait mal de se dire que je ne la reverrais plus jamais.
J'ai encore cette impression d'étouffer, alors je m'exclame :
- J'ai besoin de prendre l'air !
Elle hoche la tête avant d'appuyer sur le bouton pour se diriger vers le hangar à navette.
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