Chapitre 1

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Plusieurs minutes venaient de s'écouler sans que la fillette ne réagisse. Elle restait là, à genoux par-terre, fermant et ouvrant ses poings dans le sable de Pénisia. Son regard exprimait une tristesse profonde et un vide sans fin. Sa bouche était tordue tandis qu'elle marmonnait quelques mots dans l'ancienne langue Kindénienne.

—Kaïro, tygné tays, posa y paysiw thani di alis diox, Ligatios.

( "Kaïro, mon frère, repose en paix auprès de notre dieu, Ligatios.")

Une larme s'écrasa sur le sable, l'humidifiant sur le coup. La petite fille gardait la tête baissée, espérant à de multiples reprises, qu'il ouvrirait à nouveau les yeux et qu'il continuerait de la taquiner comme avant.

—Kaïro, hurla—t—elle à pleins poumons, frappant du poing sa poitrine. Ne me laisse pas....

Sa voix s'éteigna sur la fin de sa phrase. Elle était secouée par ses sanglots tandis que la tristesse envahissait chaque partie de son corps.

Le feu continuait de brûler le palais de Pénisia. Elle entendait les poudres craqueler puis s'écrouler dans un bruit assourdissant. Son regard se tourna vers ce qu'il restait de sa ville natale. Ses yeux étaient illuminés par une rage intense. La kitsune se releva, les jambes fébrilent pourtant elle avança vers l'immense bâtiment, au ton beige et aux cinq tours avec des toits pointues orangés. Il possédait de multiples fenêtres dotée de grandes verreries de renoms, cependant aujourd'hui, la plupart reposait en plusieurs morceaux par—terre.

Moukaï continua de tirer le corps de son défunt frère, elle refusait de l'abandonner à la merci des bombes artisanales. Elle entendait tout autour d'elle, des hurlements, des pleures mais elle ne pouvait pas se permettre de s'arrêter, la kitsune devait retrouver sa famille.

—Maman ! Papa ! Hurla-t-elle dans les rues.

Sa respiration était saccadée à cause de l'effort, cependant elle persistait à appeler ses parents.

—Où êtes—vous ? Murmura-t-elle à bout de souffle, en s'arrêtant quelques secondes.

Subitement, des cris attirèrent son attention. Ils provenaient de quelques mètres plus loin, elle reconnaissait parfaitement la voix de sa petite soeur, Säyla. Elle inspira un bon coup avant de continuer à tirer.

Quand elle atteignit le haut de la rue, la vue lui glaça le sang. Elle lâcha le morceau de bois, ses genoux se dérobèrent sous elle alors que Moukaï réalisait ce qu'il y avait devant elle.

—Säyla ! Hurla-t-elle à pleins poumons.

Le corps de sa soeur était pendue au bout d'une corde. Les ennemis jouent avec, le remuant par instant. Ils se tournèrent vers Moukaï, cependant la fillette ne bougea pas, elle était horrifiée de la vision qu'elle avait sous les yeux.

—Ils l'ont tué... murmura-t-elle d'une voix glaciale.

Elle serra sa main sur le manche de sa dague. Ses doigts tremblèrent jusqu'à qu'elle dégaîne son arme. Sur le coup, les soldats éclatèrent de rire à l'idée de se battre contre une enfant mais ils oubliaient qui elle était.

Telle une ombre, elle se précipita vers eux sans qu'ils ne puissent se préparer à son attaque. Elle en frappa d'abord un dans l'abdomen, qui s'écroula dans un gargouillit. Moukaï avait mis de côté son humanité, elle ne voyait plus que les ennemis de son peuple, ceux qui avaient osé massacrer des innocents. Elle cria de rage en tranchant la jugulaire du deuxième et alors que le troisième tentait de s'échapper. Elle ferma les yeux, inspirant une bouffée d'air frais avant de lancer sa dague. Elle fila à travers le vent dans un sifflement aigu puis transperça le dos du soldat. Son dernier ennemi rampait sur le sol, pendant que Moukaï avançait lentement vers lui, son regard aussi sombre que la nuit. Elle ramassa son arme et écrasa la cheville du soldat, qui hurla.

— Qu'es—tu donc ? Cracha l'homme, apeuré.

— La protectrice de ces contrées, déclara la voix froide de l'enfant.

Il n'eut pas le temps d'ajouter un mot de plus, qu'elle lui ôtait la vie.

— Vous ne ferez plus jamais de mal à des innocents, ajouta-t-elle.

La fillette réalisait petit à petit ce qu'elle venait de faire. Ses yeux s'écarquillèrent pendant qu'elle observait ses mains ensanglantées. Elle eut la sensation d'être quelqu'un d'autre, d'habiter un corps qui ne lui appartenait pas. Elle ne se reconnaissait pas dans cette violence, dans cette soif de vengeance pourtant elle la ressentait, elle avait envie de détruire les skinwalkers.

Ses mains tremblaient alors qu'elle tournait son regard vers le corps suspendue de sa petite soeur. La tristesse fronçait ses épais sourcils, ses pupilles se voilaient. Elle alla récupérer le morceau de bois pour tracter son défunt frère jusqu'à Säyla.

Elle le déposa doucement juste à côté. Moukaï était une excellente grimpeuse, elle adorait courir sur les toits de Pénisia. Elle voulait toujours monter plus haut jusqu'à un jour pouvoir toucher le ciel de sa main d'enfant. La kitsune monta au poteau, où était pendue sa soeur. Quelques échardes se plantèrent dans ses paumes mais elle n'en fit pas cas, elle continua pour pouvoir détacher Säyla.

Lorsque ça fut fait, elle s'assit entre les deux corps. Elle ferma les yeux, en murmurant la même prière que celle pour Kaïro. Sa respiration était tremblante, tout comme chacun de ses membres, elle ne savait pas comment elle devait réagir à tout ça. Elle avait simplement peur de se retrouver seule, de ne plus entendre la douce voix de sa mère et les coups de haches de son père contre les arbres du jardin. Elle voulait voir le regard innocent et scintillant de sa petite soeur à nouveau, elle qui était l'une des personnes les plus souriantes qu'elle avait connu. Elle souhaitait brosser à nouveau ses cheveux soyeux, lui raconter les contines de leur royaume pourtant Moukaï voyait bien les deux visages livides et inertes. Son coeur se comprima, ses yeux s'embuèrent alors qu'elle baissait la tête, elle hurla brusquement son désespoir.

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